Olivier Fresco nous fait part d’un message qui le laisse perplexe sur l’évolution des pratiques parentales : “Bonjour docteur, nous avons fait l’acquisition d’une mini-caméra otoscope et avons découvert quelque chose dans l’oreille de M. : devons-nous venir vous voir ou devons-nous aller voir directement un spécialiste ?”… “Les parents ne vous ont pas indiqué le diagnostic de l’intelligence artificielle ?”, interroge Michel Boublil, qui ajoute : “Comme si une image remplaçait tout : l’âge, la douleur, la température, l’audition, les adénopathies, l’histoire, le contexte, l’expérience du médecin…” Une situation qui, pour notre confrère, fait penser au dialogue entre Gorgias et Socrate sur la rhétorique à propos du pouvoir de conviction sur les malades2. Est-ce la pensée ou bien l’image qui prévaut ? Un avis tempéré par F. Vié Le S age, qui cite Lao Tseu : “il n’y a pas de mauvais outil, il n’y a que de mauvais ouvriers.” Les appareils otoscopes connectés utilisés par les parents peuvent être très utiles, estime notre confrère, à condition que les parents aient été formés. Lorsqu’ils sont éloignés du cabinet, à l’autre bout de la France ou à l’étranger, les images peuvent être adressées au praticien, qui les interprètera dans le contexte clinique du jeune patient. “C’est aussi un atout non négligeable pour les téléconsultations : l’image envoyée, si elle a une qualité suffisante, fournit la même information que celle que vous obtiendriez dans votre cabinet… Le seul problème est de montrer comment réaliser une bonne image, pas de demander aux parents de l’interpréter, cela restant du domaine du médecin !”, explique F. Vié Le Sage.
2 D’après Gorgias de Platon : Socrate : “Je le constate avec étonnement, Gorgias, et c’est pour cela que je demande depuis si longtemps quelle est cette puissance de la rhétorique. À voir ce qui se passe, elle m’apparaît comme une chose d’une grandeur quasi divine.” Gorgias : “Si tu savais tout, Socrate, tu verrais qu’elle englobe en elle-même, pour ainsi dire, et tient sous sa domination toutes les puissances. Je vais t’en donner une preuve frappante. Il m’est arrivé maintes fois d’accompagner mon frère ou d’autres médecins chez quelque malade qui refusait une drogue ou ne voulait pas se laisser opérer par le fer et le feu, et là où les exhortations du médecin restaient vaines, moi je persuadais le malade, par le seul art de la rhétorique. Qu’un orateur et un médecin aillent ensemble dans la ville que tu voudras : si une discussion doit s’engager à l’assemblée du peuple ou dans une réunion quelconque pour décider lequel des 2 sera élu comme médecin, j’affirme que le médecin n’existera pas et que l’orateur sera préféré si cela lui plaît. Il en serait de même en face de tout autre artisan : c’est l’orateur qui se ferait choisir plutôt que n’importe quel compétiteur ; car il n’est point de sujet sur lequel un homme qui sait la rhétorique ne puisse parler devant la foule d’une manière plus persuasive que l’homme de métier, quel qu’il soit. Voilà ce qu’est la rhétorique et ce qu’elle peut.”