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Entretien / Interview

Ma médecine : un parcours, une carrière – Pr Michel Safar


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Pourquoi êtes-vous devenu médecin, et quelle a été votre formation ?

Je suis né à Alger le 17 mars 1937. Les événements survenus en France en 1940 ne m'ont pas permis d'entreprendre des études classiques avant 1944. Par la suite, j'ai poursuivi ces études sans difficulté, mes parents ayant décidé en 1950 d'habiter Paris. J'avais, à cette époque, un goût prononcé pour l'histoire, goût que j'ai gardé par la suite. J'ai pu être nommé à l'internat des hôpitaux de Paris en 1959. Après 26 mois de service militaire s'est posé le problème du choix de ma profession. Mon père étant pharmacien et mon oncle médecin, et comme cela se faisait souvent dans les familles françaises d'origine algérienne à cette époque, le choix de médecin s'imposait par lui-même. À cette époque, le développement de la néphrologie s'accorda avec mon choix personnel, car incluant hémodialyse et transplantation. Par la suite, vint le choix de l'hypertension artérielle, qui, à l'époque, n'était qu'une bifurcation de la néphrologie.

Quelles personnalités vous ont le plus influencé au cours de votre cursus, et pourquoi ?

Outre l'influence familiale, 2 personnalités se sont imposées rapidement : mon conférencier d'internat, le Dr Jean-Claude Hesse, et mon maître, le Pr Paul Milliez, dont Jean-Claude était l'élève. Jean-Claude Hesse m'a appris la médecine et aussi son propre enseignement, dont il était l'expert, et que j'ai suivi durant des années, devenant moi-même par la suite conférencier. Le Pr Paul Milliez était connu depuis longtemps pour sa personnalité et son caractère, mais aussi pour le nombre de ses élèves. J'ai travaillé avec lui chaque jour durant 13 ans. Nous n'avions pas la même formation, ni la même éducation, et j'ai dû apprendre à le comprendre, puis à l'interpréter, connaissant depuis longtemps la qualité de ses décisions durant la Seconde Guerre mondiale, puis ultérieurement. Je suis de ceux qui ont repris par la suite son travail, ceci sans à-coups et, je le pense, à bon escient.

Quels ont été vos centres d'intérêt, et comment ont-ils évolué avec le temps ?

Mon premier centre d'intérêt a été la néphrologie. Ma thèse a porté sur les néphropathies glomérulaires. Par la suite, j'ai travaillé plusieurs années dans le cadre de l'hémodialyse chronique et de la transplantation rénale et contribué à la création du centre de l'hôpital Broussais, ouvert dans ce cadre avec mes autres collègues, élèves de Paul Milliez. Mon deuxième centre d'intérêt a été ensuite l'hypertension artérielle elle-même étudiée dans sa totalité, avec ou sans insuffisance rénale. Dans tous ces cas de figure, ma préoccupation unique a toujours été la clinique humaine, et par conséquent le soin du malade. Je n'ai jamais effectué de discipline associée, celle-ci pouvant être considérée comme indépendante du soin.

Quelles ont été les principales avancées dans votre domaine durant les 10 dernières années ?

Les principales avancées me concernant durant ces 10 dernières années ont porté sur la physiopathologie et sur le soin.

En physiopathologie, il s'est agi, dans mon domaine, du rein et de la pathologie vasculaire, portant avant tout sur l'état des gros troncs artériels de l'hypertendu. Nous n'avons, par contre, développé aucune physiopathologie concernant la cardiologie.

Dans le cadre du soin, le problème particulier a été celui de l'hôpital de jour, dont il faut développer les indications. Celles-ci doivent porter non seulement sur le bilan initial de l'hypertendu mais aussi sur son suivi à long terme et les examens non invasifs qu'il faut développer, en particulier avec l'aide des radiologues.

Quels ont été selon vous vos principaux apports à la spécialité ?

Mon principal apport à la spécialité a été de développer, en matière d'hypertension artérielle, des techniques non invasives permettant de mieux préciser l'état des gros troncs artériels. Nous avons montré que, dans l'hypertension artérielle, il fallait non seulement mesurer la pression artérielle, mais aussi évaluer de manière quantitative et non invasive le degré de rigidité artérielle. Le but, dans cette maladie, serait non seulement d'abaisser les chiffres tensionnels, mais aussi d'améliorer leur élasticité, en particulier chez le sujet âgé, surtout s'il est diabétique. Plus récemment, nous avons appliqué ces techniques non invasives au dépistage de l'insuffisance coronaire, et ce problème est en voie de résolution.

Quelles questions scientifiques ou médicales restent actuellement, pour vous, sans réponse, et comment y remédier ?

Pouvoir choisir actuellement des médicaments améliorant l'élasticité artérielle indépendamment de la pression artérielle me paraît un objectif important. Celui-ci est peu ou pas pris en considération aujourd'hui.

Comment, selon vous, améliorer la prise en charge des patients dans votre domaine ?

Clairement, il faut améliorer l'information des patients sur leur maladie, soit en organisant un enseignement spécifique lors de l'hospitalisation de jour, soit en développant un enseignement propre au malade lui-même et confié à des professionnels de la santé. L'usage conjoint de ces 2 techniques n'est pas à exclure, mais actuellement, n'est pas l'objet de directives sérieuses.

Comment, selon vous, améliorer l'enseignement des étudiants et la formation des médecins ?

L'enseignement des étudiants et la formation des médecins dans le cadre de l'hypertension artérielle n'existent pas encore, à proprement parler. Ils ne peuvent être développés qu'une fois que des études préalables auront été faites par de futurs intervenants responsables et devenus conscients de leur choix.


Quel livre, quel film, quelle musique, quelle œuvre d'art (peinture, sculpture) emporteriez-vous sur une île déserte ?

La peinture est la forme d'art que j'ai toujours comprise le mieux. Un des tableaux que je préfère est Impression, soleil levant de Claude Monet. La peinture cependant n'est pas seulement impressionniste, et sa distribution atteint maintenant tous les pays. Il n'y a plus d'île déserte.

Une maxime qui vous est chère pour conclure ?

“Faire face.”