Congrès/Réunion

Actualités en thyroïdologie : post-congrès européen de la thyroïde 2017

Mis en ligne le 11/03/2018

Mis à jour le 18/03/2018

Auteurs : Magalie Haissaguerre, Frédéric Illouz, Claire Bournaud, Lionel Groussin, Philippe Caron

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Métabolisme et hormones thyroïdiennes

Il est connu depuis longtemps que les hormones thyroïdien­nes (HT) participent à la régulation thermo­génique et métabolique chez les homéothermes dont l'homme. Ces dernières années ont surtout été marquées par l'amélioration des connaissances des mécanismes des actions physiologiques des HT. En effet, nous sommes passés d'une régulation que l'on considérait comme périphérique, c'est-à-dire une action directe des HT sur leurs tissus cibles (tissu adipeux pour la thermogenèse et le métabolisme lipidique ; foie et production hépatique de glucose), à une régulation centrale qui fait intervenir les différents noyaux hypothalamiques (1-3). Le médiateur de ces actions centrales est le système nerveux autonome sympathique ou parasympathique (4). L'effet prothermogénique associé à l'augmentation de la dépense énergétique et les actions pro-oxydatives hépatiques ont fait des HT ou de leurs analogues des molécules potentiellement intéressantes afin d'améliorer le profil métabolique des patients (5). Cependant, l'absence de spécificité tissulaire complète de ces analogues a fait réfléchir sur la synthèse de composés chimériques (coagonistes) associant les HT.

Lors du congrès de l'ETA 2017, les résultats d'une étude animale récemment publiée ont été présentés sur l'efficacité métabolique d'un coagoniste glucagon/T3 (6). Le glucagon utilisé comme “vecteur“ permettrait d'orienter l'action de la T3 sur certains tissus cibles et pas sur d'autres. En effet, il possède certains effets “bénéfiques“ sur des tissus cibles comme le tissu adipeux, le foie et le système nerveux central. Ces effets “bénéfiques“ pourraient être potentialisés par l'action de la T3. Cependant, le glucagon ciblant peu ou pas les tissus cardiaque, osseux ou musculaires, le coagoniste pourrait empêcher l'action délétère de la T3 sur ces tissus (qui sont normalement aussi des tissus cibles des HT) et ainsi éviter les effets secondaires cardiaques ou osseux. L'objectif est également de limiter l'effet diabétogène du glucagon. Concernant les données métaboliques, le coagoniste entraîne une réduction de la prise alimentaire par rapport aux souris contrôles ; cette réduction est similaire à celle des souris sous glucagon ou sous T3 seule. Toutefois, les souris sous coagoniste perdent plus de poids que les autres. Cette perte pondérale est surtout d'origine graisseuse avec une réduction significative de la masse grasse et est associée à une augmentation de la dépense énergétique (identique à celle observée chez les souris sous T3 seule). Cette augmentation de la dépense énergétique est associée au browning du tissu adipeux blanc (activation d'adipocytes bruns inductibles dans le tissu adipeux blanc) avec notamment l'augmentation de l'activité de la protéine découplante UCP1, même si cette activation reste moins importante que chez les souris sous T3. À côté des effets sur le tissu adipeux, le coagoniste réduit la stéatose hépatique des souris nourries par un régime riche en lipides. Il existe également une réduction importante du score de NAFLD (Non-Alcoholic Fatty Liver Disease) avec une absence totale de stéatose chez plus de la moitié des souris contre une stéatose avérée chez plus d'un tiers des souris contrôles. Ces travaux montrent également une amélioration des concentrations plasmatiques et hépatiques du cholestérol. Le facteur de croissance FGF21 pourrait participer à l'amélioration du profil hépatique. Ces travaux ont montré peu ou pas d'effet délétère sur les tissus cardiaque et osseux. Ils s'inscrivent dans un nouveau concept pharmacologique qui tente de tirer profit de l'action de certains peptides en favorisant leurs actions sur certains tissus et en limitant leurs effets sur d'autres.

Hypothyroïdie

L'hypothyroïdie périphérique comprend l'hypo­thyroïdie infraclinique avec une TSH (Thyroid-Stimulating Hormone) entre 4 et 10 mU/l et une thyroxine libre (T4L) normale, et l'hypothyroïdie clinique avec une TSH augmentée et une T4L diminuée. Les objectifs du traitement substitutif par les hormones thyroïdiennes sont, d'une part, de corriger la symptomatologie ­clinique de l'hypothyroïdie (combinaison de symptômes peu spécifiques) et, d'autre part, de normaliser la TSH, tout en évitant une thyrotoxicose (7). Les symptômes potentiels de l'hypothyroïdie sont difficiles à mesurer et souvent peu spécifiques (fatigue/fatigabilité, labilité émotionnelle, essoufflement, constipation et alopécie). Dans une étude récente, 13 symptômes liés à l'hypothyroïdie ont été quantifiés chez 96 patients avec une hypo­thyroïdie auto-immune vraie (TSH > 10 U/ml) en fonction de l'âge (8). Le caractère symptomatique de l'hypothyroïdie est plus marqué chez les sujets jeunes que chez les sujets âgés : 6 symptômes chez les moins de 50 ans, 3 symptômes chez les plus de 60 ans et 2,5 symptômes chez les patients du groupe contrôle ajusté pour l'âge et en euthyroïdie (n = 224 patients de moins de 50 ans, n = 160 patients de plus de 60 ans). Ainsi, l'hypo­thyroïdie est plus difficile à diagnostiquer cliniquement chez les sujets âgés.

Le traitement de l'hypothyroïdie infraclinique est discuté en fonction de l'âge et du risque cardiovasculaire (7). D.J. Stott et al. ont publié en 2017 un essai prospectif randomisé contre placebo, en double aveugle, qui étudie les symptômes cliniques, les événements cardiovasculaires, la fibrillation auriculaire et l'hypertension artérielle chez des patients âgés (> 65 ans) avec une hypothyroïdie infraclinique traitée ou non par lévothyroxine (9). Aucune amélioration des symptômes ou de la morbidité cardiovasculaire n'est observée chez les sujets traités par rapport aux sujets non traités malgré une normalisation de la TSH.

En cas d'hypothyroïdie vraie, plusieurs études ont montré qu'environ 20 % des patients ne sont pas suffisamment substitués en lévothyroxine, tandis que 15 à 20 % des patients traités sont surdosés. Il existe une augmentation du risque cardiovasculaire et du risque de fracture ostéoporotique en l'absence de traitement, mais également en cas de surdosage en lévothyroxine (TSH indosable) [8]. Le monitoring de la TSH chez les patients traités au long cours par lévothyroxine est donc essentiel pour éviter une iatrogénie ou des effets délétères (liés à un sur- ou sous-traitement).

Lors du congrès de l'ETA 2017, M. Lillevang-Johansen et al. ont rapporté les résultats de leur étude de cohorte prospective comprenant 2 908 patients traités ou non par lévothyroxine pour une hypothyroïdie infraclinique (n = 1 224) ou vraie (n = 1 011) [10]. Une augmentation significative de la mortalité est observée chez les patients non traités par rapport aux patients traités, et également chez les patients traités par excès par rapport aux patients d'un groupe contrôle euthyroïdien. Ainsi, un surdosage en lévothyroxine semble au moins aussi délétère qu'une absence de traitement en termes de mortalité globale.

Enfin, malgré un traitement bien conduit, certains patients symptomatiques atteints d'une ­hypothyroïdie infraclinique ne présentent pas d'amélioration sur le plan clinique malgré une normalisation de la TSH. Plusieurs explications théoriques sont possibles : une variabilité individuelle dans les besoins en T4L, un effet direct de l'auto-immunité thyroïdienne ou encore l'association à des pathologies organiques ou fonctionnelles indépendantes de toute thyroïdopathie.

Chez la femme enceinte, la concentration de la TSH diminue physiologiquement au cours du premier trimestre de la grossesse. Il n'y a pas de normes reconnues adaptées à la fois à la population (origine ethnique et statut iodé), au nombre de semaines d'aménorrhée (SA), au poids et au statut auto-immun. Jusqu'en 2016, les recommandations européennes et américaines ­s'accordaient sur un objectif idéal de TSH < 2,5 mU/l au cours du premier  trimestre de la grossesse (les normes supérieures de TSH communément reconnues à ce stade étant fixées à 2,5 mU/l). En cas de TSH supérieure à 2,5 mU/l, une substitution par lévothyroxine était recommandée, quel que soit le statut des anticorps anti-thyroperoxydase (TPO). En 2017, l'American Thyroid Association (ATA) a modifié les recommandations sur la base de différentes études montrant que dans certaines populations 30 % des femmes enceintes ont des TSH entre 2,5 et 5 mU/l en dehors de toute situation pathologique (11). L'ATA propose désormais de traiter uniquement les femmes enceintes en cas de TSH > 10 mU/l avec des anticorps anti-TPO négatifs et en cas de TSH > 4 mU/l avec des anticorps anti-TPO positifs (11) [tableau I].

Ces recommandations sont discutées au sein de la communauté scientifique médicale. Les différentes études sur le retentissement de l'hypothyroïdie infraclinique sur les plans obstétrical, néonatal et développemental restent contradictoires. L'effet bénéfique du traitement substitutif par lévothyroxine sur ces complications potentielles reste à prouver. En 2016 et 2017, S. Maraka et al. ont publié 2 études rétrospectives de cohorte décrivant le devenir obstétrical et néonatal en cas de traitement par lévothyroxine devant une TSH > 2,5 mU/l à 7 SA (12) et à 12 SA (13). La première étude en faveur du traitement par lévothyroxine dès 7 SA mettait en évidence une diminution significative de la mortalité fœtale, des accouchements prématurés, du diabète gestationnel, de la prééclampsie ainsi que du nombre de nouveau-nés avec un petit poids de naissance ou un score d'Apgar bas. En revanche, le traitement par lévothyroxine à 12 SA était certes associé à une diminution de la mort fœtale précoce, mais également à une augmentation du nombre d'accouchements préma­turés, d'hypertension artérielle, de diabète gestationnel et de prééclampsie. L'analyse de ces données montre que l'effet bénéfique du traitement par lévothyroxine sur la diminution de la mort fœtale in utero concernait particulièrement les patientes avec une TSH entre 4 et 10 mU/l. Ces résultats ne sont donc pas en désaccord avec les recommandations récentes américaines.

Concernant le retentissement au long cours de l'hypo­thyroïdie infraclinique maternelle sur le dévelop­pement neurocognitif des enfants, 2 essais prospectifs randomisés ont fait l'objet de publications dans The New England Journal of Medicine. Dans l'étude de J.H. Lazarus et al. (étude CATS 1) [14], un dosage systématique de TSH a été réalisé chez 794 patientes à 13 SA. Trois cent quatre-vingt-dix patientes ont été traitées par lévothyroxine (150 μg/j) en cas de TSH > 3,5 mU/l, et le quotient intellectuel (QI) de leurs enfants à 3 ans a été comparé à celui des enfants des 404 patientes avec une TSH comparable mais qui n'ont pas été traitées. Dans la deuxième étude randomisée contre placebo publiée en 2017, 323 patientes ont été traitées par une dose moyenne de 100 μg/j en cas de TSH > 3 mU/l à 17 SA, et le QI de leurs enfants à 5 ans a été comparé à celui des enfants des 326 patientes traitées par placebo (15). Les résultats concordent dans les 2 études, montrant l'absence d'amélioration du QI en cas de traitement par lévothyroxine. Ces données sont néanmoins à interpréter avec précaution car la lévothyroxine a été introduite tardivement par rapport au début de la grossesse (entre 13 et 17 SA, soit à la fin du 1er trimestre de grossesse). Or, la période la plus critique pour le fœtus du point de vue des besoins fœtaux en hormones thyroïdiennes et de l'organogenèse est plutôt située au début ou au milieu du premier trimestre de grossesse. Par ailleurs, la présence d'anticorps anti-TPO n'est pas précisée dans ces études et doit également être prise en compte dans les recommandations, étant donné leur implication potentielle dans le risque de fausse couche (16).

Pour conclure sur la meilleure attitude à adopter en cas d'hypothyroïdie infraclinique pendant la grossesse, il serait utile d'une part de rediscuter des normes propres à chaque semaine de grossesse pour une population donnée, et d'autre part de réaliser des études complémentaires prospectives et randomisées contre placebo avec un monitoring du bilan thyroïdien et une intervention plus précoce comprenant notamment le dosage des anticorps anti-TPO.

L'hypothyroïdie centrale (HC) est définie par une diminution de la synthèse des hormones thyroïdiennes liée à une stimulation insuffisante de la thyroïde secondaire à une altération des cellules à TSH ou des neurones à TRH (Thyrotropin-Releasing Hormone). Lors du congrès de l'ETA 2017, des avancées sur le consensus européen sur l'HC ont été discutées (tableau II). Il a été rappelé que le diagnostic en est simple, biologique, reposant sur une T4L diminuée en regard d'une TSH inadaptée (c'est-à-dire basse, normale ou très peu élevée). On peut toutefois relever 2 points :

  • le concept que l'on pourrait appeler “hypothyroïdie centrale ‘subclinique'“ correspond à des patients ayant une T4L dans les valeurs basses de la normale, sans élévation de la TSH mais avec une symptomatologie compatible avec une hypothyroïdie ;
  • la diminution de plus de 20 % de la T4L par rapport à la T4L initiale, lors de la surveillance d'un patient ayant une pathologie hypothalamohypophysaire pourrait être considérée comme un début ou un risque d'HC.

En termes thérapeutique, la lévothyroxine reste le traitement de choix, sans place pour les autres supplémentations hormonales. En cas d'HC “subclinique“, il pourrait être proposé un traitement par lévo­thyroxine pendant 3 mois comme test thérapeutique. En l'absence d'amélioration de la symptomatologie, la lévothyroxine devra être interrompue. Les posologies de ­lévothyro­xine ont été rappelées et sont un peu plus faibles que celles retenues pour l'hypothyroïdie périphérique chez l'adulte (1,2-1,6 µg/kg/j pour les plus de 50 ans ; 1-1,2 µg/kg/j si moins de 50 ans) et identiques chez l'enfant (10-12 µg/kg/j). L'objectif reste une T4L au-dessus de la médiane, et la TSH est peu utile dans la surveillance. Le dosage de la T4L doit être effectué avant la prise de la lévothyroxine. Comme dans ­l'hypothyroïdie périphérique, certaines situations sont à risque de ­modifications de dosage (grossesse, médicaments, etc.).

Une mise au point a été faite sur les hypothyroïdies centrales de cause génétique (17). Le phénotype des patients mutés pour IGFS1 s'est précisé grâce à la collection des données de 69 hommes et 56 femmes (18). Chez l'homme, la macro-orchidie et le déficit en prolactine sont bien associés à l'HC, avec une croissance testiculaire à un âge normal ou avancé mais un retard à l'élévation de la testostérone, un retard d'adrénarche et parfois une insuffisance en glucocorticoïde à la naissance qui se normalise plus tard. Malgré sa position sur le chromosome X, les femmes peuvent également présenter un profil d'HC avec un retard de la ménarche et un déficit en prolactine. On note chez l'homme et la femme, un profil de syndrome métabolique avec 75 % des adultes ayant un indice de masse corporelle
[IMC] > 25 kg/m², 89 % des enfants en surpoids ou obèses, un tour de taille élevé chez environ 60 % des patients et une élévation de la masse grasse chez 20 % des adultes et 29 % des enfants. Deux études récentes proposent un mécanisme physiopathologique. Chez la souris déficitaire IGSF1, l'expression de TSHβ et de la TSH est réduite tout comme l'expression du récepteur à la TRH (TRHR). Cela s'associe à une réduction de l'élévation de la TSH secondaire à l'hypothyroïdie induite (19). IGSF1 semble capable de stimuler la transcription du TRHR par une réduction de la signalisation TGF (Transforming Growth Factor) β1-Smad, favorisant ainsi la synthèse de TSH hypophysaire (20). A contrario, IGSF1 réduit la signalisation activin-Smad, abaissant l'expression de FSH (Follicle-Stimulating Hormone) β des cellules gonadotropes. Ainsi, la perte de fonction de IGSF1 pourrait induire une insuffisance thyréotrope par la réduction du signal TRH, et une macro-orchidie par l'augmentation du signal FSH au niveau sertolien.

Un nouveau gène qui pourrait être responsable d'HC a été rapporté (21). Une anomalie du gène IRS4 (Insulin Receptor Subtrate 4) a été mise en évidence par séquençage à haut débit dans 5 familles. Le tableau de TSH inappropriée à une T4L basse est retrouvé, mais semble toutefois être plus net chez le nouveau-né que chez l'enfant ou l'adulte présentant des T4L normales. Le tableau d'HC n'a pas été associé à un autre trait phénotypique. IRS4 est une protéine impliquée dans la signalisation PI3K-Akt et les IRS sont impliqués dans la signalisation de différents récepteurs (leptine, insuline, IGF). La mutation d'IRS4 pourrait inhiber le signal leptine au niveau des neurones à TRH du noyau parvoventriculaire hypothalamique. Ce signal leptine participe à l'activation des neurones à TRH et la diminution du signal pourrait ainsi réduire la synthèse de TSH et des hormones thyroïdiennes. Chez la souris, le knockout de IRS4 entraîne bien une réduction de l'expression de TSHβ et de la T4 mais seulement chez les femelles, alors que l'IRS4 est localisé chez l'X (chez la souris comme chez l'homme). Le mécanisme physiopathologique de l'HC associée à une mutation de l'IRS4 reste encore incertain.

L'hypothyroïdie centrale a bénéficié des avancées techno­logiques récentes, ce qui est démontré par la découverte en 5 ans de 3 nouveaux gènes (IGSF1, TBLX1 et IRS4). Ces cas d'HC isolées ne doivent pas faire oublier que l'HC peut également s'inscrire dans le cadre de pathologies syndromiques associant d'autres atteintes hypophysaires ou d'autres atteintes ­d'organes comme le syndrome CHARGE (Coloboma, Heart defect, Atresia choanae, Retarded growth and development, Genital hypoplasia, Ear anomalies/deafness). Un meilleur dépistage et une meilleure prise en charge seront peut-être secondaires à la publication à venir des recommandations de l'ETA.

Thyroïdologie pratique

La prise en charge de l'orbitopathie dysthyroïdienne est aujourd'hui bien codifiée, notamment détaillée par les recommandations de l'European Group on Graves' Orbitopathy (EUGOGO) de 2016 (22). Elle nécessite l'évaluation fine de la sévérité et de l'activité de la maladie, qui conditionnent les traitements spécifiques à mettre en œuvre. Dans tous les cas, des mesures locales sont proposées et les facteurs d'entretien ou d'aggravation de l'orbitopathie sont corrigés. Enfin, il importe d'évaluer le retentissement sur la qualité de vie du patient.

L'orbitopathie est une maladie chronique, bien souvent source de séquelles comme indiqué par F. Rundle dans sa description princeps de l'évolution de la maladie (23), avec une phase inflammatoire, suivie d'une phase de récupération complète ou non. Lors du congrès de l'ETA 2017, E. Sabini a présenté les résultats d'une étude regroupant 99 patients consécutifs, atteints d'orbitopathie depuis plus de 10 ans (24). Près de 90 % d'entre eux avaient reçu un traitement pour cette orbitopathie. L'évaluation de la guérison se faisait sur des critères objectifs (disparition des signes d'activité, absence d'exophtalmie, anomalie de la vision, du fond d'œil, ou diplopie) et subjectifs (récupération d'un regard normal ou identique à celui avant la maladie, absence de limitation des activités quotidiennes ou sociales liées aux yeux). Seuls 2 % des patients remplissaient les critères objectifs et subjectifs de guérison de l'orbitopathie, alors que 24 % se considéraient guéris selon les critères subjectifs. Les auteurs reconnaissent que la proportion de patients guéris est potentiellement sous-estimée en raison de l'absence de suivi prolongé. Ces résultats suggèrent qu'un nombre non négligeable de patients s'adapte à l'atteinte orbitaire, tant sur le plan esthétique que fonctionnel. Cela ne doit pas conduire à négliger l'impact de l'orbitopathie sur la qualité de vie des patients. En effet, l'équipe de T.H. Brix a rapporté, à partir d'une étude des registres danois sur la période 1995-2012, une augmentation de la mortalité par suicide chez les patients basedowiens, particulièrement en cas d'orbitopathie, sans pouvoir préciser si ce risque était éventuellement en lien avec les traitements administrés (corticothérapie notamment) [25].

Les options thérapeutiques validées restent limitées pour les orbitopathies modérées à sévères et actives : le traitement de première ligne est représenté par la corticothérapie intraveineuse sur 12 semaines. Lorsque celle-ci est inefficace ou insuffisante, les experts du groupe EUGOGO proposent le recours à la radio­thérapie rétrobulbaire, au rituximab ou à la ciclosporine. Néanmoins, ces traitements restent insuffisants pour un certain nombre de patients.

Des alternatives thérapeutiques sont en cours d'évaluation. Elles reposent soit sur des approches d'immunosuppression, soit sur le ciblage de molécules impliquées dans la pathogénie de l'orbitopathie dysthyroïdienne. Parmi ces dernières, citons les ­résultats prometteurs rapportés récemment dans The New England Journal of Medicine avec le téprotumumab, un anticorps dirigé contre le récepteur de l'IGF1 : l'équipe de T.J. Smith démontre une amélioration significative du score d'activité et de la protrusion par rapport au placebo, chez des patients présentant une orbitopathie active, modérée à sévère (26). Au cours du congrès de l'ETA 2017, G. Kahaly a exposé les résultats de l'étude conduite par le groupe EUGOGO avec le mycophénolate, un inhibiteur de la synthèse des purines, exerçant un effet cytostatique principalement sur les lymphocytes, et utilisé en transplantation dans la prévention du rejet de greffe (27). Cent soixante-quatre patients présentant une orbitopathie active modérée à sévère, non traitée préa­lablement, ont été randomisés pour recevoir une corticothérapie intraveineuse sur 12 semaines, soit en traitement seul, soit en association avec du mycophénolate à raison de 720 mg/j en 2 prises pendant 24 semaines. Le taux de réponse à la fin du traitement était significativement supérieur dans le groupe mycophénolate et corticothérapie ­comparativement au groupe recevant la seule corticothérapie (71 ­versus 53 %, p = 0,026). Les taux de rechute à 36 semaines étaient faibles et non significativement différents (8 % dans le groupe corticothérapie seule, et 4 % dans le bras corticoïdes plus mycophénolate), et la tolérance satisfaisante dans les 2 groupes.

Enfin, l'équipe de Taylor a présenté les résultats de l'étude CIRTED (28), qui évalue, chez des patients atteints d'orbitopathie active modérée à sévère, l'intérêt de la radiothérapie et de l'azathioprine, immunosuppresseur utilisé en transplantation et dans diverses maladies dysimmunitaires. L'étude a randomisé 126 patients, qui ont tous reçu une corticothérapie orale à raison de 80 mg/j de prednisolone initialement, en décroissance sur 6 mois, ainsi qu'une combinaison de radiothérapie et d'azathioprine ou de leurs placebos. Il ressort des conclusions de l'étude que l'azathioprine, lorsqu'elle est bien tolérée, semble prévenir les récidives d'orbitopahie à l'arrêt de la corticothérapie, alors que la radiothérapie apparaît dépourvue de bénéfice.

Ces résultats, ainsi que ceux des essais en cours avec des biothérapies, conduiront à l'amélioration de la prise en charge de l'orbitopathie ; toutefois, la place respective de chacune de ces molécules devra être précisée.

Les nodules thyroïdiens sont très fréquents dans la population générale et sources d'inquiétude pour les patients. Leur prévalence augmente avec l'âge. L'incidence des microcarcinomes papillaires thyroïdiens a augmenté significativement ces dernières années en raison de la multiplication des prescriptions des échographies thyroïdiennes. Le score échographique TIRADS (Thyroid Imaging Reporting and Data System) permet d'estimer le risque de cancer et d'orienter les indications de la cytoponction.

En 2017, les recommandations européennes ont proposé une simplification du score EU-TIRADS (European Thyroid Imaging Reporting and Data System) des nodules thyroïdiens et des indications de cytoponction ­thyroïdienne (29) [figure]. Les nodules anéchogènes ou entièrement spongiformes (5 % des nodules) sont ­classés EU-TIRADS 2 : ils sont bénins et ne nécessitent pas de cytoponction (sauf si signes de compression). Les nodules iso- ou hyperéchogènes en totalité (63 % des nodules) sont classés EU-TIRADS 3 et associés à un faible risque de cancer (2-4 %) : la cytoponction est justifiée uniquement en cas de nodule de diamètre supérieur à 20 mm. Les nodules modérément hypoéchogènes (28 % des nodules) sont classés EU-TIRADS 4 avec un risque de cancer intermédiaire entre 6 et 17 % : une cytoponction est proposée en cas de taille supérieure à 15 mm. Tout nodule avec au moins un signe échographique de suspicion de cancer (4 critères majeurs : forme ronde, microcalcifications, contours irréguliers ou hypoéchogénicité marquée) est désormais classé EU-TIRADS 5 (4 % des nodules). Le risque de cancer est élevé (26 à 87 %) et augmente en cas d'association avec un ou plusieurs critères échographiques dits “accessoires“ (vascularisation, perte du halo, macro­calcifications, granulations, élasticité, extension extrathyroïdienne) dont la présence ne modifie plus le score EU-TIRADS. Le statut ganglionnaire est également indépendant de la classification EU-TIRADS. La cytoponction est réservée aux nodules de plus de 10 mm de diamètre. En cas de nodule infracenti­métrique suspect ou EU-TIRADS 5, une surveillance s'impose avec un contrôle échographique réalisé par un radiologue expérimenté à 6 mois-1 an, puis annuellement. Quel que soit l'aspect échographique du nodule, il est indispensable de réaliser une cytoponction devant des signes cliniques suspects tels qu'une augmentation rapide de taille, la présence d'un ganglion pathologique ou un terrain à risque (antécédent d'irradia­tion cervicale ou antécédents familiaux de cancer thyroïdien). Cette nouvelle classification a pour but de simplifier la description des nodules thyroïdiens pour l'ensemble des échographistes (en particulier en cas de goitre multinodulaire), de diminuer le nombre de cytoponctions non justifiées et la fréquence du diagnostic de microcarcinomes papillaires thyroïdiens indolents.

Parmi les nodules thyroïdiens bénins, certains sont symptomatiques en raison de leur volume ou de leur position (gêne cervicale, dysphonie, trouble de la ­déglutition) et nécessitent un traitement spécifique. Deux stratégies thérapeutiques sont possibles : la chirurgie (lobectomie si nodule unique ou bénin ; thyroïdectomie totale si goitre multinodulaire) ou les techniques non chirurgicales conservatrices mini-invasives guidées par échographie récemment développées. Pour le moment, ces techniques sont réservées aux nodules dont le caractère bénin est confirmé par 2 cytoponctions, symptomatiques, en cas de refus ou de contre-indication à la chirurgie. Parmi ces techniques, on distingue la thermoablation par laser, la radiofréquence et les ultrasons focalisés (High Intensity Focused Ultrasound [HIFU]). Une réduction volumétrique rapide (dès 6 mois), importante (de 50 à 70 %), durable (au moins pendant 3 ans) est généralement obtenue (30).

Ces méthodes sont efficaces et moins contraignantes que la chirurgie car ne nécessitant aucune hospitalisation ni anesthésie générale. Par ailleurs, elles sont de courte durée (10 à 40 mn) et n'entraînent ni cicatrice, ni hypoparathyroïdie ou hypothyroïdie définitive. Les complications sont rares (< 5 %) mais potentiellement graves (31) : rupture de nodule, lésions nerveuses (syndrome de Horner), nécrose cutanée, troubles liés à l'injection de lidocaïne (confusion et hypertension). Elles dépendent essentiellement de l'expérience de l'opérateur et de la localisation du nodule. Chez 5 % des patients, plusieurs séances sont nécessaires. Avant de s'orienter vers l'une de ces techniques, il faut avant tout une échographie de qualité pour confirmer l'indication de traitement et éliminer un cancer.

Ce traitement ne permet pas de surseoir à la poursuite d'une surveillance échographique régulière au cours du temps par opposition à la thyroïdectomie.

Pour le moment, la place de ces techniques par rapport à la chirurgie reste à définir, et des études prospectives randomisées sont en cours pour définir les meilleures indications et les patients éligibles à un tel traitement.

Actualités en cancérologie thyroïdienne

La connaissance des anomalies moléculaires à l'origine des cancers de la thyroïde a progressé ces dernières années, grâce notamment au développement des techno­logies de séquençage à haut débit. Il apparaît que l'activation de voies de signalisation impliquées dans la cancérogenèse impacte de manière plus ou moins importante les acteurs classiques de la différenciation thyroïdienne. Une revue récente publiée dans The New England Journal of Medicine explique parfaitement la problématique de dédifférenciation favorisée par cette activation variable en fonction du type d'anomalies moléculaires présentes au sein d'un cancer donné (32). Pour les cancers papillaires, des anomalies moléculaires, mutuellement exclusives, activant de façon constante la voie des MAPK (Mitogen-Activated Protein Kinase) sont retrouvées. Le caractère mutuellement exclusif signifie que la présence d'une seule d'entre elles suffit à déclencher le processus tumoral. Plusieurs événements moléculaires impactant d'autres voies de signalisation peuvent être associés, participant à l'évolution et à l'agressivité tumorale (mutations des gènes codant pour la télomérase, du gène suppresseur de tumeur p53, etc.). Au sein des anomalies activant la voie des MAPK ont été essentiellement identifiées des mutations activatrices des oncogènes BRAF et de la famille de proto-oncogènes RAS, des fusions de gènes, avec en particulier les réarrangements chromosomiques RET/PTC.

Une protéine majeure de la différenciation thyroïdienne, le symporteur de sodium/iodure (NIS), joue un rôle majeur à la fois en physiologie pour la synthèse des hormones thyroïdiennes mais également pour le traitement des cancers thyroïdiens à l'iode radioactif. Le NIS est normalement exprimé au pôle basal des thyréocytes, où il permet la captation active de l'iode ; l'activité du NIS est régulée par la TSH. L'expression du NIS dans les cancers thyroïdiens est plus ou moins diminuée, comme évoqué précédemment, en fonction des anomalies moléculaires à l'origine d'un cancer donné. Dans les cancers papillaires, une plus forte activation de la voie des MAPK s'accompagne d'une diminution d'expression du NIS : la dédifférenciation est plus importante en cas de mutation activatrice de l'oncogène BRAF (mutation BRAF V600E), conduisant à une plus grande activation de la voie MAPK, par rapport aux mutations activatrices de l'un des 3 oncogènes RAS (H-Ras, N-Ras ou K-Ras). Ces données justifient de mieux comprendre les mécanismes de la perte d'expression du NIS dans ces cancers afin de pouvoir développer des traitements permettant la réexpression de ce symporteur dans un but de retraitement à l'iode radioactif de cancers qui seraient devenus réfractaires.

Nouveaux acteurs de la régulation du symporteur NIS

Lors du congrès de l'ETA 2 017, McCabe a présenté les données récentes permettant de mieux caractériser les nouveaux acteurs de la régulation du trafic intracellulaire du NIS. En cherchant à identifier les différentes protéines partenaires du symporteur NIS, son équipe a mis en évidence le rôle du facteur PBF (Pituitary tumour transforming gene Binding Factor), proto-oncogène surexprimé dans environ 70 % des cancers thyroïdiens, associé à la migration, l'invasion cellulaire et donc à un plus mauvais pronostic. Le facteur PBF est capable de se lier au symporteur NIS, de modifier son adressage à la membrane et ainsi de réprimer son activité (33).

Inversement, une autre protéine, ARF4 (ADP-ribosylation factor 4) est capable de se lier au NIS. Elle intervient dans le trafic intracellulaire des vésicules. Elle permet l'adressage membranaire du NIS, conduisant à une augmentation de la captation de l'iode.

Ces travaux permettent d'envisager en complément du niveau d'expression de la protéine NIS, un meilleur adressage à la membrane du NIS pour faciliter la captation de l'iode, à nouveau dans une perspective thérapeutique.

Stress oxydatif et sous-expression de NIS : rôle de NOX4 

C. Dupuy a rapporté les données récentes de ses recherches sur le rôle du stress oxydatif et plus spécifiquement de la protéine NOX4 dans la régulation négative de l'expression du NIS (34, 35). NOX4 est une des NADPH oxydases thyroïdiennes permettant la production de H2O2, elle est de localisation périnucléaire. NOX4 est surexprimée dans les cancers papillaires de la thyroïde, à la fois au niveau de l'ARN messager mais également de la protéine (immunohistochimie). Les travaux de son équipe ont permis de mettre en évidence le rôle clé de l'activation de la voie des MAPK (activée par BRAF V600E) laquelle stimule à son tour la voie du TGF-β, qui par l'intermédiaire de SMAD3 donne cette surexpression de la NOX4, à l'origine de la production d'espèces réactives de l'oxygène. Ces dernières, par un mécanisme restant à préciser, vont diminuer l'expression du NIS. Ces données ont une implication thérapeutique car il a été montré in vitro que l'inactivation de NOX4 entraîne une réexpression du NIS. Le développement en cours d'inhibiteurs pharmacologiques de NOX4 représente une perspective de redifférenciation des cancers réfractaires.

Implication de l'oncogène ALK

Parmi les anomalies moléculaires décrites de façon récente, des anomalies de l'oncogène ALK (Anaplastic Lymphoma Kinase) semblent impliquées dans certains cancers humains. Plusieurs travaux récents de séquençage suggèrent son rôle dans des formes agressives de cancers thyroïdiens (cancers peu différenciés ou anaplasiques) soit par des mutations ponctuelles activatrices, soit par des réarrangements chromosomiques (36-41). Lors du congrès de l'ETA 2017, une équipe a rapporté un travail de caractérisation d'un modèle de souris transgénique exprimant une forme mutée de ALK (ALK F1174L) sous le contrôle du promoteur de la thyro­globuline et de manière inductible par le tamoxifène. Les souris développent des tumeurs thyroïdiennes agressives comparables aux cancers peu différenciés décrits chez l'homme. Ces tumeurs présentent une invasion locale, des métastases pulmonaires, et sous-expri­ment le facteur de transcription TTF-1. Ce modèle de souris transgénique doit permettre d'effectuer des essais précliniques avec différents inhibiteurs de ALK.

Mutations BRAF et TERT : discordance entre tumeur primitive et métastases

Une équipe espagnole a rapporté pendant le congrès de l'ETA 2017 les résultats d'un travail de séquençage visant à comparer la concordance entre tumeur primitive et métastases ganglionnaires ou métastases à distance, pour les mutations de l'oncogène BRAF et du promoteur du gène codant pour la télomérase (TERT). La première partie de leurs travaux a été publiée dans le Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism (42). Dans une série incluant quelque 200 cancers papillaires, la fréquence des mutations de BRAF était de 42 %. Elle était de 12 % pour les mutations de TERT. Pour les mutations de BRAF, ce taux est similaire dans les métastases ganglionnaires (38,5 %) mais plus faible pour les localisations à distance (25 %). Inversement, pour les mutations de TERT, il existe un enrichissement du taux de mutations dans les métastases à distance (37,5 %), le taux de mutations au niveau ganglionnaire étant de 7,5 %.

Les auteurs ont ensuite étudié la possibilité que ces données soient influencées par le moment où la méta­stase est diagnostiquée, en définissant deux types de situations : les métastases synchrones (diagnostic dans l'année qui suit la prise en charge du cancer) et les métastases métachrones (diagnostic plus de 1 an après la prise en charge initiale). De manière surprenante, il semblerait exister un taux plus faible de mutations de BRAF dans les métastases métachrones par rapport à la tumeur primitive, avec un taux de mutations de TERT inversement enrichi dans ce même type de méta­stases. Cela pourrait suggérer que les mutations de BRAF prédisposent aux métastases synchrones, notamment ganglionnaires, et qu'inversement les mutations de TERT favorisent les mutations métachrones et à distance (phénomène de tumor dormancy décrit par les Anglo-Saxons).

Dans une optique thérapeutique, ces données, qui nécessitent d'être confirmées par d'autres travaux, permettent de s'interroger sur l'intérêt ou la nécessité de ne pas se contenter de l'étude de la tumeur primitive pour décider du choix d'une éventuelle thérapie ciblée.

Les recommandations de prise en charge des cancers différenciés de la thyroïde publiées en 2016 par l'ATA (43) ont été largement commentées. Il est intéres­sant de noter, comme l'ont souligné les professeurs M.G. Castagna et M. Luster lors d'une session “Meet the Expert“, que seules 4 % des recommandations sont assorties d'un niveau de preuve élevé, les autres reposant sur des niveaux de preuve modéré (43 %) ou faible (47 %). Dans 6 % des cas, l'insuffisance de niveau de preuve a conduit les experts de l'ATA à s'abstenir de recommandations. Dans cette version actualisée des recommandations de l'ATA, la stadification du niveau de risque de récidive selon les caractéristiques anatomo­pathologiques initiales s'est enrichie, avec une prise en compte plus détaillée du type d'envahissement ganglionnaire (nombre de ganglions atteints, taille du plus gros ganglion envahi, présence ou non d'une rupture capsulaire), mais aussi du statut moléculaire (présence ou non d'une mutation de BRAF ou du promoteur de TERT). Ces recommandations réduisent les situations d'indication systématique à totalisation isotopique après thyroïdectomie totale, qui reste aujourd'hui réservées aux seuls patients à risque élevé de récidive. Pour les patients à risque de récidive faible, l'iode 131 n'est pas recommandé en routine. Enfin, l'indication de totalisation isotopique doit être discutée pour les patients à risque intermédiaire de rechute. Il serait donc pertinent de disposer d'outils permettant de sélectionner, parmi les patients présentant un risque intermédiaire de rechute, ceux pouvant bénéficier, au sens propre du terme, d'un traitement complémentaire à l'iode 131. L'étude de A. Matrone et al. (44) rapportée dans la session “Meet the Expert“ animée par les professeurs M.G. Castagna et M. Luster suggère que l'association d'une échographie cervicale et d'un dosage de thyroglobuline postopératoires pourrait aider à cette sélection. Les données sont extraites d'une série incluant 505 patients à risque faible ou intermédiaire de récidive, soumis à une échographie cervicale et un dosage de thyro­globuline ultrasensible 3 à 4 mois après thyroïdectomie totale. Tous ont reçu un traitement complémentaire par l'iode 131. Un seul des 150 patients dont la thyro­globuline post­opératoire était indétectable présentait une atteinte ganglionnaire, mise en évidence par l'échographie postopératoire. Vingt-six des 355 patients dont la thyroglobuline post­opératoire était dosable (supérieure à 0,1 µg/l) présentaient une atteinte ganglionnaire (n = 19, soit 5,3 % de ce groupe) ou une maladie métastatique à distance (n = 7, soit 1,9 %). Ainsi, administrer systématiquement de l'iode 131 aux patients présentant une thyroglobuline dosable mais une échographie normale conduit à un surtraitement dans 93 % des cas. À l'inverse, ne pas traiter ces patients engendre un retard au diagnostic de métastase dans 1,9 % des cas. Ces données, si elles sont confirmées, pourraient conduire à moduler les indications de totalisation isotopique chez les patients à risque de récidive faible ou intermédiaire (tableau III).

Lorsqu'un traitement complémentaire à l'iode 131 est proposé pour un patient à risque de récidive faible ou intermédiaire, rappelons que les données des études ESTIMABL 1 (45) et HILO (46) ont montré une efficacité d'ablation comparable des activités réduites (1,1 GBq) ou fortes (3,7 GBq) d'iode 131, quel que soit le mode de préparation (sevrage ou TSH recombinante). Les résultats du suivi à long terme des patients de la cohorte ESTIMABL 1 présentés par le professeur M. Schlumberger confirment que la thyroglobuline postopératoire est un marqueur fiable du risque de maladie persistante après thyroïdec­tomie totale, et montrent que le risque de récidive, après un délai de suivi médian de 64 mois, est faible et indépendant des modalités d'ablation.

Le professeur F. Borson-Chazot a présenté une série ­historique de 295 patients traités entre 1971 et 2010 par simple lobectomie pour cancer différencié de la thyroïde, et suivis pendant au moins 5 ans. Ce travail confirme l'évolution favorable dans la majorité des cas, avec 13 % de récidives (39 cas), essentiellement locales ou ganglionnaires (n = 36). Ces récidives surviennent parfois tardivement, justifiant une surveillance prolongée. Soulignons également la fréquence des récidives nodulaires sur le lobe restant (30 % des cas), en dépit d'un traitement systématique par lévothyroxine.

Enfin, rappelons qu'une nouvelle classification des cancers différenciés de la thyroïde a été publiée durant l'été 2017 (47). L'une des modifications majeures concerne l'extension thyroïdienne, qui n'impacte plus le stade pT si elle est minime (ainsi, une tumeur de 3 cm présentant une extension extrathyroïdienne limitée aux tissus périthyroïdiens n'est plus classée pT3 mais pT2). Cependant, la méta-analyse de 14 études, regroupant plus de 22 000 patients, présentée par E. Robenshtok pendant le congrès suggère que l'extension extra­thyroïdienne, même minime, augmente le risque de récidive, particulièrement chez les patients présentant également un envahissement ganglionnaire.

Il reste donc encore des questionnements à résoudre pour parvenir à une prise en charge optimale des ­cancers thyroïdiens, même à risque de récidive faible ou intermédiaire.

L'étude de phase III SELECT (Study of E7 080 Lenvatinib in Differentiated Cancer of the Thyroid), multicentrique, randomisée, en double aveugle contre placebo, a conduit à l'autorisation de mise sur le marché du lenvatinib pour traiter les formes réfractaires de cancer de la thyroïde (48). Le lenvatinib est un inhibiteur de tyrosine kinase, oral, ciblant les 3 récepteurs du VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor), les 4 récepteurs du FGF (Fibroblast Growth Factor), le récepteur alpha du PDGF (Platelet-Derived Growth Factor), et les oncogènes RET et KIT. Dans cette étude, le bénéfice se traduisait par une augmentation de la survie sans progression avec le lenvatinib par rapport au placebo (18,3 contre 3,6 mois respectivement, avec un hazard-ratio de progression ou décès de 0,21 ; un intervalle de confiance de 99 % de 0,14 à 0,31, p < 0,001).

Dans le cadre du réseau national Tumeurs thyroïdiennes réfractaires (TUTHYREF), A. Berdelou de l'institut Gustave-Roussy a présenté lors du congrès les données françaises, en “vraie vie“, de 75 patients ayant utilisé le lenvatinib dans la période de l'autorisation temporaire d'utilisation (ATU). Ce travail a été depuis publié dans la revue Thyroid (49). Il confirme le bénéfice clinique de cette molécule, avec une survie sans progression médiane de 10 mois, donc un peu plus courte que dans l'étude de phase III. Cela est probablement lié au fait que seulement 17 (23 %) de ces 75 patients auraient pu être inclus dans l'étude SELECT. En effet, la majorité des patients de l'ATU présentaient plus de comorbidités, avaient un état général plus altéré (16 % avec un score ECOG [Eastern Cooperative Oncology Group] Performance Status ≥ 2), une maladie plus avancée et plus de traitements préalables. L'analyse du sous-groupe des 17 patients éligibles pour l'étude SELECT indique des taux de réponses approchant ceux de l'étude SELECT.

Les effets indésirables étaient fréquents (93 %), comme dans l'étude SELECT ; il s'agissait principalement d'hyper­tension artérielle, d'asthénie, d'amaigrissement, de diarrhée, et de protéinurie. A. Berdelou a rapporté le cas de 3 patients ayant présenté un pneumo­thorax, complication à laquelle, peut-être, il faudrait systématiquement penser.■


FIGURES

Références

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Liens d'interêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.

auteurs
Dr Magalie HAISSAGUERRE

Médecin, Endocrinologie et métabolismes, CHU de Bordeaux, Bordeaux, France

Contributions et liens d’intérêts
Dr Frédéric ILLOUZ

Médecin, Endocrinologie et métabolismes, CHU, Angers, France

Contributions et liens d’intérêts
Dr Claire BOURNAUD

Médecin, Endocrinologie et métabolismes, Hospices civils, Lyon, France

Contributions et liens d’intérêts
Pr Lionel GROUSSIN

Médecin, Endocrinologie et métabolismes, Hôpital Cochin, Paris, France

Contributions et liens d’intérêts
Pr Philippe CARON

Médecin, Endocrinologie et métabolismes, Hôpital Larrey / CHU Toulouse, Toulouse, France

Contributions et liens d’intérêts
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Endocrinologie
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Hormones
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