Alors que le trouble borderline concerne jusqu’à 30 % des patients ayant des addictions [1], les cliniciens se sentent souvent démunis pour maintenir un lien thérapeutique sur le long terme. Le taux d’abandon de la thérapie atteint 67 % à 3 mois dans le trouble borderline, soit environ deux fois plus que dans d’autres troubles de la personnalité (38 %) et presque cinq fois plus que dans la schizophrénie (14 %) [2]. Le risque de ruptures thérapeutiques est décuplé si des addictions sont comorbides, notamment en lien avec les nombreux enjeux relationnels associés. Pour les surmonter, plusieurs principes et stratégies de thérapie comportementale et dialectique (TCD) améliorent l’adhésion thérapeutique des patients, réduisant le taux d’abandon à 36 % à 1 an en cas de comorbidité addiction et trouble borderline [3].
La philosophie dialectique, qui sous-tend la TCD, cherche à éviter les polarisations et les clivages avec les patients en trouvant une synthèse dynamique des contraires. La synthèse centrale recherchée en TCD concerne celle entre l’acceptation et le changement. Face à la comorbidité addiction et trouble borderline, le thérapeute peut être tenté d’induire beaucoup de changements risquant de braquer les patients entraînant ainsi la classique “mise en échec”. À l’inverse, on peut se résigner, ce qui fait qu’aggraver le désespoir des patients. Le thérapeute est ainsi encouragé en TCD à se rappeler que les patients font de leur mieux (acceptation), et qu’en même temps il pourrait mieux faire (changement).
Ces principes dialectiques s’illustrent dans la manière de créer l’alliance thérapeutique et les stratégies d’engagement utilisées. Par exemple, lorsqu’un patient argumente sur l’intérêt d’une consommation d’alcool ou de drogues, le thérapeute peut accentuer l’argument afin de le motiver à donner lui-même les contre-arguments. Cette technique, appelée l’avocat du diable, incite naturellement le patient à trouver une dialectique par lui-même. Le thérapeute est également invité à utiliser la validation avec ces patients afin d’équilibrer les nombreuses invalidations vécues dans leur environnement. Si valider les pensées ou les comportements n’est pas toujours possible, la validation des émotions est généralement envisageable. Six niveaux d’intensité croissante sont identifiés : 1. Écouter, 2. Reformuler, 3. Décoder, 4. Historiciser, 5. Contextualiser, 6. Partager.
Ces principes se retrouvent également dans les cibles thérapeutiques. Deux modules de compétences sont plutôt axés vers le changement (régulation émotionnelle, efficacité interpersonnelle) et deux autres vers l’acceptation (pleine conscience, tolérance à la détresse). Cet équilibre favorise le lien thérapeutique, notamment la tolérance à la détresse dont le déficit est souvent impliqué dans les ruptures thérapeutiques.
Bien entendu, nous ne pouvons pas résumer de façon exhaustive en quelques lignes toute la complexité de la TCD ; d’autres dialectiques (par exemple : esprit émotionnel vs esprit rationnel), stratégies et cibles thérapeutiques facilitent l’adhésion thérapeutique de ces patients [4]. Pour diffuser ces connaissances et améliorer l’adhésion des patients, les outils digitaux ont un grand potentiel [5].