Les papillomavirus humains (HPV) sont de petits virus à ADN de la famille des Papillomaviridae responsables d’infections cutanéomuqueuses chez l’Homme. À ce jour, environ 200 génotypes différents ont été décrits, dont une dizaine sont considérés comme oncogènes selon la classification de l’IARC (International Agency for Research on Cancer), les génotypes HPV16 et HPV18 étant ceux les plus connus. Ces virus HPV se transmettent par simple contact et ont un tropisme cutanéomuqueux strict. Ils peuvent être responsables de lésions bénignes, comme les condylomes anogénitaux, les papillomatoses laryngées ou bronchiques, mais également de lésions prénéoplasiques (dysplasies), ainsi que de cancers invasifs. Cette propriété oncogène de certains HPV intervient en inhibant nos principaux gènes protecteurs ou gardiens du génome (p53 et pRb), via les deux oncoprotéines virales E6 et E7.
Parmi les cancers les plus fréquents liés aux HPV, nous relevons les cancers du col utérin, du canal anal, de l’oropharynx, de la vulve et du vagin, du pénis et bien entendu les nombreuses lésions précancéreuses mettant en exergue l’importance de la prévention primaire (vaccination anti-HPV) et de la prévention secondaire (dont principalement le dépistage systématique du cancer du col utérin chez toutes les femmes). Chaque année en France, 6 400 cancers (dont un quart touche les hommes) et 100 000 lésions bénignes sont liés aux HPV [1]. La vaccination proposée et recommandée dès l’âge de 11 ans, avec un rattrapage pour tous jusqu’à l’âge de 26 ans révolus depuis mai 2025, reste un moyen extrêmement efficace pour prévenir la survenue de ces cancers à l’âge adulte. À titre d’exemple, aujourd’hui en Australie, la vaccination anti-HPV de l’ensemble de la population a permis d’obtenir une incidence des cancers du col utérin proche de 0 !
Sur le plan mondial, le cancer du col utérin figure à la 4e place en termes d’incidence et représente environ 569 571 nouveaux cas et 260 000 décès par an [2]. En France, on compte actuellement encore 3 000 nouveaux cas de cancers du col utérin avec un taux de mortalité d’environ 1 100 décès par an [3]. Les HPV à haut risque (HPV-HR) sont observés dans 99,7 % des cas de cancer du col utérin. Parmi les HPV-HR, les génotypes HPV16 et HPV18 sont responsables à eux seuls de 70 % des cas de cancers, et les génotypes HPV16, 18, 31, 33, 45, 52 et 58, contenus dans le vaccin anti-HPV nonavalent, de 90 % d’entre eux. La persistance de l’infection HPV-HR représente le principal facteur de risque de développer des néoplasies intra-épithéliales, mais il est aussi important de souligner le rôle de facteurs de persistance comme le tabac ou l’immunodépression (comme pour les personnes vivant avec le VIH). D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, comme le fait d’avoir plusieurs partenaires [2].
En ce qui concerne le cancer du canal anal, celui-ci reste prédominant chez les femmes, mais son incidence est en augmentation, dont 90 % des cas sont dus au génotype HPV16 [2, 4]. Entre 1990 et 2018 en France, l’incidence du cancer anal était en augmentation avec environ 2 000 nouveaux cas en 2018, dont
deux tiers chez les femmes [3]. Cette augmentation est probablement liée à la hausse du nombre de partenaires sexuels, associée à une diminution de la clairance naturelle du virus HPV. Bien qu’il reste un cancer rare, son incidence est particulièrement élevée chez certaines populations à risque, comme les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) infectés par le VIH, les femmes transplantées depuis plus de 10 ans et celles ayant des antécédents de lésions précancéreuses ou de cancer vulvaire. Une meilleure connaissance de l’épidémiologie du cancer du canal anal a d’ailleurs permis d’émettre des recommandations de dépistage dans des populations ciblées en 2022 [5].
Ainsi, plus que jamais, nos efforts de diffusion de l’information sur le rôle de ces virus oncogéniques sont primordiaux, et un numéro spécial de La Lettre du Cancérologue en est un magnifique exemple. Nous devons tout particulièrement communiquer sur les moyens de prévention de ces cancers, le premier étant la vaccination prophylactique anti-HPV chez les jeunes, quel que soit le sexe, ainsi que la prévention secondaire (le dépistage) et, en cas de lésions prénéoplasiques déjà établies, la prise en charge et le suivi post-thérapeutique. D’autres questions restent cependant encore en suspens, comme l’effet des vaccins prophylactiques en cas de présence du virus et sur la prévention secondaire, notamment pour déterminer si ces vaccins peuvent être efficaces pour empêcher une évolution des lésions prénéoplasiques vers la forme invasive.
Ce dossier vous propose une synthèse complète sur le HPV et les cancers, et, nous l’espérons, contribuera à vous sensibiliser à l’importance des moyens de prévention primaire (efficacité de la vaccination) et secondaire.

