Éditorial

La naissance d’un Ordre !


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J’ai le privilège de vous embarquer aujourd’hui en Polynésie française, un ensemble d’archipels s’étendant sur un territoire aussi vaste que l’Europe, et dont la réputation n’est plus à faire, parsemés d’îles hautes et d’atolls sublimes, offrant un des lagons les plus beaux au monde et une bio­diversité incroyable : le paradis dans l’imaginaire collectif !

Ce que l’on ignore souvent c’est que la Polynésie française est une collectivité d’outre-mer et plus précisément un pays d’outre-mer (POM). À la différence des autres DOM-TOM que compte la France, le territoire de la Polynésie française est doté d’une autonomie interne dans le cadre de la République française depuis 1984 (loi n° 84-820 du 6 septembre 1984) renforcée par les statuts de 1996 et de 2004. L’assemblée de la Polynésie française vote elle-même des lois dans le cadre de l’exercice de ses compétences et a décidé, le 13 juin 2019, de créer une loi encadrant notre profession et mettant fin à un vide juridique dont souffraient les vétérinaires libéraux installés sur ce paradis du bout du monde depuis des décennies (loi du Pays n° 2019-18).

Cette loi adoptée par le Pays a donné le coup d’envoi de la création du premier Ordre vétérinaire polynésien, Ordre vétérinaire totalement indépendant de la métropole. La tâche était d’importance. L’élection des membres du bureau de l’Ordre, le 10 avril 2020, pour un mandat de 4 ans, a marqué dans l’histoire la naissance de notre Ordre et surtout a donné le départ des grands travaux qui attendaient notre profession.

Si les photos paradisiaques véhiculées par les nombreux touristes qui viennent visiter nos îles nourrissent l’image d’Épinal de la Polynésie, la situation de nos carnivores domestiques en est très éloignée… La Polynésie dans son ensemble souffre d’une surpopulation et d’une errance canines lourdes de conséquences. Trois facteurs principaux expliquent ce contexte. Le facteur religieux explique en grande partie l’insuffisance du nombre de stérilisations. La religion tient une place prépondérante dans la culture et la population polynésiennes. La famille et l’Église représentent les 2 piliers sociaux fondamentaux du territoire. Et l’anthropo­morphisme dans la société polynésienne conduit trop souvent les populations à penser que les chiennes doivent être gestantes au moins une fois dans leur vie “pour être en bonne santé”.

Le deuxième facteur est la divagation canine. L’errance canine est, dans ces îles empreintes de liberté, extrêmement répandue. Il est très souvent considéré comme normal que le chien appartenant à une famille ait le droit de se promener libre et seul dans son quartier, ce qui augmente les rencontres entre animaux domestiques et conduit de fait à de nombreux accouplements.

Le troisième facteur est l’abandon des animaux qui s’explique principalement par les difficultés financières majeures que rencontre une part importante de la population. Le coût de la vie, déjà très élevé en Polynésie, explose avec l’inflation, et les établissements vétérinaires souffrent de très nombreux impayés malgré l’effort d’adaptation de leur tarification pour rendre les soins accessibles, et les nombreux actes gracieux fournis.

La gestion de cette surpopulation canine est un énorme enjeu bien évidemment, car elle occasionne des problèmes de sécurité publique. Des faits divers nombreux et parfois catastrophiques, dont la mort d’une octogénaire il y a quelques mois, ont malheureusement fait la une des journaux, et gâchent sans nul doute le séjour des touristes.

Le premier gros chantier de l’Ordre a été de trouver des solutions à ce problème qui gangrène nos îles. Les vétérinaires installés donnent pourtant le change depuis des années, et leur bon sens n’a pas attendu la création de l’Ordre pour essayer coûte que coûte d’informer et d’éduquer la population en offrant dans le même temps leurs services avec des stérilisations à prix coûtant. L’Ordre nouvellement créé, représentant de la profession, a offert un interlocuteur aux autorités polynésiennes concernées. Des solutions ont été trouvées et des campagnes de stérilisation, des appels à projets et des campagnes d’information sont menés de front commun pour enrayer ce phénomène. Cela commence à porter ses fruits.

L’Ordre a également procédé à la création du tout premier tableau de l’Ordre de Polynésie française, ainsi qu’à l’élaboration du Code de déontologie vétérinaire de Polynésie française, élément indispensable à notre cohésion.

Nous sommes un ordre professionnel naissant, nous avons déjà accompli de multiples missions et les piliers de notre profession sont enfin posés ici, au bout du monde. Les missions qui nous attendent sont encore nombreuses, mais le travail est passionnant. ●


Liens d'intérêt

Laurent François déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet éditorial.