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Vaccination : des questions, des réponses


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Un vieux débat a agité le forum, rappelant de mémorables discussions autour de la vaccination. Lancée par une pédiatre qui souhaitait partager ses interrogations sur le nombre croissant de vaccins administrés aux petits nourrissons, la polémique a été vive…

D’autant que au-delà de la question de la stimulation immunitaire provoquée par ces vaccins, c’est l’indépendance des experts qui a été mise en doute. L’occasion pour les confrères de rappeler l’efficacité et la sécurité de ces vaccins, et le bénéfice majeur pour la santé publique et pour les patients.

En préambule, notre consœur se dit “bien loin d’être antivax” mais remarque en additionnant l’ensemble des antigènes contenus dans le calendrier vaccinal du nourrisson, que ce sont aujourd’hui 80 immunisations entre 2 mois et 16 mois (diphtérie : 3, tétanos : 3, polio : 9, coqueluche : 3, Hib : 3, HBV : 3, antipneumococcique conjugué 13 valent* : 39 (ou 15 *3 bientôt : 45), méningo ACYW : 8, méningo B : 3, rougeole : 2, oreillons : 2, rubéole : 2), sans compter le vaccin contre les rotavirus, l’anticorps monoclonal anti-VRS et les injections in utero…

Comment peut-on affirmer que cela ne comporte aucun risque, sur l’immunité ou du fait de l’injection d’autant d’adjuvants ?

Les réponses n’ont pas tardé.

Concernant le bénéfice de la vaccination, petit rappel de Marie-Anne Daumont : sans ces vaccins, nous aurions encore toutes ces maladies qui remplissaient les urgences et nos salles d’attente (et qui reviendraient si nous les arrêtions) : diphtérie et croup (eh oui, en 1985), les méningites et épiglottites à Haemophilus influenzae b, poliomyélites avec leurs paralysies définitives, apnées graves sur coqueluche et ses séquelles neurologiques, hépatites néonatales dues au VHB, encéphalites par rubéole congénitale, des méningites à pneumocoque avec des hydrocéphalies secondaires et diplopies, rougeoles en grand nombre et décès secondaires par leucoencéphalite, méningites à méningocoques à la pelle aux urgences avec leurs purpuras, les parotidites ourliennes… Alors non, aucun remords à faire ces vaccins !

Concernant les stimulations immunitaires, Andreas Werner rappelle que le vaccin coqueluche germe entier et, plus encore, celui de la variole contenaient plus d’antigènes que l’ensemble de tous les vaccins administrés actuellement aux enfants entre la naissance et 18 ans.

Une observation partagée par François Vié Le Sage, qui souligne que l’ensemble des vaccins obligatoires correspond à une immunisation comprenant 200 à 300 antigènes (Ag). Le BCG, c’est 3 000 Ag en une seule injection ; l’ancien coqueluche corps entier, presque autant. Donc on était loin au-dessus avec seulement 2 vaccins. L’Académie américaine a publié il y a quelques années une évaluation du nombre de stimulations antigéniques “supportables” par le système immunitaire d’un humain à un temps t : elle était de plusieurs centaines de milliers.

Comme le note F. Vié Le Sage, la charge anti­génique que subit quotidiennement notre organisme, c’est juste… ce qui nous permet de vivre. À l’instar du microbiote, les vaccins apportent des Ag non pathogènes qui améliorent l’immunité naturelle et la rendent plus efficace.

Des bénéfices indirects

Les études en termes de gain de morbimortalité montrent que l’effet des vaccins est souvent supérieur à celui attendu. Ainsi, le BCG et le vaccin contre la rougeole stimulent l’immunité naturelle, favorisant de meilleures défenses contre d’autres maladies que celles directement visées par ces vaccins. Le nombre de décès évités est plus important que les décès par tuberculose ou par rougeaole prévenus par ces vaccins. En prévenant les maladies immuno­déprimantes, ces vaccins empêchent en outre la dégradation de l’organisme, qui favoriserait d’autres infections graves.

La vaccination contre la grippe a un impact sur les infections invasives à méningocoque, qui sont favorisées par les virus Influenzae. Le VRS contribue au développement des infections invasives à pneumocoque et une estimation suggère que l’immunisation contre les VRS serait presque aussi efficace que la vaccination contre les pneumocoques elle-même contre les infections invasives à pneumocoque.

Des vaccins sous haute surveillance

Sur le plan de la sécurité, F. Vié Le Sage rappelle que les vaccins sont les traitements qui subissent le plus de contraintes avant leur autorisation de mise sur le marché (AMM) et de surveillance post-AMM. Il n’y a bien sûr pas de risque zéro, mais le rapport bénéfice/­risque est très largement positive ! Il suffit de mener quelques recherches sur PubMed, de consulter les sites de l’OMS, du CDC, de l’EMA et en France, le site de Santé Publique france pour en mesurer l’ampleur1.

Mise au point sur Infovac

La mise en cause de l’indépendance des experts, notamment d’Infovac, a déclenché un tollé. Ainsi, Catherine Salinier suggère à la consœur qui a lancé cette polémique de créer un groupe de travail avec ceux qui sont, comme elle, plein de doutes, et de mener à la place d’Infovac tout le travail de recherche et de bibliographie sur les bénéfices/risques des vaccins administrés aux nourrissons.

“Pour notre part (Infovac, groupe infectieux de l’AFPA, GPIP) nous sommes transparents, explique F. Vié Le Sage : “Nous faisons nos réponses en les signant, en donnant nos références, nos liens sont publiés”. Nous avons des liens d’intérêt (liens impliquant contacts, échanges, voire travail en commun) et non des conflits d’intérêt (conflit impliquant une dépendance) : des liens avec l’industrie car nous leur demandons en permanence des comptes, nous nous battons pour qu’ils améliorent leurs vaccins tant sur le plan de l’efficacité (exemple des vaccins pneumocoques) que de la tolérance (là, nous n’avons pas trop de problèmes). Comment garder une expertise sans échanger avec ceux qui conçoivent, fabriquent et distribuent les vaccins ? Préféreriez-vous que nous nous basions sur ce qui est dit dans des réseaux par des anonymes qui n’apportent aucune preuve ou les manipulent sans confrontation avec le reste de la communauté scientifique ?”

Infovac est financé par Activ, qui est une structure de recherche indépendante, et on ne peut que l’en remercier.

Activ réalise des études et trouve ses revenus dans des études et la revente de données à l’industrie ou autre, sans le moindre droit de regard sur la méthodologie ou les résultats. Elle est aussi indépendante des autorités de santé, avec lesquelles elle collabore aussi. Elle mène des études selon les besoins scientifiques, même si cela n’est pas financé (les bénéfices des études financées servant à celles qui ne le sont pas). Tout est publié, que cela soit positif ou négatif. Les experts d’Infovac ne reçoivent pas un centime de l’industrie pour leurs gardes.

Les experts d’Infovac ne prennent pas de décisions sur le calendrier vaccinal (c’est la HAS qui conseille et la DGS et le cabinet du ministre qui le font) mais expliquent les fondements du calendrier en cours et donnent un avis sur les améliorations que les autorités pourraient y apporter, sur la stratégie à adopter, fondée sur les données scientifiques disponibles, sans dépendance ni avec l’industrie, ni avec les autorités (qui ont leurs propres contraintes : coût, limitations réglementaires, choix politiques, etc.).

1 Site Internet de Vaccination Info Service. https://vacci nation-info-service. fr/?gclsrc=aw.ds&gad_source=1&gclid=CjwKCAjwz42xBhB9EiwA48p- T70PGU4JwXJXYJ4hiquTN5_bUBW1w97WgVBg212Q2FUwuEdunT1dwnxoCqCMQAvD_ BwE&gclsrc=aw.ds&adfcd=1713677984. HepWGa6e8UW64uIFXU5gvA.Mjg2NzM5MywxOTEzMzMx.


Liens d'intérêt

M. Joras déclare ne pas avoir de liens intérêts en relation avec cet article.