Éditorial

La psychiatrie du sujet âgé : une approche globale


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Dans un contexte de vieillissement croissant de la population, il est généralement admis que l'on reconnaît le degré de civilisation d'un peuple à la manière dont il traite ses aînés. Ce questionnement n'a jamais été autant d'actualité, puisque les personnes âgées de plus de 75 ans sont les principales victimes de l'épidémie de COVID-19. Dans le contexte de la psychiatrie, les anciens méritent également une attention toute particulière. Ainsi, la psychiatrie du sujet âgé est une surspécialisation relativement récente définie par l'OMS en 1996 comme “une branche de la psychiatrie qui a pour objectifs généraux de dépister, traiter, évaluer, prévenir tous les types de pathologies psychiatriques du sujet âgé et leurs conséquences”. Elle s'intéresse à la fois aux troubles psychocomportementaux des démences et aux troubles psychiatriques de la personne âgée, qu'ils soient de découverte tardive ou “vieillis”. Depuis 2007, les différents plans nationaux concernant la psychiatrie et la santé mentale ont souligné l'importance de la question du développement d'une organisation spécifique de la psychiatrie de la personne âgée ainsi que le développement de stratégies thérapeutiques innovantes. Le témoin le plus symbolique de cette volonté est la reconnaissance en 2017 de la psychiatrie de la personne âgée (PPA) comme surspécialisation à part entière, avec la création de l'option PPA dans la maquette du DES de psychiatrie.

À un niveau moins spécialisé, tout psychiatre doit être capable de prendre en compte les éléments psychologiques et contextuels propres au sujet âgé, et être à même de moduler sa prise en charge en conséquence. Notamment, le vieillissement expose aux événements de la vie comme le deuil, la perte d'autonomie et les éventuelles difficultés financières. Ces spécificités se doivent d'être prises en compte dans notre pratique. Le vieillissement est aussi souvent associé à une perte d'estime de soi qui peut faire le lit d'une vulnérabilité psychologique, elle-même source de vulnérabilité sur le plan psychiatrique, mais également sur le plan de la plainte cognitive. Ainsi, certaines pathologies, comme la dépression, sont extrêmement fréquentes, notamment en institution, et le risque suicidaire augmente avec l'âge.

Plusieurs éléments sont fondamentaux pour la prise en charge des personnes âgées. Tout d'abord, la place des mesures non médicamenteuses est centrale chez ces sujets. En effet, elles doivent toujours être privilégiées, mais elles sont parfois mal connues et difficiles à mettre en place. Quand ces mesures ne suffisent pas, les prescriptions médicamenteuses peuvent être envisagées.

Néanmoins, les problèmes liés aux interactions médicamenteuses et aux modifications du métabolisme chez les patients rendent le risque de développer des effets indésirables aux traitements important, avec des conséquences parfois graves, notamment des chutes ou des épisodes confusionnels. L'adaptation des doses prescrites et l'évaluation systématique du rapport bénéfice/risque sont donc fondamentales. En outre, les problématiques psychiatriques du sujet âgé ne sont généralement pas isolées, et les comorbidités sont la règle. Il est donc impensable de s'occuper de ces questions en ignorant la prise en charge non psychiatrique de ces patients. Notamment, leur évaluation neuropsychiatrique semble être une étape incontournable (les troubles cognitifs présentés peuvent modifier la présentation psychiatrique et la prise en charge). Il est donc indispensable pour le psychiatre d'envisager ces prises en charge de façon globale, à la frontière entre psychiatrie, neurologie et gériatrie. Toutefois, elles ne permettent très souvent qu'une rémission partielle des symptômes, notamment dans les contextes de troubles cognitifs importants. L'aide aux aidants, et notamment l'aide psychologique qui leur est apportée, est un élément fondamental de la prise en charge. Les conséquences que peuvent engendrer l'effondrement de ces derniers sont en effet souvent dramatiques, et les aidants sont fréquemment démunis face à des situations sociales et familiales qui semblent inextricables.

Dans ce numéro, différents outils sont proposés pour l'évaluation et la prise en charge du sujet âgé, des outils qui, je l'espère, pourront vous être utiles au quotidien afin d'améliorer la prise en charge de ces patients, qui fait partie du quotidien du travail de psychiatre.



Liens d'intérêt

A. Leroy déclare avoir des liens d’intérêts avec Kinnov-Therapeutics.