L’obésité est un enjeu de santé publique majeur. Sa prévalence en France est de 18 %. Derrière ce chiffre se cache une maladie chronique multifactorielle, à la croisée du métabolisme, de la nutrition, de l’endocrinologie, et, de plus en plus, de la rhumatologie. Au-delà de ses effets mécaniques sur les articulations, l’obésité s’impose aujourd’hui comme un acteur biologique à part entière dans l’inflammation, la douleur, le métabolisme osseux et la réponse aux traitements. Ce dossier propose d’explorer cette nouvelle donne, à travers 4 articles originaux.
Obésité et révolution thérapeutique : l’avènement des médicaments
Sébastien Czernichow et ses collègues nous proposent un panorama sur les nouveaux traitements médicamenteux de l’obésité, en particulier les agonistes du récepteur au GLP-1, aujourd’hui au cœur d’une véritable révolution. Initialement développés pour le diabète, ces traitements procurent des pertes de poids substantielles, avec des bénéfices métaboliques et cardiovasculaires. Leur potentiel dans les maladies musculosquelettiques, notamment l’arthrose, commence à peine à être exploré, mais les premiers résultats sont prometteurs. Cet article pose une question centrale : ces médicaments vont-ils bouleverser notre approche des maladies rhumatologiques dans le contexte d’obésité ?
Rhumatismes inflammatoires chroniques : l’obésité, un facteur péjoratif à bien des égards
Dans un deuxième article, Anne Tournadre s’intéresse à l’impact de l’obésité sur les rhumatismes inflammatoires. L’obésité aggrave l’activité inflammatoire, diminue la probabilité de rémission, altère la réponse aux anti-TNF et contribue aux formes “difficiles à traiter”. C’est bien l’effet pro-inflammatoire du tissu adipeux qui est ici mis en cause. Mais l’espoir est permis : la perte de poids, qu’elle soit chirurgicale ou médicale, améliore le contrôle de la maladie. Ce texte nous invite à intégrer la prise en charge pondérale comme levier thérapeutique en rhumatologie inflammatoire.
Ostéoporose et obésité : des liens complexes
Léa Karam et Julien Paccou signent quant à eux un article sur les paradoxes de l’obésité et les complications osseuses. Oui, l’obésité semble protéger de certaines fractures (hanche, poignet), mais elle en favorise d’autres (humérus, cheville). La perte de poids peut, elle aussi, avoir un effet négatif sur la santé osseuse, voire augmenter le risque fracturaire. Cet article met en lumière les effets contrastés de l’obésité et de son traitement sur le squelette, et rappelle la nécessité d’un suivi osseux rigoureux chez nos patients en situation d’obésité, en particulier en cas de perte de poids massive.
Obésité, arthrose et douleur : la dysfonction du tissu adipeux à l’honneur
Enfin, l’article coécrit par Marie Binvignat et moi-même explore l’interconnexion entre obésité, arthrose et douleur. Le lien ne se limite pas à la surcharge pondérale : la dysfonction du tissu adipeux, les adipokines, l’insulinorésistance et le syndrome métabolique participent à l’amplification de la douleur arthrosique. Et pour la première fois, des médicaments destinés à traiter l’obésité, comme les agonistes du GLP-1, montrent un effet bénéfique potentiel sur la douleur arthrosique. Cet article invite à repenser la douleur de l’arthrose dans une vision systémique, métabolique et inflammatoire.
Une “rhumatologie métabolique” en construction
Ce dossier ouvre des perspectives nouvelles, au croisement de la nutrition et de la rhumatologie. Il pose les jalons d’une “rhumatologie métabolique” où le tissu adipeux, l’inflammation de bas grade, les interactions hormonales et la composition corporelle deviennent des variables clés. Ce changement de paradigme s’accompagne d’un défi éducatif pour le rhumatologue : il nous faut apprendre à dialoguer avec les médecins nutritionnistes, les endocrinologues, les chirurgiens bariatriques, mais aussi à intégrer dans nos consultations la question du poids comme un facteur modifiable au cœur de nos prises en charge.
Nous espérons que ce dossier vous intéressera autant qu’il nous a mobilisés. Bonne lecture !

