Éditorial

Plaidoyer pour l'intervention nutritionnelle intensive


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Au-delà de la maladie alcoolique, la NAFLD (non-alcoholic fatty liver disease) a fini par prendre le pas sur l'ensemble des étiologies classiques d'hépatopathies chroniques. Conséquence d'une augmentation de la prévalence de l'excès de poids et de la progression du diabète de type 2, la NAFLD entre dans le champ des pathologies chroniques susceptibles d'être modifiées par l'intervention diététique et l'activité physique. Bien que la perte de poids progressive entraîne une réduction de la teneur en graisse hépatique, certaines études suggèrent également qu'une alimentation réduite en glucides complexes, riche en fibres et protéines, associée à un régime alimentaire de type méditerranéen, aurait un effet supplémentaire sur la réduction de la stéatose hépatique. L'activité physique, indépendamment de la perte de poids, améliore le taux de graisse hépatique. Les exercices combinés d'aérobie et de musculation semblent efficaces dans la prise en charge de la NAFLD. Néanmoins, le niveau de preuve issu des interventions diététiques et de l'exercice physique est limité en ce qui concerne l'efficacité dans les stéatohépatites plus avancées. La combinaison d'une modification alimentaire intensive et de la pratique régulière d'une activité physique devrait constituer l'approche non pharmaceutique la plus prometteuse pour améliorer la NASH (non-alcoholic steatohepatitis). Des essais randomisés multicentriques, adaptés au contexte culturel alimentaire, restent à mener.

L'article de L. Serfaty sur les traitements pharmacologiques du futur est une illustration de l'intérêt massif des laboratoires pharmaceutiques dans ce champ thérapeutique. En effet, une soixantaine de molécules sont actuellement développées (soit environ 300 essais dans le monde), destinées aux cas les plus sévères, c'est-à-dire ceux des patients ayant une NASH avec fibrose. Cet article illustre aussi le fait que le ciblage des industriels tend à se focaliser sur les patients dont la maladie a déjà atteint un certain niveau d'évolutivité, laissant de côté ceux pouvant bénéficier d'un traitement en amont, afin de laisser la place à de l'intervention nutritionnelle, qui peut être guidée par les résultats des explorations d'imagerie et biologiques.

La chirurgie bariatrique s'est développée de manière exponentielle en France, comptabilisant plus de 60 000 interventions par an, plaçant notre pays au 3e rang mondial en volume d'intervention. De nombreuses données observationnelles à court terme, soit 1 an après la chirurgie, montrent une efficacité sur la régression de la NASH. Certaines données indiquent qu'environ un tiers des patients semblent avoir une amélioration de la fibrose à 1 an. Il n'existe actuellement aucun essai randomisé sur le long terme ciblant cette population de patients. Les réunions médicochirurgicales de concertation pluridisciplinaire (RCP) doivent continuer à être l'étape obligatoire pour poser l'indication, chez les patients ayant un IMC supérieur à 35 kg/m² et présentant des comorbidités. En dessous de ce seuil, la chirurgie est actuellement contre-indiquée, en dehors des essais cliniques, comme le programme hospitalier de recherche clinique NASHsurg mené par le CHU de Lille et dont les résultats seront disponibles en 2023 (www.clinicaltrials.gov).

En pratique, il est souvent conclu à une inefficacité clinique de l'intervention nutritionnelle par la modification diététique et du niveau d'activité physique dans la prise en charge de l'obésité, source de nombreuses comorbidités, dont la NAFLD. En réalité, si l'on se réfère aux recommandations américaines de prise en charge de l'obésité, il est clairement établi que, pour obtenir une perte de poids efficace, de l'ordre de 5 à 10 % du poids de départ, il faut une intervention intensive comprenant au moins 14 consultations en 6 mois ! Le sujet de fond n'est donc pas de savoir si modifier l'alimentation ou le niveau d'activité physique d'un patient est possible, mais de s'assurer que tous les moyens ont été mis en œuvre pour y arriver. Le développement de structures de ville, la prise en charge par l'Assurance maladie des consultations diététiques, le sport sur ordonnance ou le développement de solutions nutritionnelles digitales sont autant de pistes à envisager pour faire en sorte que les changements soient possibles et durables pour nos patients à risque ou à un stade déjà avancé de leur maladie.



Liens d'intérêt

S. Czernichow déclare avoir des liens d’intérêts avec BMS, Janssen, Lilly, My GoodLife, Novo Nordisk, Sanofi, Servier.