Pourquoi une exploration par IRM 7T dans la SEP ?
L'intérêt majeur de l'IRM 7T est de permettre d'augmenter le rapport signal/bruit (qui évolue en fonction de l'intensité du champ magnétique selon B01,65) [1] et certains contrastes comme le T2* (susceptibilité magnétique). Ce gain en rapport signal/bruit permet une amélioration des images, dans leur résolution spatiale, leur contraste, ou encore dans la réduction du temps d'acquisition nécessaire à l'obtention des images.
L'IRM 7T contribue ainsi à un meilleur diagnostic de la SEP par la détection du “signe de la veine centrale” au sein des lésions de la substance blanche (2). En effet, l'imagerie de susceptibilité magnétique (SWI) à haute résolution permet d'observer dans 90 % des cas des lésions de SEP, la présence d'une veine, phénotype spécifique de la SEP (3). Elle permet également d'observer la composante inflammatoire leptoméningiale grâce aux séquences 3D-FLAIR réalisées après injection de gadolinium (4, 5).
L'apport majeur de l'IRM 7T dans la SEP semble résider dans la caractérisation de la pathologie corticale, un axe de recherche très actif, car l'atteinte de la substance grise est plus fortement corrélée à la progression du déficit clinique irréversible (6). Il existe plusieurs types de lésions corticales possédant des caractéristiques différentes selon leur distribution spatiale, leurs degrés de démyélinisation et d'inflammation (7, 8). L'IRM 7T, par le gain en résolution spatiale et en contraste T2*, permet de mieux détecter et surtout de mieux différencier les lésions leucocorticales, intracorticales ou sous-piales. Il est également possible de déterminer les couches corticales les plus affectées (9). Cette pathologie corticale s'étend au voisinage des lésions visibles chez les patients rémittents et de manière plus diffuse chez les patients secondairement progressifs (10). Ces atteintes corticales peuvent maintenant être mise en correspondance avec le degré de démyélinisation des faisceaux de substance blanche appartenant au même réseau (11). De plus, il semble que la progression de cette composante corticale soit corrélée à la progression des troubles cognitifs et à celle des déficits cliniques (12). Cela ouvre de nouvelles perspectives sur le suivi de la physiopathologie de la maladie avec l'accès à un biomarqueur d'imagerie sensible pour évaluer l'effet potentiel de nouvelles thérapeutiques sur la pathologie corticale dans la SEP. L'utilisation de paramètres plus quantitatifs comme la “relaxométrie T1” (séquence MP2RAGE) [13], l'imagerie quantitative de susceptibilité magnétique (QSM) [14] ou le transfert d'aimantation (15) permettent d'augmenter la sensibilité et la spécificité des mesures effectuées sur ces régions du cerveau.
Bien que techniquement délicat, ce gain en résolution peut également être appliqué à la caractérisation des atteintes de la moelle épinière. Il est ainsi possible de mieux appréhender l'atrophie de la moelle cervicale, mais surtout d'étudier les atteintes différentielles de la substance blanche et de la substance grise spinale par des méthodes conventionnelles, de relaxométrie quantitative (cartographie T1) [16] ou d'IRM de diffusion (17). La combinaison de plusieurs contrastes permet d'obtenir des biomarqueurs pour différencier les faisceaux de substance blanche mais également les régions de la substance grise en fonction de leur cytoarchitectonie.
Enfin, alors que l'IRM traditionnelle étudie les propriétés magnétiques des noyaux d'hydrogène de l'eau, l'IRM 7T permet d'aborder également la maladie sous l'aspect de “l'homéostasie ionique” en étudiant les propriétés magnétiques des noyaux de sodium 23 (23Na) présents dans les différents compartiments tissulaires par le biais de différentes méthodes telles que le Triple Quantum Filtering (TQF) [18] ou les séquences multiéchos (19). Le gain en sensibilité apporté par le 7T permet ainsi de réaliser des cartographies des pools de sodium de mobilité restreinte et de forte mobilité, signaux qui sont préférentiellement sensibles aux pools de sodium intracellulaires et extracellulaires, respectivement. Ainsi, des augmentations de concentrations de sodium du pool intracellulaire ont pu être mises en évidence chez des patients atteints d'une SEP récurrente-rémittente (18).
Limites de l'utilisation d'une IRM 7T
Outre le prix de ces imageurs, la première limitation des IRM 7T est liée aux contre-indications plus drastiques (non-compatibilité de matériel d'orthodontie et autres implants non testés à 7T) devant être appliquées par rapport aux imageurs 3T, ce qui réduit la potentielle généralisation de ces examens à toute la population de malades.
La deuxième limitation est liée aux hétérogénéités du champ magnétique principal B0 qui paraissent plus difficiles à corriger (shim) à très haut champ magnétique. Elles induisent des artéfacts de susceptibilité magnétique se traduisant par une perte importante du signal dans plusieurs régions cérébrales comme le lobe temporal ou le cortex orbitofrontal. De nouvelles procédures d'homogénéisation sont aujourd'hui proposées, intégrant des shims d'ordres supérieurs ou des méthodes de shims dynamiques permettant d'homogénéiser le champ magnétique principal au niveau de la coupe souhaitée.
Le troisième problème important est lié à l'hétérogénéité de l'excitation radiofréquence (dit “champ B1”) et aux limites de dépôt d'énergie (Specific Absorption Rate [SAR]). L'adaptation des séquences pour limiter l'énergie déposée (échos de gradient plutôt qu'échos de spin), la cartographie des hétérogénéités de B1 pour réaliser des corrections a posteriori (20), l'utilisation de “pads” diélectriques (21), les approches d'imagerie par transmission parallèle sans nécessité de modélisation électromagnétique individuelle (impulsions universelles) [22] apportent jour après jour des solutions concrètes à ce problème.
Conclusion
Les applications cliniques de l'IRM 7T sont en pleine expansion et devraient dans un futur proche fournir des marqueurs importants pour l'adaptation des stratégies de traitement, notamment pour les formes montrant une progression de la pathologie corticale. La récente adoption par la FDA d'IRM 7T à vocation clinique ouvre la voie à un nouveau saut technologique dans la manière d'explorer le système nerveux central d'un patient souffrant de SEP. Le symposium IRM ARSEP du 1er février 2019, qui a eu lieu à l'hôpital de La Pitié-Salpétrière, a permis de mettre en évidence toute la potentialité de ces avancées technologiques ouvrant la voie à des changements de paradigmes dans la prise en charge des patients souffrant de SEP dans la décennie à venir.■

