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Éditorial

Ostéopathie liée au méthotrexate : une entité que le rhumatologue ne peut plus ignorer


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Le méthotrexate est la pierre angulaire du traitement d’un grand nombre de maladies prises en charge dans notre pratique rhumato­logique quotidienne, et son efficacité n’est plus à prouver. Cette large utilisation fait que
le rhumato­logue est ainsi devenu une référence dans l’utilisation de ce traitement et dans la surveillance de ses éventuels effets indésirables (avec, au premier plan, la toxicité hépatique ou hématologique).

Parmi ces effets néfastes, l’ostéopathie liée au méthotrexate est moins connue et souvent plus difficilement évoquée. Les premières descriptions (caractérisées par l’association douleurs et fissures/fractures des membres inférieurs) datent des années 1970, principalement dans le cadre de l’utilisation de ce traitement en oncologie pédiatrique à des doses importantes [1]. C’est seulement une dizaine d’années plus tard que la première description en rhumato­logie [2], chez un patient traité par méthotrexate pour un rhumatisme psoriasique, a été rapportée, avec une topographie de fractures et des symptômes au dia­gnostic assez semblables à ceux des cas oncologiques. Par la suite, les descriptions se sont limitées à des cas isolés, et l’imputabilité du méthotrexate a souvent été débattue, les cas rapportés concernant des patients ayant par ailleurs un grand nombre d’autres facteurs de risque de fragilité osseuse (corticothérapie, maladies inflammatoires, sexe féminin).

Cette ostéopathie présente pourtant des spécificités que le rhumato­logue doit connaître. Premièrement, la topographie des fractures est différente de celle de l’ostéoporose “classique” [3], caractérisée par une atteinte quasiment systématique du tibia (proximal ou distal) et fréquente des os du pied. Dans l’histoire médicale des patients atteints, il n’est d’ailleurs pas rare de trouver des antécédents de fractures de fatigue de ces mêmes localisations au cours des mois ou années précédents. Le dia­gnostic est souvent cliniquement révélé par des douleurs mécaniques des membres inférieurs qui ne semblent pas associées à la maladie inflammatoire sous-jacente, cette dernière étant généralement peu active, voire inactive, au moment du dia­gnostic. La radiographie standard échoue souvent à mettre en évidence ces fissures, et l’IRM centrée sur la zone douloureuse ou la scintigraphie osseuse sont généralement nécessaires [4]. Enfin, l’arrêt du traitement par méthotrexate après identification de cette ostéopathie est généralement très efficace (et ce, rapidement) sur les douleurs et la cicatrisation osseuses.

Sous l’égide du Groupe de recherche et d’information des ostéoporoses (GRIO) et du Club Rhumatismes et Inflammations (CRI), les cas identifiés ont été colligés récemment, en y associant les cas déclarés de la base de pharmaco­vigilance nationale [5]. Un total de 92 patients, français et belges, a ainsi été identifié, avec des caractéristiques proches de celles évoquées précédemment. La population touchée était principalement des femmes ménopausées (93 %) souffrant de polyarthrite rhumato­ïde (76 %). L’atteinte du tibia (88 %) ou des os du pied (49 %) était fréquente, avec des fractures multi­ples au dia­gnostic (76 %) et souvent des antécédents de fractures de fatigue (63 %). Le fait le plus marquant concernait surtout l’évolution sous traitement : celle-ci était bonne (définie par la disparition des douleurs et l’absence de survenue de nouvelles fractures) dans 91 % des cas lorsque le méthotrexate était arrêté versus seulement 29 % en cas de poursuite du méthotrexate (p < 0,001), qu’il y ait ou non mise en place d’un traitement spécifique (bisphosphonates, dénosumab ou tériparatide). Le maintien du méthotrexate était d’ailleurs le seul facteur significativement différent entre la population ayant une bonne évolution et celle en ayant une mauvaise. Son arrêt apparaît donc indispensable pour la bonne évolution des patients, ce qui n’a en général que peu d’impact sur la prise en charge globale, compte tenu des options alternatives thérapeutiques actuelles pour les rhumatismes inflammatoires et de la fréquente stabilité du rhumatisme sous-jacent au moment du dia­gnostic. Par exemple, dans notre cohorte, la maladie inflammatoire était considérée comme en rémission (76/ 92, 83 %) ou avec une faible activité (10/ 92, 11 %), malgré l’absence (58/ 92, 63 %) ou de faibles doses, soit < 5 mg/ j (18/ 92, 20 %), de prednisone. Ces données ont d’ailleurs récemment été validées dans un plus faible effectif [6].

Même si l’ostéopathie liée au méthotrexate reste un dia­gnostic d’élimination, après avoir cherché d’autres causes de fragilité osseuse ou de troubles de la minéralisation (ostéomalacie), ce dia­gnostic doit être connu du rhumato­logue pour permettre une gestion rapide et efficace. La survenue de douleurs chroniques, classiquement de rythme mécanique, localisées aux chevilles ou aux genoux chez un patient traité par méthotrexate, doit mettre la puce à l’oreille du clinicien. Par la suite, deux grands messages sont à retenir : l’IRM centrée sur la zone douloureuse ou la scintigraphie osseuse doivent être demandées au moindre doute à la recherche de fissures osseuses caractéristiques, et l’arrêt du méthotrexate doit rester l’élément central de la prise en charge thérapeutique.

Références

1. Ragab AH et al. Osteoporotic fractures secondary to methotrexate therapy of acute leukemia in remission. Cancer 1970;25(3):580-5.

2. Ansell G et al. Cytotoxic drugs for non-neoplastic disease. Br Med J (Clin Res Ed) 1983;287:762.

3. von Brackel FN et al. MTX osteopathy versus osteoporosis including response to treatment data: a retrospective single center study including 172 patients. Calcif Tissue Int 2024;115(5):599-610.

4. Robin F et al. Methotrexate osteopathy: five cases and systematic literature review. Osteoporos Int 2021;32(2):225-32.

5. Robin F et al. METHOFRACT, a methotrexate osteopathy multicentre cohort study. RMD Open 2025;11(3):e005941.

6. Hauser B et al. Methotrexate continuation increases fracture risk in patients who sustained lower limb insufficiency fractures. Ann Rheum Dis 2025;84(4):554-61.


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F. Robin déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet éditorial.

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