Éditorial

L’hypertension pulmonaire ­associée à la sarcoïdose : une approche multidisciplinaire pour une hypertension ­pulmonaire multifactorielle


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Comme le soulignent F. Jeny et ses coauteurs dans leur article proposé dans ce numéro, l’hypertension pulmonaire (HTP) est une complication grave de la sarcoïdose, avec un taux de mortalité de 50 % à 5 ans selon les dernières observations du registre français de l’HTP [1]. Son impact sur le pronostic fonctionnel et vital des patients justifie une approche diagnostique rigoureuse pour favoriser son dépistage précoce chez les patients à risque, identifier les mécanismes impliqués et aboutir à une prise en charge thérapeutique adaptée.

La présentation et le caractère évolutif de la sarcoïdose étant très divers, il est difficile d’établir avec précision la prévalence de l’HTP dans l’ensemble de cette population. Elle dépend du type de patients dépistés et de l’approche diagnostique utilisée. Une récente étude, menée chez environ 400 patients atteints de sarcoïdoses à des niveaux de gravité variés, a permis d’en estimer la prévalence à 2,9 % environ [2]. Chez les patients candidats à une transplantation pulmonaire, elle peut atteindre 70 % [3]. Il est illusoire et probablement inutile de vouloir proposer un dépistage échographique systématique pour toutes les formes de sarcoïdose et à tout stade de sévérité. En revanche, il est important de pouvoir cibler les efforts sur les patients à risque d’HTP en leur proposant un dépistage échographique selon les dernières recommandations européennes [4]. Un groupe de travail international et multidisciplinaire a récemment proposé une liste de paramètres utiles à l’identification des patients à risque (figure, étape 1) [5].

La probabilité d’HTP appréciée par l’échographie cardiaque, combinée aux symptômes, doit guider la décision d’adresser les patients à un centre expert du réseau PulmoTension pour la réalisation d’un cathétérisme cardiaque droit. Celui-ci reste essentiel pour confirmer le diagnostic, apprécier le caractère pré- ou postcapillaire de l’HTP, et évaluer la sévérité hémodynamique. Chez les patients présentant une faible probabilité échographique d’HTP, le diagnostic peut raisonnablement être exclu. Chez les patients présentant une forte probabilité d’HTP, la réalisation d’une exploration hémodynamique est en revanche indiquée. Dans les cas où l’échocardiographie montre une probabilité intermédiaire d’HTP, le cathétérisme cardiaque droit peut être discuté au cas par cas en fonction du contexte clinique et radiologique ainsi que des perspectives thérapeutiques attendues (figure, étapes 2 et 3).

Une grande variété de mécanismes peut aboutir au développement d’une HTP post- ou précapillaire au cours de la sarcoïdose, incluant une atteinte du ventricule gauche, une compression artérielle et/ ou veineuse pulmonaire, une destruction parenchymateuse avancée ou une atteinte granulomateuse de la microcirculation pulmonaire. Une fois le diagnostic d’HTP confirmé, l’identification des mécanismes impliqués est une étape essentielle pour établir la stratégie thérapeutique (figure, étape 4). En raison du manque d’études spécifiques, le choix thérapeutique doit impliquer l’ensemble des équipes expertes concernées par la prise en charge de la sarcoïdose et de l’HTP.

Les données disponibles sur l’efficacité et la tolérance des thérapeutiques spécifiques de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) dans cette population proviennent essentiellement de registres ou d’études prospectives qui n’ont pas toujours été menées en double aveugle et comportaient un nombre limité de patients. Les observations issues du registre français de l’HTP rapportent un effet mitigé des thérapeutiques spécifiques de l’HTAP, avec une amélioration significative des variables hémodynamiques mais sans effet sur la distance parcourue au test de marche de 6 minutes, pourtant identifié comme un facteur pronostique indépendant [4]. Quoi qu’il en soit, l’utilisation hors AMM des thérapeutiques spécifiques de l’HTAP doit être soigneusement étudiée au cas par cas, par un centre expert, en tenant compte du mécanisme sous-jacent de l’HTP. Concernant la corticothérapie et, plus largement, les traitements immunosuppresseurs, aucune étude ne permet d’identifier précisément les patients qui pourraient en bénéficier en cas d’HTP. Dans de très rares cas de formes compressives (médiastinite fibreuse), des procédures d’angioplastie pulmonaire ont permis d’améliorer l’hémodynamique et les capacités à l’exercice de patients sélectionnés [6]. Enfin, en cas d’évolution défavorable, la transplantation pulmonaire reste la seule option à envisager chez des patients potentiellement candidats [7].

 

FIGURES

L’hypertension pulmonaire ­associée à la sarcoïdose : une approche multidisciplinaire pour une hypertension ­pulmonaire multifactorielle - Figure

Références

1. Boucly A et al. Management and long-term outcomes of sarcoidosis-associated pulmonary hypertension. Eur Respir J 2017;50(4):1700465.

2. Huitema MP et al. Prevalence of pulmonary hypertension in pulmonary sarcoidosis: the first large European prospective study. Eur Respir J 2019;54(4):1900897.

3. Shorr AF et al. Pulmonary hypertension in advanced sarcoidosis: epidemiology and clinical characteristics. Eur Respir J 2005;25(5):783-8.

4. Humbert M et al. 2022 ESC/ERS Guidelines for the diagnosis and treatment of pulmonary hypertension. Eur Respir J 2022;61(1):2200879.

5. Savale L et al. WASOG statement on the diagnosis and management of ­sarcoidosis-associated pulmonary hypertension. Eur Respir Rev 2022;31(163):210165.

6. daSilva-deAbreu A et al. Characteristics and outcomes of pulmonary angioplasty with or without stenting for sarcoidosis-associated pulmonary hypertension: systematic review and ­individual participant data meta-­analysis. Curr Probl Cardiol 2021;46(3):100616.

7. Le Pavec J et al. Lung transplantation for sarcoidosis: outcome and prognostic factors. Eur Respir J 2021;58(2):2003358.


Liens d'intérêt

L. Savale déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.