Éditorial

“Au vent mauvais” Chanson d'automne, Paul Verlaine


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Voici le numéro, comme chaque année, tant attendu : rétrospective et perspectives. Vous y trouverez toutes les avancées de l'oncologie médicale décortiquées par nos experts. Jean-Baptiste Bachet soulignera l'intérêt de l'immunothérapie dans les cancers de l'œsophage et œsogastriques, il vous décrira aussi les promesses des biothérapies dans les cancers digestifs ayant une mutation KRAS G12C.
Philippe Beuzeboc aura le plaisir d'insister sur les résultats qui modifient la pratique dans les cancers de la prostate et répondra à la question classique : faut-il opérer les cancers du rein en situation métastatique ? Dans les mélanomes, Stéphane Dalle et Anaïs Eberhardt vous expliciteront la nature des traitements efficaces dans les ­métastases cérébrales et la nouvelle piste dans le mélanome uvéal. On verra, avec Denis Moro-Sibilot et Nicolas Girard, que la ­mortalité baisse dans les cancers bronchiques du fait d'une détection plus précoce et d'une ­meilleure ­efficacité des ­traitements ; qui l'aurait cru il y a quelques années ? Dans les cancers du sein, ­Jean-Yves Pierga et Véronique Diéras vous convaincront de l'intérêt des inhibiteurs de PARP. Mettons en exergure pour les tumeurs ­gynécologiques, avec Thibault de la Motte Rouge, l'impact de l'immunothérapie sur les survies globales dans les cancers du col de l'utérus et de l'endomètre. Vous retrouverez sous la plume d'Esma ­Saâda-Bouzid et Joël Guigay une synthèse concernant les cancers ­cervicofaciaux. Enfin, vous ­bénéficierez de deux papiers très complets sur ­l'oncogériatrie de Michaël Bringuier et Romain Geiss et sur les soins de support avec Florian Scotté et al.

Toutes ces avancées ont été choisies par la rédaction en raison de leurs gains cliniques spectaculaires, qui débouchent même parfois sur de nouvelles pratiques et ce, il faut le souligner, en période de pandémie de Covid-19.

Je vous propose aussi, après cette lecture classique, une analyse en filigrane de ce numéro. Que trouvons-nous ? Tout d'abord, le témoignage d'un travail de recherche médicale acharné, malgré des difficultés dans les équipes cliniques tout autour du monde, mais aussi une activité de bénédictin des techniciens de recherche clinique permettant de recueillir des données utilisables
pour une analyse scientifique rigoureuse des résultats mis en perspective avec les données précédentes. Tout cela n'est possible que grâce à la vocation scientifique de toutes ces personnes dévouées et animées d'un profond désir de vaincre la maladie.

Parlons maintenant des héros que sont ces centaines de patients qui acceptent d'intégrer des essais cliniques souvent plus par altruisme que pour leur intérêt personnel.
On ne peut que ressentir de l'admiration à l'égard de cette mobilisation continue pour une grande cause.

Mais comment rester concentrés sur cette tâche sacrée lorsque empathie, respect, droits humains sont insultés et bafoués, comme ils le sont en ce moment en Ukraine ?

Essayons, pour mieux comprendre, de décrypter ce terrible bulletin météo venu de l'Est : “Avis de coup de vent mauvais”, qui impacte nos vies. Laissons de côté la lecture standard, car insipide et pétrie de fake news.

Que voyons nous alors en filigrane ? Tout d'abord un despote perdu dans un rêve d'empire, atteint de violence autotélique qui décide de “dénazifier” le pays frère et voisin de plus de 40 millions d'habitants ! On retient surtout le visage d'une petite fille de 4 ans qui, par 95 mètres de fond dans le métro où elle habite, nous dit : “Je ne veux pas mourir !”

On est aussi frappés par ces jeunes mariés, autres héros, qui, une fois la cérémonie finie, se séparent pour enfiler une tenue de combat hétéroclite et rejoindre leurs positions de défense. Faut-il désesperer devant plus de 2 millions de réfugiés ? Sans doute pas encore ; les réseaux sociaux nous annoncent que plus de 6 000 soignants ont signé une pétition dans le pays du despote contre “les actions militaires”, au risque de plusieurs années de prison. Une étincelle qui nous réchauffe malgré tout dans les ténèbres.

Alors, si nous ne pouvons pas retourner collectivement la table, présentons nos excuses aux mânes de Verlaine : retournons son poème et finissons par ses premiers vers : “Les sanglots longs des violons de l'automne…” Tous, nous savons que, depuis le 6 juin 1944, ils signifient : LIBERTÉ !


Liens d'intérêt

J.F. Morère déclare avoir des liens d’intérêts avec Roche et Pierre‑Fabre.