Dossier

Commotion, syndrome commotionnel persistant et syndrome post-traumatique : épidémiologie, clinique et pistes thérapeutiques


(pdf / 99,45 Ko)

  • Il existe une forte prévalence de la commotion cérébrale (sportive ou non sportive) en population générale : environ 150 000 cas par an en France.
  • La plupart des commotions cérébrales ont un pronostic favorable.
  • 10 à 20 % des patients présenteront un syndrome post-commotionnel avec un retentissement socioprofessionnel.
  • Les facteurs de mauvais pronostic sont multifactoriels (sociodémographiques, lésionnels et psychologiques).
  • Le traitement repose sur une prise en charge précoce fondée sur la psychoéducation et la prise en charge des troubles psychologiques associés, mais le niveau de preuve de l'efficacité reste faible.

Le traumatisme craniocérébral léger (TCCL), ou commotion cérébrale, est la forme de loin la plus fréquente des traumatismes cranio­cérébraux, et la pratique sportive en est la troisième cause, après les chutes et les accidents de la voie publique. Le pronostic vital à court terme est très bon (mortalité inférieure à 1 %), mais le pronostic fonctionnel à moyen et à long terme est plus incertain. En effet, environ 20 % des blessés vont présenter des séquelles durables, en rapport avec un syndrome post-commotionnel (SPC).

Épidémiologie

Les données épidémiologiques suggèrent que 50 à 60 millions de personnes sont victimes d'un traumatisme craniocérébral dans le monde chaque année, dont 60 à 95 % sont des TCCL [1]. L'incidence du traumatisme craniocérébral est estimée à 200 à 300 cas pour 100 000 habitants par an, mais elle est probablement 2 fois plus élevée si l'on inclut les patients non hospitalisés [2]. Une étude épidémiologique exhaustive effectuée en Nouvelle-Zélande a ainsi rapporté un taux d'incidence de 790 cas pour 100 000 personnes par an (dont 749 cas pour les TCCL). Toutes les études épidémiologiques ont montré un net effet du sexe (les hommes étaient plus fréquemment touchés que les femmes, avec un risque relatif global proche de 2). Une étude américaine portant sur les personnes avec TCCL se présentant aux urgences a montré une augmentation significative du taux d'incidence entre 2006 et 2012 [3], passant de 569,4 à 807,9. Le TCCL touche principalement les jeunes, mais on observe une tendance à l'évolution de l'épidémiologie dans les pays industrialisés, caractérisée par une augmentation de l'incidence chez les jeunes enfants et les personnes âgées [4].

Clinique

Définitions du TCCL (ou commotion cérébrale)

Les termes de TCCL ou de commotion cérébrale (concussion en anglais) sont globalement équivalents, le second étant cependant plus souvent utilisé en pratique sportive. Selon l'OMS, un traumatisme craniocérébral est “une lésion cérébrale aiguë résultant de l'énergie mécanique appliquée à la tête par des forces physiques externes” à l'exclusion des manifestations liées à d'autres facteurs (drogues, alcool, médicaments, etc.). Selon le Mild Traumatic Brain Injury Committee de l'American Congress of Rehabilitation Medicine, le diagnostic d'un TCCL repose sur la présence d'au moins l'un des symptômes suivants [5] :

  • une perte de connaissance inférieure à 30 minutes ;
  • un score à l'échelle de coma de Glasgow entre 13 et 15, 30 minutes après l'accident ;
  • une amnésie post-traumatique inférieure à 24 heures ;
  • une altération de l'état mental au moment de l'accident (confusion, désorientation, etc.) ;
  • un déficit neurologique transitoire (incluant des signes focaux, une crise d'épilepsie ou une lésion intracrânienne non chirurgicale).

La plupart des auteurs recommandent de se limiter à des critères cliniques, mais si une imagerie cérébrale est réalisée et qu'elle montre une lésion cérébrale, on parle alors de TCCL “compliqué”.

En matière sportive, la commotion cérébrale a été définie de la façon suivante, après la conférence de consensus de Berlin en 2016 [6] : la commotion cérébrale liée au sport est une lésion cérébrale traumatique induite par des forces biomécaniques. Plusieurs caractéristiques communes peuvent être utilisées.

  • La commotion peut être causée soit par un coup direct à la tête, au visage, au cou ou ailleurs sur le corps avec une force impulsive transmise à la tête.
  • La commotion se traduit généralement par l'apparition rapide d'une altération de courte durée de la fonction cérébrale qui se résorbe spontanément. Cependant, dans certains cas, les signes et les symptômes évoluent sur quelques minutes à plusieurs heures.
  • La commotion peut entraîner des changements neuropathologiques, mais les signes et les symptômes cliniques aigus reflètent en grande partie une perturbation fonctionnelle plutôt qu'une lésion structurelle et, à ce titre, aucune anomalie n'est observée dans les études de neuro-imagerie structurelle standard.
  • La commotion entraîne une série de signes et de symptômes cliniques qui peuvent ou non impliquer une perte de conscience. La résolution des caractéristiques cliniques et cognitives suit généralement un cours séquentiel. Toutefois, dans certains cas, les symptômes peuvent être prolongés. Les signes et les symptômes cliniques ne peuvent pas être expliqués par la consommation de drogues, d'alcool ou de médicaments, par d'autres blessures (telles que des lésions cervicales, un dysfonctionnement vestibulaire périphérique, etc.) ou par d'autres comorbidités (par exemple, des facteurs psychologiques ou des conditions médicales coexistantes).

Un groupe de travail réuni au ministère des Sports avec les représentants médicaux de nombreuses fédérations sportives a tenté de regrouper ces définitions provenant du monde sportif et non sportif dans une définition consensuelle en 4 points applicable pour tout type de TCCL [7]. La commotion cérébrale ou traumatisme cérébral léger est une blessure du cerveau :

  • consécutive à la transmission directe ou indirecte d'une énergie cinétique à la tête ;
  • entraînant une dysfonction cérébrale immédiate et transitoire caractérisée par au moins l'un des troubles suivants : perte de connaissance, amnésie, altération de l'état mental, signes neurologiques ;
  • possiblement suivie d'une ou de plusieurs plaintes fonctionnelles (syndrome commotionnel) ;
  • avec des signes et des symptômes non expliqués par une autre cause.

Une telle définition a permis ensuite d'établir 17 critères diagnostiques. Dans le contexte de la transmission directe ou indirecte d'une énergie cinétique à la tête, le diagnostic de commotion cérébrale peut être affirmé si au moins l'un des signes ou symptômes suivants, observé ou rapporté, est présent dans les 24 premières heures et non expliqué par une autre cause : 1) perte de connaissance ; 2) convulsions ou crise tonique ; 3) troubles de l'équilibre (ataxie) ; 4) trouble visuel ; 5) autre signe neurologique (déficit) ; 6) confusion ; 7) désorientation ; 8) trouble du comportement ; 9) amnésie ou troubles de la mémoire ; 10) mal à la tête diffus et/ou sensation de tête lourde ; 11) vertiges et/ou étourdissement ; 12) fatigue ou manque d'énergie inhabituel ; 13) sensation d'être ralenti et/ou somnolence ; 14) nausées et/ou vomissements ; 15) gêne à la lumière et/ou au bruit ; 16) ne pas se sentir bien et/ou “dans le brouillard” ; 17) difficultés de concentration.

Le syndrome commotionnel persistant est défini, quant à lui, par la persistance de symptômes consécutifs au traumatisme (persistance du syndrome commotionnel) après 2 semaines chez l'adulte et 1 mois chez l'enfant.

Du syndrome post-commotionnel au syndrome post-traumatique

Le SPC associe à des degrés divers 3 types de symptômes [8] :

  • des symptômes somatiques : céphalées, sensations vertigineuses, nausées, troubles sensoriels visuels ou auditifs, fatigue, troubles du sommeil ;
  • des plaintes cognitives : troubles de la mémoire et de l'attention ;
  • des modifications émotionnelles ou comportementales : irritabilité, labilité émotionnelle, anxiété, humeur dépressive.

La CIM-10 exigeait la présence d'au moins 3 symptômes différents pour affirmer le diagnostic de ce syndrome. La CIM-11 ne précise cependant plus ni le nombre minimal de symptômes ni leur durée. Le SPC fait partie dans cette classification des “troubles neuro­-
cognitifs légers”. En revanche, le DSM (diagnostic and statistical manual of mental disorders) a supprimé dans sa 5e version le terme de syndrome post-commotionnel, pour ne conserver que la catégorie “trouble neuro­-cognitif majeur ou léger dû à une lésion cérébrale traumatique”. Les symptômes évoqués ci-dessus ne sont cependant en rien spécifiques, pouvant s'observer dans de nombreuses autres situations (notamment un traumatisme sans TCCL), ce qui a conduit certains auteurs à remettre en cause ce cadre nosologique, et à proposer le terme de syndrome post-traumatique plutôt que syndrome post-commotionnel.

La fréquence du SPC diminue progressivement avec le temps, les facteurs de risque d'évolution vers la chronicité étant multifactoriels. Citons, par exemple, l'étude de J. Van der Naalt et al. [9] ayant porté sur 1 151 patients avec TCCL, dont 671 ont été revus 6 mois après le traumatisme. Des anomalies sur le scanner cérébral initial (présentes dans 15 % des cas) n'étaient pas prédictives du pronostic. Deux semaines après l'accident, 84 % des blessés rapportaient une ou plusieurs plaintes, le nombre moyen de plaintes par patient étant de 5,8 ± 4,3. Les plaintes les plus fréquentes étaient les suivantes : céphalées (51 %), vertiges (55 %) et fatigue (56 %). Le nombre de plaintes était significativement corrélé aux scores d'anxiété, de dépression ou de stress post-­traumatique. Il est important de noter que 45 % des blessés présentaient une détresse émotionnelle incluant 39 % de stress post-traumatique. Six mois après l'accident, le nombre moyen de plaintes par patient était de 4,7 ± 4,8, et 72 % des blessés avaient au moins une plainte. La récupération était incomplète globalement chez 44 % des patients, et 28 % n'avaient pas repris leur travail ou leurs études au même niveau qu'avant le traumatisme.

L'association avec un trouble de stress post-traumatique est fréquente

Le stress post-traumatique pose des problèmes diagnostiques difficiles, car il peut être associé au SPC, dont il partage un certain nombre de symptômes. Contrairement aux idées reçues anciennes, l'amnésie post-traumatique ne protège pas du trouble de stress post-traumatique. Bien au contraire, le fait d'avoir été victime d'un TCCL augmente le risque de survenue du stress post-traumatique [10]. Ainsi, une étude de cohorte américaine ayant inclus 1 155 patients avec TCCL et 230 sujets témoins traumatisés mais sans traumatisme craniocérébral a constaté que la fréquence d'un trouble de stress post-traumatique ou d'un trouble dépressif majeur 6 mois après le traumatisme était plus élevée dans le groupe avec TCCL que dans le groupe témoin (21,2 versus 12,1 %) [11].

Les troubles cognitifs

L'existence de déficits cognitifs touchant la mémoire, l'attention et la vitesse de traitement de l'information semble avérée à la phase aiguë et jusqu'au 3e mois environ [12]. Au-delà de 3 mois, la présence de déficits cognitifs persistants est beaucoup plus discutée [13]. Dans une méta-analyse [14] portant sur 11 études prospectives ayant évalué les patients 3 mois ou plus après l'accident, le TCCL était associé à un déficit significatif mais faible des fonctions cognitives (taille de l'effet moyen = 0,12, à la limite de la sensibilité des épreuves). La survenue de déficits cognitifs plus sévères après un TCCL doit donc faire rechercher d'autres facteurs explicatifs, notamment des troubles de l'humeur associés (stress post-traumatique, dépression, recherche d'indemnisation, etc.).

Pistes thérapeutiques

De nombreux groupes d'experts et sociétés savantes ou groupes d'experts ont proposé des recommandations de prise en charge. Le niveau de preuve de l'efficacité des différents protocoles rapportés dans la littérature reste cependant relativement faible du fait du petit nombre de patients. M. Arbabi et al. [15], dans une revue récente, ont retenu 25 études ayant porté sur plus de 3 000 patients. Ils ont classé les interventions en 4 groupes : éducation et intervention précoce ; rééducation ; interventions psychologiques ; pharmacothérapies. Les interventions qui montraient le meilleur niveau de preuve d'efficacité étaient les approches rééducatives et psychologiques. C. Heslot et al. (Neurochirurgie, sous presse) ont retenu 5 études sur la prévention du SPC et 46 études sur le traitement curatif : psychoéducation : 2 études ; prise en charge des troubles physiques : 12 études ; prise en charge cognitive : 24 études (avec des approches très variées, soit rééducation cognitive, soit utilisation de techniques telles que la rTMS, l'oxygène hyperbare, la luminothérapie ou des médicaments) ; prise en charge psychologique : 8 études. Les résultats ont montré que différentes approches semblaient avoir une efficacité, notamment l'éducation thérapeutique dans les 3 mois suivant le traumatisme, les techniques de rééducation cognitive et de stimulation cérébrale non invasive, les thérapies cognitivocomportementales et la psychoéducation. Néanmoins, le niveau de preuve des différentes études était considéré comme faible, et la nécessité d'études randomisées sur de plus grands effectifs a été soulignée.

Conclusion

Le TCCL est un problème de santé publique, par sa fréquence et le risque non négligeable d'évolution défavorable (10 à 20 % des cas). Ces risques justifient les efforts de prévention et de prise en charge de la dimension psychologique, notamment en milieu sportif, mais aussi d'accompagnement et de suivi pour minimiser les risques de chronicisation des symptômes et de désinsertion sociale.■

Références

1. Maas AIR et al. Traumatic brain injury: integrated approaches to improve prevention, clinical care, and research. Lancet Neurol 2017;16(12):987‑1048.

2. Lefevre-Dognin C et al. Definition and epidemiology of mild traumatic brain injury. Neurochirurgie 2020;S0028-3770(20)30060-6.

3. Cancelliere C et al. Epidemiology of isolated versus non-isolated mild traumatic brain injury treated in emergency departments in the United States, 2006-2012: Sociodemographic Characteristics. J Head Trauma Rehabil 2017;32(4):E37‑46.

4. Brazinova A et al. Epidemiology of traumatic brain injury in Europe: a living systematic review. J Neurotrauma 2018. doi: 10.1089/neu.2015.4126

5. ACRM. Definition of mild traumatic brain injury. J Head Trauma Rehabil 1993;8(3):86‑7.

6. McCrory P et al. Consensus statement on concussion in sport-the 5th international conference on concussion in sport held in Berlin, October 2016. Br J Sports Med 2017;51(11):838‑47.

7. Decq P et al. Diagnosis clinical criteria of sport related concussion: toward an operational criteria definition in France. Neurochirurgie 2020. In press.

8. Levin HS, Diaz-Arrastia RR. Diagnosis, prognosis, and clinical management of mild traumatic brain injury. Lancet Neurol 2015;14(5):506‑17.

9. van der Naalt J et al. Early predictors of outcome after mild traumatic brain injury (UPFRONT): an observational cohort study. Lancet Neurol 2017;16(7):532‑40.

10. Hoge CW et al. Mild traumatic brain injury in US soldiers returning from Iraq. N Engl J Med 2008;358(5):453‑63.

11. Stein MB et al. Risk of posttraumatic stress disorder and major depression in civilian patients after mild traumatic brain injury: a TRACK-TBI Study. JAMA Psychiatry 2019;76(3):249-58.

12. Vanderploeg RD et al. Long-term neuropsychological outcomes following mild traumatic brain injury. J Int Neuropsychol Soc 2005;11(3):228‑36.

13. Belanger HG et al. Factors moderating neuropsychological outcomes following mild traumatic brain injury: a meta-analysis. J Int Neuropsychol Soc 2005;11(3):215‑27.

14. Binder LM et al. A review of mild head trauma. Part I: meta-analytic review of neuropsychological studies. J Clin Exp Neuropsychol 1997;19(3):421‑31.

15. Arbabi M et al. Treatment outcomes in mild traumatic brain injury: a systematic review of randomized controlled trials. Brain Inj 2020;34(9):1139‑49.


Liens d'intérêt

P. Azouvi, C. Lefèvre-Dognin, V. Perdrieau, A. Granger, M. Provost, J. Charanton et P. Decq déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.