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VRS : la rançon d’un succès ou les conséquences d’un succès inattendu


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Alors que les médecins, bien formés au cours des dernières semaines par les autorités sanitaires et les sociétés savantes, s’apprêtaient à mettre en œuvre la prévention des bronchiolites à VRS par le nirsévimab, on apprenait, le 26 septembre dernier, que la dose à 50 mg indiquée pour les nourrissons de moins de 5 kg ne serait pas disponible en médecine de ville1.

Comme l’explique François Vié-Le-Sage, l’acceptation des parents, évaluée initialement à environ 30 % (200 000 doses prévues dont 80 % en 50 mg), a atteint 70 %… D’où la pénurie déplorée par l’ensemble des professionnels de santé et les attentes déçues des parents. Notre confrère souligne néanmoins l’aspect positif de cette situation inattendue : la France est redevenue “provax ”!

Dans son avis DGS-Urgent n° 2023-19 du 26 septembre, la Direction générale de la santé (DGS) constate que la campagne d’immunisation des nourrissons contre la bronchiolite se déploie de manière rapide et rencontre une forte adhésion des professionnels de santé et des parents à cette démarche de prévention. Les maternités remontent en effet des taux d’adhésion des parents de 60 voire 80 % dans certains établissements. Les officines, quant à elles, ont passé commande de volumes importants pour les 2 dosages disponibles (50 et 100 mg). Au regard du nombre de doses de nirsévimab réservées et du calendrier d’approvisionnement des doses par le laboratoire, la Direction générale de la santé, après échange avec le Conseil national professionnel de pédiatrie, recommande donc d’utiliser en priorité les doses de nirsévimab 50 mg pour l’immunisation des nouveau-nés en maternité avant leur sortie et par les services d’hospitalisation pour les nouveau-nés de moins de 1 mois hospitalisés. Il est également rappelé qu’il existe une alternative disponible, le palivizumab, pour certains nourrissons à haut risque et éligibles à ce traitement.

La distribution du nirsévimab 50 mg a donc été suspendue en ville au profit des maternités. Le 26 septembre 2023, la DGS indiquait que la prescription, la distribution, la dispensation et l’immu­nisation par nirsévimab 100 mg se poursuivait en ville, pour les nourrissons de moins de 5 kg. Mais, le succès se confirmant, ce dosage sera également rapidement épuisé. Le 29 septembre 2023, l’avis DGS-Urgent n° 2023-20 informait les professionnels de santé que, au regard du nombre de doses de nirsévimab réservées pour ce dosage, du calendrier d’approvisionnement des doses par le laboratoire et afin d’être en mesure d’honorer les commandes déjà passées, la livraison des officines en doses de nirsévimab 100 mg était temporairement interrompue. La DGS recommande donc à partir de cette date de suspendre les prescriptions de nirsévimab 100 mg en ville.

Face à cette situation inédite, Robert Cohen adresse un message à ses confrères du forum titré : “Expliquer, expliquer, expliquer”. “Nous ne sommes que 3 pays à proposer largement le nirsévimab, c’est une chance extraordinaire pour nos enfants”, précise-t-il en préambule. Il rappelle que, “dans l’état des connaissances, les pédiatres avaient proposé que seuls les nourrissons de moins de 6 mois soient immunisés pendant l’épidémie, ce qui correspond à 315 000 enfants”. “Étant donné que les derniers vaccins introduits, rotavirus et Bexsero®, sont, au bout de 2 ans, à moins de 30 % de couverture vaccinale pour le premier et moins de 60 % pour le second, pour le nirsévimab, nous avions espéré environ 50 % d’acceptation… Or, 200 000 doses, c’est plutôt 60 %.” “L’immense majorité des nourrissons hospitalisés et des passages en réanimation pour bronchiolite à VRS remonte à moins de 3 mois. Les doses disponibles doivent donc être ciblées vers les nouveau-nés, d’où ces décisions logiques, explique le Pr Cohen. “Il serait catastrophique que les enfants nés en novembre ne disposent pas du nirsévimab.”

Nos confrères, comme Olivier Fresco, expriment néanmoins leur déception. Une déception à la hauteur des efforts entrepris depuis quelques semaines, comme beaucoup de ses collègues, pour informer et dégager du temps pour accélérer la prévention par le nirsévimab dans un environnement de consultations pédiatriques toujours aussi chargé.

L’annonce de la mise à disposition gratuite, dès le 15 septembre, du nirsévimab a ainsi été reçue comme un “miracle” qui allait épargner la surcharge des urgences et la situation dramatique vécue l’an dernier par les bébés, leurs familles et les services hospitaliers.

Nadine Larrede-Marsault partage cette déception et s’inquiète de la réaction des parents qui ont été sensibilisés par la campagne d’immunisation et qui, légitimement, demanderont qu’on protège leur bébé. Géraldine Poirot souligne qu’elle n’aurait pas communiqué de la même façon auprès des parents si elle avait su que le nombre de doses disponibles en ville serait si limité. De nouvelles doses de nirsévimab devraient être disponibles au mois de novembre permettant, espère-t-on, de reprendre cette campagne d’immunisation contre les bronchiolites à VRS.

1 Pour mémoire, et comme annoncé par l’avis DGS-Urgent n°2023-14, la spécialité Beyfortus® (nirsévimab), indiquée dans la prévention des infections respiratoires inférieures causées par le VRS chez tous les nouveau-nés et nourrissons nés à partir du 6 février 2023, a été disponible dans les maternités et à la commande dans les officines en métropole à partir du vendredi 15 septembre 2023.


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M. Joras déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.