Editorial

Retour d'expérience sur la téléconsultation


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Le déploiement de la télémédecine, enjeu majeur dans l'organisation du système de santé, est devenu une priorité dans la situation pandémique actuelle, afin de faciliter la continuité des soins tout en limitant le risque de propagation du coronavirus. Si l'intérêt de la téléconsultation semble évident, qu'en est-il dans la pratique générale, et en neurologie en particulier ?

La téléconsultation fait partie – avec la téléexpertise, la télésurveillance, la téléassistance et la régulation médicale – des 5 actes de télémédecine réglementaires. La téléconsultation off re une voie nouvelle dans l'optimisation de l'offre de soins en simplifiant et en facilitant l'accès de tous à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire. Il s'agit notamment de limiter les renoncements aux avis spécialisés et de réduire les délais de prise en charge excessifs. La téléconsultation doit contribuer à l'amélioration de la qualité de vie des patients, en évitant des déplacements inutiles ou le recours aux urgences. Cela est d'autant plus vrai pour  les patients isolés, âgés, fragiles ou atteints de maladies chroniques ou invalidantes.

Un avenant à la convention médicale a permis de faire entrer la téléconsultation dans le droit commun en septembre 2018, en définissant précisément les conditions de réalisation (notamment l'exigence d'un système de vidéo) et les modalités de prise en charge (au taux identique à celui d'une consultation en présentiel) [1]. Après un début timide (320 000 actes de téléconsultation enregistrés par la caisse primaire de l'Assurance maladie en 18 mois), la téléconsultation est devenue, avec la crise de la Covid-19, et ce, dès le premier confinement, une composante essentielle de notre offre de soins sur le territoire. Au total, 19 millions de téléconsultations ont été remboursées par l'Assurance maladie en 2020. Cette envolée du nombre des téléconsultations a été facilitée par la mise en place de mesures dérogatoires, dès le début de l'épidémie, qui ont assoupli les règles de prise en charge des téléconsultations : un remboursement à 100 % a été accordé, y compris pour les consultations par téléphone.

Si, en France, l'année écoulée a vu l'explosion de la téléconsultation, celle-ci concerne presque exclusivement la médecine libérale (96 %), et principalement la médecine générale (qui représente les 4/5 des actes réalisés), suivie par la psychiatrie, la pédiatrie, la gynécologie, la dermatologie et l'endocrinologie. Cette fulgurante installation de la téléconsultation en médecine libérale a été possible grâce à l'émergence de nouvelles plateformes sécurisées, principalement privées. Actuellement, nous ne disposons pas de données précises sur l'utilisation de la téléconsultation hospitalière. Une enquête réalisée dans les établissements de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à la sortie du confinement (mai 2020) a montré, sur 549 questionnaires récupérés, que 96 % des “téléconsultations” se faisaient au seul moyen d'un téléphone. Les motifs le plus souvent rapportés pour expliquer le choix du téléphone par rapport à un échange par vidéo étaient : le manque d'équipement pour les patients ou le praticien, l'absence de valeur ajoutée de la vidéo et la difficulté à mettre en place ce nouveau dispositif (peu de personnel, manque de temps). Aucune étude spécifiquement française de téléneurologie (en dehors du télé-AVC de la phase aiguë) n'a été mentionnée dans la littérature pendant cette période de pandémie. Quelques expériences locales commencent néanmoins à apparaître sur le territoire, concernant l'épilepsie, le suivi post-AVC, la SLA et la SEP.

Les expériences à l'étranger nous apprennent que plusieurs équipes américaines ont témoigné d'un changement radical des pratiques, avec une adhésion rapide des neurologues à la téléconsultation en vidéo. Une étude rapporte des hausses de l'ordre de plus de 600 % pendant la première vague à New York, avec l'utilisation, le plus souvent, d'un outil institutionnel [2]. Si la satisfaction des patients était le plus souvent excellente, le ressenti des neurologues était parfois plus mitigé en début d'utilisation, avec une satisfaction qui s'améliorait au fur et à mesure de la pratique de la téléconsultation. De façon générale, la principale réticence des neurologues est liée à la difficulté de réaliser un examen neurologique par vidéo. Cependant, des check-lists de consignes systématisées sont déjà proposées pour faciliter et guider la sémiologie digitale [3]. La téléneurologie ne remplacera pas l'examen en face-à-face, mais ne convient-il pas d'adapter notre approche sémiologique ? La téléneurologie n'a pas vocation à remplacer la médecine physique. Elle ne constitue pas non plus une forme dégradée de la neurologie. Elle doit se développer comme une nouvelle pratique médicale, un levier évident pour renforcer l'accès aux soins et la prévention en s'insérant dans un éventail possible de modalités de prise en charge des patients. La téléneurologie relève d'une nouvelle organisation des soins et doit s'intégrer dans un parcours du patient coordonné où les rôles de chacun des acteurs sont compris et partagés. L'essor de son déploiement nécessite un accompagnement des professionnels de la santé, du patient et, le cas échéant, de son entourage (formation, support technique et aide administrative). Une évaluation qualitative et quantitative exhaustive de ces nouvelles pratiques sera nécessaire pour emporter la conviction de tous.

Une enquête nationale portée par la Société française neurovasculaire et la Société française de santé digitale va commencer prochainement afin de faire l'état des lieux de l'utilisation de la téléconsultation en neurovasculaire pour le suivi des patients.

Références

1. Décret no 2018-788 du 13 septembre 2018 relatif aux modalités de mise en oeuvre des activités de télémédecine. Journal officiel no 0212 du 14 septembre 2018. Texte no 11. NOR : SSAS1817350D.

2. Kummer BR et al. Teleneurology expansion in response to the Covid-19 outbreak at a tertiary health system in New York City. Neurol Clin Pract 2021;11(2):e102‑11.

3. Boes CJ et al. Primer on the in-home teleneurologic examination: a Covid-19 pandemic imperative. Neurol Clin Pract 2021;11(2):e157‑64.


Liens d'intérêt

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