Éditorial

Un début d'année empêché ou en attendant le joli mois de mai !


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Ce début d'année 2019 est décidément étonnant. Les chaînes d'info en continu montrent que la révolte gronde et que la France est à feu et à sang. CNN, dans la rétrospective des événements de l'année écoulée qui passait en boucle entre chaque émission, montrait évidemment les figures “avenantes” de Donald Trump et de Kim Jong-un, ainsi que les nouveaux venus démocrates au Congrès américain menés par Nancy Pelosi. Cette chaîne, retransmise maintenant dans tous les hôtels dignes de ce nom et polluant allègrement notre petit-déjeuner, incluait également dans ce résumé, au même titre que le séisme en Indonésie, les scènes d'affrontements de rue à Paris et à l'Arc de triomphe, avec des prises de vue et des éclairages très léchés…

En dehors de cette vision macroscopique américaine du monde et de ses tourments, il n'en reste pas moins que la fracture observée en France est préoccupante. À cet égard, les discours entendus sur la santé sont assez démonstratifs… Certains se réjouissent, comme au ministère, de l'équilibre financier de l'assurance maladie (branche assurance maladie – risques professionnels) pour la cinquième année consécutive, alors que l'on sait très bien le caractère artificiel de ces comptes et des dépenses imputées. Cette autosatisfaction financière est inaudible en ce début 2019…
D'autres, et évidemment dans la rue parmi les “gilets jaunes”, font entendre à la fois le ras-le-bol fiscal et la nécessité d'améliorer l'accès aux soins.
D'autres, enfin, parmi le personnel de santé, médical et non médical, expriment ou essaient d'exprimer dans la cacophonie ambiante, les difficultés au quotidien, voire la souffrance au travail, face aux demandes de plus en plus pressantes des directions, des administrations ou des patients. Cette expression reste assez discrète et risque de passer sous les radars du grand débat national et des éventuelles orientations qui pourraient en sortir… De manière assez démonstrative, vous pouvez aller consulter le site Internet www.aquoiserventmesimpots.gouv.fr pour y rechercher le poids des dépenses de santé. Ce site a été créé pour répondre à la question des gilets jaunes : “Que faites-vous de notre argent ?”
Et donc, si vous recherchez le poids des dépenses de santé sur ce site… vous ne le trouverez pas ! En effet, elles sont, si j'ai bien compris, dans un grand fourre-tout intitulé “solidarités”, qui inclut la lutte contre les inégalités, les retraites, la lutte contre la pauvreté, la lutte contre le chômage… et la santé exprimée comme la volonté de construire une stratégie nationale de santé axée sur la prévention, de lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de santé, et de garantir la qualité et la pertinence des soins.

Comment faire pour que le débat sur la santé des Français ne soit pas qu'un débat basé sur le quantitatif – dépenses et recettes – mais qu'on puisse y introduire davantage de qualitatif, à la fois pour les usagers et les professionnels ? Est-ce que nous nous sommes donné les moyens d'évaluer ces données qualitatives de manière fiable ? Les professionnels de la santé ou leurs représentants sauront-ils prendre la parole et se faire entendre ? Le projet de loi santé présenté par la ministre n'est-il qu'une approche géographique de la répartition des besoins en santé ? Nous ne pourrons pas faire l'économie de ce type de réflexion, ou bien d'autres la feront à notre place dans les mois qui viennent, que ce soit par décision ministérielle ou par référendum populaire… et le joli mois de mai qui se profilait ne sera plus finalement qu'un empêchement de plus pour nous tous.


Liens d'intérêt

P. Sogni déclare avoir des liens d’intérêts avec Gilead, BMS, MSD, Janssen, AbbVie, Mayoly Spindler, Genfit, Intercept.