Le cancer du sein constitue le cancer le plus fréquent et le plus mortel chez la femme dans le monde et en France, avec plus de 58 000 nouveaux cas diagnostiqués et plus de 12 000 décès en 2018. Le bilan d’extension de la maladie est crucial dans la planification de la stratégie thérapeutique. Le risque métastatique est faible pour les tumeurs localisées (< 0,5) et augmente avec le stade de la maladie (6 % pour le stade IIb, 34 % pour le stade III et jusqu’à 40-50 % en cas de cancer inflammatoire). Alors que l’évaluation locale de la maladie repose sur le couple mammographie/échographie et l’IRM mammaire, le bilan d’extension à distance est recommandé pour les cancers du sein à haut risque métastatique. Selon les recommandations de l’Institut national du cancer (INCa) de juillet 2012, le bilan d’extension est indiqué pour les tumeurs cT3-T4 ou cN+ en association avec le scanner thoraco-abdomino-pelvien avec injection de produit de contraste iodé. La scintigraphie osseuse est un examen maintenant largement disponible et présente une bonne sensibilité dans la recherche d’une atteinte métastatique osseuse, mais reste limitée dans l’évaluation de la réponse tumorale aux traitements. La TEP-TDM au 18FDG a démontré de bonnes performances dans le bilan d’extension à distance des cancers du sein ou dans la recherche de récidive, mais sa sensibilité est variable selon les caractéristiques histopathologiques de la tumeur (sous-type histologique, statut des récepteurs hormonaux). Ces éléments sont importants à prendre en compte dans le choix de l’examen à prescrire pour effectuer le bilan d’extension de la maladie. Le développement de nouveaux médicaments radiopharmaceutiques (18F-estradiol, analogues du GRP marqués au 68Ga) visant des cibles plus spécifiques du cancer du sein constitue un très fort potentiel pour une prise en charge de plus en plus personnalisée de la maladie dans les années à venir.
Apport de la scintigraphie osseuse dans la prise en charge du cancer du sein
Bilan d’extension
La scintigraphie osseuse est une technique d’imagerie nucléaire largement utilisée dans le bilan d’extension osseux des cancers du sein à haut risque métastatique. Elle repose sur l’utilisation de bisphosphonates marqués au 99mTc, qui se fixent sur les cristaux d’hydroxyapatite en maturation. Il s’agit donc d’une imagerie de la maturation osseuse qui permet de visualiser indirectement les métastases osseuses ostéoblastiques ou mixtes. Elles peuvent survenir 2 à 18 mois avant l’apparition de signes cliniques ou radiologiques, ce qui en fait un examen de choix pour la détection précoce de la maladie métastatique osseuse. L’acquisition corps entier permet de visualiser l’ensemble du squelette en une seule image, et de détecter l’existence de lésions sur le squelette appendiculaire qui n’est généralement pas exploré avec les autres techniques d’imagerie. Les traceurs utilisés étant non spécifiques du remodelage osseux, la scintigraphie osseuse peut également révéler des anomalies ostéoarticulaires non métastatiques comme l’arthrose, des lésions traumatiques (fissures, fractures) ou certaines tumeurs osseuses bénignes (enchondrome, dysplasie fibreuse, maladie de Paget), pouvant être à l’origine de faux positifs.
Plus récemment, le développement de la tomographie à émission monophotonique couplée au scanner (TEMP-TDM) a permis d’améliorer la sensibilité et la spécificité de l’examen grâce à une meilleure résolution des images scintigraphiques en TEMP, et la diminution des faux positifs en analysant l’aspect morphologique des lésions sur le scanner (figure 1). La sensibilité et la spécificité de la scintigraphie osseuse corps entier varient respectivement de 59 à 93 % et 69 à 77 % selon les études, contre 90 à 95 % et 82 à 95 % pour la TEMP-TDM [1]. Néanmoins, la détection indirecte des métastases osseuses via l’utilisation de traceurs osseux non spécifiques présente des limites. Tout d’abord, les métastases osseuses purement lytiques peuvent être sources de faux négatifs. La détection de métastases osseuses peut également être limitée dans le cas d’un envahissement ostéomédullaire diffus réalisant un aspect de “superscan” (figure 2).
Évaluation de la réponse aux traitements
La scintigraphie osseuse présente plusieurs limites dans l’évaluation de la réponse aux traitements systémiques. Tout d’abord, il existe une augmentation de l’activité ostéoblastique réparatrice péritumorale dans les 3 à 6 mois après le début de traitement par chimiothérapie ou hormonothérapie, ce qui peut entraîner une majoration de l’intensité de fixation des lésions initialement détectées, voire l’apparition de nouvelles lésions (initialement purement lytiques ou infrascintigraphiques). Ce phénomène, communément appelé effet “flare-up”, peut être difficile à distinguer avec une progression de la maladie. Dans cette situation, il est recommandé de réaliser une nouvelle scintigraphie au moins 6 semaines après la période de flare, l’apparition de 2 nouvelles lésions confirmant la progression [2]. De plus, l’activité ostéoblastique au sein des lésions osseuses peut persister plusieurs mois, ce qui limite nettement la capacité de la scintigraphie osseuse pour identifier précocement la réponse au traitement. Une autre limite correspond aux patientes présentant un envahissement ostéomédullaire diffus, la détection de nouvelles lésions restant difficilement objectivable. Pour toutes ces raisons, la scintigraphie osseuse n’est habituellement pas recommandée pour l’évaluation de la réponse osseuse aux traitements.
Apport de la TEP-TDM au 18FDG dans la prise en charge du cancer du sein
Facteurs influençant la captation du 18FDG
Le 18FDG est un médicament radiopharmaceutique qui permet une évaluation du métabolisme glucidique in vivo. Il s’agit donc d’un traceur non spécifique permettant d’imager les tumeurs présentant un métabolisme glucidique élevé, mais également les phénomènes inflammatoires (remaniements inflammatoires, processus infectieux, etc.).
Il existe plusieurs facteurs qui influencent la sensibilité de la TEP-TDM dans la détection du cancer du sein. Tout d’abord, l’intensité de fixation des lésions et la mesure des standard uptake values (SUV) diminuent grandement lorsque la taille des lésions est en dessous de la résolution spatiale de l’appareillage TEP (effet de volume partiel), c’est-à-dire principalement pour les lésions de moins de 5-10 mm. Certains paramètres histopathologiques ont également une influence sur l’intensité de fixation au FDG : les carcinomes canalaires infiltrants, les tumeurs de grade 3, la négativité des récepteurs hormonaux ou les tumeurs triple-négatives présentent classiquement une fixation au FDG plus intense, alors que les carcinomes lobulaires infiltrants, les tumeurs de grade 1-2, ou avec récepteurs hormonaux positifs, présentent une fixation plus faible. Le statut HER2, le statut ganglionnaire ou la présence d’emboles lymphatiques n’influencent pas la captation en FDG [3]. Concernant l’atteinte secondaire osseuse, les lésions ostéoblastiques présentent classiquement un métabolisme plus faible que les lésions mixtes ou purement lytiques. L’analyse concomitante de l’imagerie TDM couplée à la TEP est donc indispensable pour l’évaluation de l’atteinte secondaire osseuse (figure 3).
Bilan d’extension initial
La TEP-TDM au FDG présente de bonnes performances dans le bilan d’extension initial des cancers du sein à haut risque métastatique. Elle est recommandée pour les tumeurs cT3-T4 ou cN+. Son intérêt repose principalement dans sa capacité à détecter une atteinte ganglionnaire extra-axillaire ou métastatique, ou à aider à la caractérisation lésionnelle en cas de lésion douteuse en imagerie conventionnelle. Une étude française de Groheux et al., menée sur 254 patientes atteintes d’un cancer du sein de stade II/III, a montré que la TEP-TDM avait permis d’identifier 40 patientes qui n’étaient pas classées N3 lors du bilan initial, entraînant une reclassification en stade IIIc de 17 %. De plus, parmi les 189 patientes atteintes d’un cancer du sein classé stade IIB/III par l’imagerie conventionnelle, la TEP-TDM a permis de détecter une atteinte métastatique distante dans 24,9 % des cas. Les sites métastatiques les plus fréquemment retrouvés étaient l’atteinte osseuse (14 % des cas, avec une performance supérieure à celle de la scintigraphie osseuse), suivis des atteintes ganglionnaires distantes (8 %), hépatiques (5 %), pulmonaires (4 %) et pleurales (1 %) [4].
Le cancer inflammatoire représente un sous-type plus agressif de cancer du sein. En effet, une atteinte ganglionnaire axillaire est retrouvée dans 78 % des cas et la maladie est métastatique dans 40 % des cas [5]. La TEP-TDM joue un rôle important dans la planification thérapeutique initiale des cancers inflammatoires. Elle est plus sensible que le scanner dans la détection de la maladie métastatique (+15 %) et permet d’adapter la planification de la radiothérapie dans 18 % des cas [6].
Bilan d’extension de la rechute
Le risque de rechute d’un cancer mammaire après traitement initial est d’environ 30 % à 15 ans, tous types confondus. Dans les deux tiers des cas, la récidive est locale et survient dans les 5 premières années. La détection précoce de la récidive et l’évaluation de son extension sont primordiales pour une prise en charge optimale. Une récidive locorégionale permet l’accès à un traitement de rattrapage local par chirurgie ou radiothérapie externe, alors qu’une récidive métastatique nécessite traditionnellement la mise en place de traitements systémiques.
La suspicion de récidive peut être clinique, évoquée sur une élévation des marqueurs tumoraux (CA 15.3 ou ACE), ou en cas d’apparition d’image radiologique suspecte. Dans ces 3 situations, la TEP-TDM au 18FDG présente d’excellentes performances diagnostiques. Une méta-analyse menée sur 13 études a montré que la TEP-TDM présentait une sensibilité de 87,8 % et une spécificité de 69,3 % dans la détection de la récidive en cas de récidive biologique [7]. Elle permet de discriminer efficacement les zones cicatricielles ou fibrotiques post-thérapeutiques non viables des récidives tumorales locales, et de distinguer les patientes présentant une récidive locorégionale par rapport à une récidive métastatique avec de meilleures performances que le scanner ou l’IRM.
Évaluation de la réponse tumorale
Évaluation de la réponse à la chimiothérapie néoadjuvante
La TEP-TDM au FDG semble être un outil intéressant pour prédire la réponse à la chimiothérapie néoadjuvante. L’obtention d’une réponse pathologique complète est un facteur pronostique important, particulièrement dans les sous-types agressifs de cancers du sein (HER2+ et triple-négatif). D’après une méta-analyse de 2012 regroupant 19 études sur l’apport de la TEP-TDM en situation néoadjuvante, sa force principale semble résider dans l’identification précoce des patientes mauvaises répondeuses après 1 ou 2 cycles de traitement néoadjuvant, avec une valeur prédictive négative de 91 % [8].
Une autre méta-analyse de 2016 regroupant les études évaluant la TEP et l’IRM dans la réponse à la chimiothérapie néoadjuvante a montré que la TEP présentait de meilleures performances dans l’évaluation précoce, alors que l’IRM fait mieux que la TEP dans l’évaluation de fin de traitement [9].
Évaluation de la réponse aux traitements systémiques
Plusieurs types de traitements sont actuellement disponibles pour les patientes présentant une maladie métastatique, incluant la chimiothérapie, l’hormonothérapie associée aux anti-CDK4/6 ou les anti-HER2. En raison de leurs différents mécanismes d’action, les changements métaboliques induits par ces différentes thérapies sont variables.
Pour l’évaluation de la réponse à la chimiothérapie, la TEP permet d’identifier précocement les patientes qui vont présenter une réponse morphologique en fin de traitement. Une étude de 2018 sur 24 patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique a montré qu’une diminution du métabolisme au FDG mesurée après 1 ou 2 cycles de chimiothérapie était significativement plus importante dans le groupe de patientes ayant présenté une réponse objective [10].
En cas de traitement ciblant HER2, l’absence de diminution métabolique significative précoce après 1 semaine de traitement (diminution des SUV de 25 % ou moins) semble être un bon indicateur de non-réponse au traitement. À l’inverse, une diminution des valeurs de SUV d’au moins 45 % semble significativement associée à une plus longue survie globale [11].
Chez les patientes traitées par hormonothérapie ± inhibiteurs de CDK4/6, l’évaluation de la réponse métabolique au traitement semble plus difficile à évaluer. Une augmentation du métabolisme lésionnel (effet flare-up) peut exister dans les 2 premières semaines après l’instauration du traitement. Au cours du suivi, les lésions résiduelles présentent généralement un métabolisme persistant. Tout comme la scintigraphie osseuse, certaines lésions osseuses initialement infraradiologiques peuvent devenir ostéocondensantes en lien avec une bonne réponse au traitement. Cet aspect ne doit pas être confondu avec une progression.
Dans l’évaluation de fin de traitement, la TEP-TDM apporte des informations intéressantes, car elle permet d’évaluer la maladie résiduelle métaboliquement active. En cas de réponse métabolique complète, la TEP présente une bonne valeur prédictive de réponse complète au traitement. Dans une étude menée sur 47 patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique, traitées par chimiothérapie, les patientes avec une TEP négative en fin de traitement présentaient une survie médiane de 24 mois versus 10 mois pour les patientes TEP positive, avec un risque relatif de décès de 5,3 [12].
Autres traceurs TEP d’intérêt dans le cancer du sein
Depuis 2020, la TEP-TDM au 18F-estradiol a l’autorisation de mise sur le marché en France dans le bilan d’extension du cancer du sein luminal en rechute métastatique précoce après une 1re ligne de traitement par hormonothérapie, lorsque la biopsie est impossible et qu’il existe une ligne d’hormonothérapie envisageable. Une étude prospective coréenne menée chez 85 patientes présentant une 1re rechute d’un cancer du sein a comparé les résultats de la TEP-TDM au 18F-estradiol avec le statut des récepteurs hormonaux en immunohistochimie. 55 % des patientes présentaient un cancer avec expression des récepteurs hormonaux (RH+) et 45 % n’exprimaient pas les récepteurs hormonaux (RH−). Parmi les patientes RH+, 76,6 % étaient positives en TEP, et parmi les patientes RH−, 100 % étaient négatives en TEP, suggérant que la TEP au 18F-estradiol permet de remplacer la biopsie en cas d’examen positif [13]. À l’heure actuelle, il existe un manque de données robustes concernant la valeur dans de la TEP au 18F-estradiol dans la prédiction de la réponse aux traitements par hormonothérapie.
Le récepteur de gastrin-releasing peptide (GRPR) constitue une nouvelle cible intéressante pour l’imagerie TEP du cancer du sein, via l’utilisation d’analogues du GRP marqués au 68Ga. Il s’agit d’un récepteur surexprimé dans 75 % des cancers du sein, et plus particulièrement dans le cancer luminal [14]. Plusieurs études précliniques ont montré ses bonnes performances dans le cancer du sein. L’évaluation in vivo de l’expression du GRPR en TEP ouvre également la voie au développement de nouvelles options thérapeutiques par radiothérapie interne vectorisée dans le cancer du sein avancé ou métastatique, sur le modèle des tumeurs neuroendocrines ou plus récemment du cancer de la prostate. L’utilisation d’analogues du GRP marqués au 177Lu constitue en effet un nouveau médicament radiopharmaceutique permettant de cibler le cancer du sein GRPR+ et de traiter spécifiquement la maladie, tout en épargnant les tissus sains. L’étude multicentrique NeoRay de phase I/IIa, actuellement en cours, a montré la sécurité d’utilisation de ce médicament radiopharmaceutique chez les patients présentant un cancer solide surexprimant le GRPR [15]. Des études de phases I/II et III sont actuellement en cours de développement pour tester ce nouveau traitement dans les cancers du sein avancés et métastatiques, avec, comme pilier central, la TEP théranostique aux analogues du GRP permettant la sélection des patientes éligibles au traitement.
Conclusion
Le bilan d’extension du cancer du sein est indispensable dans la décision thérapeutique des cancers du sein à haut risque métastatique. La scintigraphie osseuse constitue un examen de choix dans l’évaluation osseuse de la maladie, mais sa sensibilité est diminuée dans le cas d’une lésion purement lytique ou d’un envahissement ostéomédullaire diffus. Sa place reste limitée dans l’évaluation de la réponse aux traitements. La TEP-TDM au 18FDG présente de bonnes performances dans l’évaluation de l’atteinte ganglionnaire extra-axillaire et la recherche de métastases, ainsi que dans le bilan d’extension de la rechute. Elle permet de discriminer les rechutes locorégionales des récidives métastatiques et a un impact majeur dans la stratégie thérapeutique. L’évaluation de la réponse métabolique aux traitements par la TEP-TDM au 18FDG est encore discutée et manque de critères standardisés et validés, notamment dans l’évaluation de la réponse à l’hormonothérapie et aux inhibiteurs de CDK4/6. Les nouveaux médicaments radiopharmaceutiques pour l’imagerie TEP ciblant les récepteurs hormonaux et le GRPR constituent un très fort potentiel dans la prise en charge personnalisée des patientes atteintes d’un cancer du sein.■
FIGURES




