La maladie de Lyme (ou borréliose de Lyme) est secondaire à une infection à Borrelia burgdorferi, transmise par une tique (Ixodes). Cette infection peut affecter plusieurs systèmes (cutané, articulaire, cardiaque) et le système nerveux – périphérique ou central – peut être atteint dans 15 % des cas (neuroborréliose). Cette atteinte peut survenir plusieurs semaines, voire plusieurs mois après la morsure de tique, et la symptomatologie peut persister des mois ou des années [1-6]. Si les symptômes apparaissent dans les 6 premiers mois suivant l'infection, il s'agit d'une neuroborréliose précoce ; au-delà, on évoque une neuroborréliose tardive [7].
Étant donné la fréquence de l'atteinte neurologique, il est important de savoir la diagnostiquer. La neuroborréliose peut présenter divers tableaux cliniques non spécifiques, avec parfois des tableaux peu connus, et elle peut mimer de nombreuses maladies, ce qui rend le diagnostic difficile. Et ce d'autant plus que deux tiers des patients ne se rappellent pas avoir présenté un érythème ou une morsure de tique [8-10]. En outre, poser le diagnostic de neuroborréliose est important, puisqu'il s'agit d'une atteinte neurologique dont l'évolution est majoritairement favorable en cas de traitement antibiotique adapté [1]. Parallèlement, il arrive que certains patients rendent responsable la borréliose de leurs symptômes neurologiques, à tort, en découvrant, par exemple, une sérologie positive d'association fortuite. Cela peut donc compliquer la démarche diagnostique. Il est par conséquent important de savoir identifier une neuroborréliose, avec des outils diagnostiques fiables, pour ne pas tomber dans l'excès. Nous allons ainsi passer en revue les atteintes possibles en cas de neuroborréliose avec atteinte du système nerveux central et périphérique, puis faire un rapide rappel des outils diagnostiques et de la prise en charge thérapeutique.
Neuroborréliose avec atteinte du système nerveux central
L'atteinte du système nerveux central (SNC) s'explique par des lésions de la barrière hématoencéphalique (BHE), secondaires au recrutement des lymphocytes et au relargage de médiateurs inflammatoires provoqués par l'adhérence des spirochètes à la paroi des vaisseaux [11]. L'atteinte du SNC représente 2 à 4 % des neuroborrélioses avec le plus souvent une forme tardive et une atteinte médullaire [12]. L'atteinte isolée du parenchyme cérébral est rare [3]. Dans les cas de neuroborréliose précoce, on peut retrouver des myélites subaiguës, plutôt cervicales, de localisation centrale ou antérieure, d'extension longitudinale. Le diagnostic est posé par l'IRM et l'analyse du liquide cérébrospinal (LCS). L'antibiothérapie permet une résolution des symptômes (figure 1) [2, 13, 14].
L'encéphalomyélite est une des manifestations de la neuroborréliose tardive. Les symptômes peuvent associer des troubles cognitifs, une épilepsie, des troubles psychiatriques, un syndrome extrapyramidal, un syndrome pyramidal, des troubles sensitifs et moteurs, et des troubles urinaires. Il n'y a généralement pas de fièvre, ni de syndrome méningé. L'IRM peut mettre en évidence des hypersignaux symétriques aspécifiques en séquence T2 de la substance blanche, des thalami, un aspect de méningite chronique, ou une myélite [8, 10, 12, 15-17].
La méningite représente la majorité des cas de neuroborréliose avec atteinte du SNC en Amérique du Nord. Elle se caractérise par un syndrome méningé et une hyperthermie modérés. Certains patients (50 %) présentent de manière associée des troubles mnésiques et de l'humeur. L'IRM est classiquement normale. L'analyse du LCS retrouve une pléiocytose lymphocytaire avec des cellules polyclonales [10]. Il faut noter qu'une minorité (15 %) des patients ayant une pléiocytose développeront un méningisme. Les enfants, en revanche, peuvent présenter un tableau d'hypertension intracrânienne avec des troubles visuels [3].
Sur le plan vasculaire, la neuroborréliose peut provoquer une vascularite et entraîner des accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques, le plus souvent de la circulation postérieure, avec une irrégularité des vaisseaux à l'imagerie. Cette étiologie est donc à évoquer en cas d'AVC chez un sujet jeune sans facteur de risque vasculaire, vivant dans une région endémique, présentant des céphalées et des épisodes neurologiques récurrents. Des AVC hémorragiques et des hémorragies sous-arachnoïdiennes ont également été décrits [18-20].
Les atteintes ophtalmologiques sont rares. Il est rapporté dans la littérature des cas de névrite optique rétrobulbaire, de papillite et de rétinite. Chez l'enfant, on peut retrouver un œdème papillaire secondaire à l'hypertension intracrânienne et à la méningite [14, 21].
Enfin, il reste à mentionner le controversé “syndrome post-lyme”. Par définition, ce syndrome nécessite qu'une borréliose ait été documentée et traitée, sans signe de réinfection (post-treatment Lyme disease syndrome (PTLDS)). Les symptômes apparaissent dans les 6 mois suivant l'infection et persistent au moins 6 mois. Les symptômes, subjectifs, associent fatigue, troubles de la mémoire, douleurs musculosquelettiques, radiculalgies, paresthésies. Il n'y a pas d'intérêt à proposer une nouvelle antibiothérapie [3, 10]. Cette entité est d'autant plus controversée que certaines études ont montré que la proportion de patients qui présentent ces symptômes après l'antibiothérapie et la résolution de l'infection est la même que la proportion chez des sujets sains contrôles [3, 22].
Neuroborréliose avec atteinte du système nerveux périphérique
Le système nerveux périphérique (SNP) est impliqué dans 5 à 10 % des cas de borréliose.
L'atteinte la plus fréquente en Europe est la méningoradiculonévrite (syndrome de Bannwarth), qui survient environ 2 à 6 semaines après l'érythème migrant. Les symptômes associent une radiculalgie aiguë, souvent de territoire thoracique ou lombaire ou dans le territoire correspondant au dermatome de la morsure, avec une douleur intense, nocturne et résistante aux antalgiques habituels, mais répondant rapidement à l'antibiothérapie, et un déficit moteur avec ou sans amyotrophie. Il existe parfois des céphalées. La pléiocytose n'est pas constante, mais on retrouve classiquement une hyperprotéinorachie. Ce tableau de méningoradiculonévrite est souvent accompagné d'une paralysie faciale. L'IRM peut retrouver une prise de contraste des racines, des nerfs crâniens et de la méninge [3, 9-10, 23, 24].
Aux États-Unis, le tableau le plus fréquent est une paralysie faciale périphérique [18]. Chez l'enfant, la méningite lymphocytaire et la paralysie faciale périphérique sont les atteintes le plus souvent rapportées [12, 18]. Au vu de la fréquence de ces tableaux, une neuroborréliose est donc à évoquer en cas de méningite, de douleurs intenses et de paralysie faciale périphérique, même en l'absence de notion de morsure de tique.
Concernant les autres nerfs crâniens, il est décrit dans la littérature des atteintes des nerfs oculomoteurs, du nerf optique, du trijumeau, du vestibulocochléaire, du nerf vague et accessoire [10, 25].
Il est également rapporté des neuropathies démyélinisantes de type polyradiculonévrite aiguë ou syndrome de Guillain-Barré, résolutives sous antibiothérapie, des polyradiculonévrites chroniques [1, 24, 26], et des neuropathies motrices multifocales avec blocs de conduction [23].
Les neuropathies axonales sont le plus souvent une atteinte de neuroborréliose tardive, et sont des neuropathies chroniques sensitives, asymétriques, douloureuses ou non, associées à une atteinte cutanée chronique nommée acrodermatite chronique atrophiante. La neuropathie suit généralement les lésions cutanées, qui sont situées au niveau des extrémités. L'analyse du LCS est souvent normale. Près des deux tiers de ces atteintes cutanées seraient accompagnées d'une neuropathie [6, 18, 27, 28]. Par ailleurs, les neuropathies axonales peuvent être également subaiguës, concomitantes à des lésions cutanées érythémateuses, et sont le plus souvent asymétriques et douloureuses, sans déficit moteur. Dans ce cas, la présence d'une méningite n'est pas constante, et la réalisation d'une biopsie de nerf peut être nécessaire au diagnostic ; elle peut retrouver une infiltration lymphocytaire périvasculaire [24]. En outre, il est également rapporté des mononeuropathies, des mononeuropathies multiples avec des atteintes de type vascularite à la biopsie nerveuse et des plexopathies avec, à l'IRM, des hypersignaux des troncs nerveux (figure 2) [3, 9, 24, 29-33].
Sur le plan musculaire, de rares cas de myosite sont décrits [34, 35]. En cas de neuroborréliose, on retrouve aussi fréquemment des paralysies diaphragmatiques, isolées ou associées à une autre symptomatologie neurologique (polyradiculonévrite aiguë, par exemple, ou méningoradiculonévrite), révélées par une dyspnée ou une ascension de la coupole diaphragmatique [24, 36, 37].
Diagnostic de neuroborréliose
Une antibiothérapie adaptée étant efficace en cas de neuroborréliose, il est important de savoir établir le diagnostic, sans tomber dans l'excès. Le contexte de borréliose n'est pas toujours évocateur et les symptômes neurologiques peuvent être révélateurs (environ 50 % des patients rapportent une morsure de tique en cas de neuroborréliose) [7, 24].
La recherche d'une synthèse intrathécale d'anticorps spécifiques dans le LCS est l'examen de référence, même si la sensibilité est faible à la phase précoce, et ces anticorps peuvent persister plusieurs années [18, 23]. La présence d'anticorps dans le sérum, quant à elle, est de faible spécificité, puisqu'un grand nombre de sujets sains ont une sérologie positive et celle-ci peut rester positive pendant plusieurs années après une antibiothérapie [7]. Par ailleurs, la sérologie sanguine peut être négative dans les 3 à 6 premières semaines ou en cas d'antibiothérapie précoce [10]. Dans tous les cas, une sérologie positive en ELISA doit être confirmée en western blot [6]. Les anticorps n'étant pas protecteurs, une réinfection ultérieure est possible en cas d'exposition aux tiques [38]. Concernant l'analyse du LCS, celle-ci peut être normale en cas d'atteinte du SNP, notamment aux États-Unis, mais, en Europe, on retrouve fréquemment la synthèse intrathécale des anticorps spécifiques [3]. De plus, des études récentes ont rapporté l'intérêt du dosage de la chimiokine CXCL13, qui est élevée dans le LCS en cas de neuroborréliose précoce, avec une excellente sensibilité et avec une normalisation quelques mois après le traitement. Ce dosage pourrait donc être utile dans les phases précoces de la maladie. Cependant, la réalisation de ce test n'est pas encore recommandée en routine, et cette chimiokine peut être augmentée dans d'autres pathologies (tuberculose, syphilis, lymphome du SNC) [7, 12, 18].
D'après les recommandations européennes, on utilise le terme de “neuroborréliose définie” s'il existe des symptômes neurologiques (en ayant exclu les autres étiologies), une pléiocytose et une production intrathécale d'anticorps spécifiques dans le LCS. Si 2 critères sur 3 sont remplis, on parle de “neuroborréliose possible”. La production intrathécale d'anticorps spécifiques doit être retrouvée à 6 semaines du début de la symptomatologie.
En cas de polyneuropathie avec neuroborréliose tardive, les critères sont les suivants : présenter une neuropathie, avoir un diagnostic clinique d'acrodermatite chronique atrophiante, et des anticorps spécifiques dans le sérum [4, 7, 8].
En cas de paralysie faciale, dans une région endémique ou en cas d'arthralgies associées ou de morsures de tique, la ponction lombaire n'est pas systématiquement réalisée et peut être normale [10]. En France, chez l'enfant, en cas de paralysie faciale isolée, la sérologie sanguine sera effectuée en 1re intention et, si celle-ci est positive, la ponction lombaire sera réalisée à la recherche d'une méningite. Si la sérologie initiale est négative, elle sera recontrôlée 3 semaines plus tard, et la ponction lombaire sera effectuée en cas de séroconversion [38].
Traitement de la neuroborréliose
Dans la majorité des cas, la neuroborréliose précoce est résolutive, même en l'absence d'antibiothérapie, mais le traitement accélèrerait la guérison et éviterait une neuroborréliose tardive [18].
Les 2 antibiotiques de choix chez les patients adultes sont les céphalosporines de 3e génération par voie intraveineuse (C3G) et la doxycycline per os. Leur efficacité serait équivalente pour les neuroborrélioses avec atteinte du SNP ou des méninges, et les C3G sont préférés pour les cas d'encéphalopathie ou de myélopathie. Les avantages de la doxycycline sont la possibilité de prise per os et le faible coût [21, 39]. En cas de vascularite, certains introduisent également une corticothérapie et une antiagrégation plaquettaire [40].
En France, la Haute Autorité de santé recommande, en cas de neuroborréliose précoce, un traitement par ceftriaxone par voie parentérale (2 g/j chez l'adulte, 100 mg/kg/j chez l'enfant sans dépasser 2 g/j) ou un traitement oral par doxycycline (200 mg/j chez l'adulte, 4 mg/kg/j chez l'enfant sans dépasser 200 mg/j), pendant 21 jours. Chez l'enfant, en cas de paralysie faciale isolée sans méningite, une thérapie par amoxicilline per os (100 mg/kg/j répartis en 3 prises) peut être proposée pendant 21 jours [38]. En cas de neuroborréliose tardive, la thérapeutique de choix est la ceftriaxone pendant 28 jours. La doxycycline peut être utilisée en alternative pendant 28 jours également, de même que la pénicilline G intraveineuse (24 MUI/j) [38]. Certaines équipes européennes traitent par antibiothérapie durant 14 jours en cas de neuroborréliose précoce, et entre 14 et 21 jours pour les formes tardives [12, 18, 40].
Conclusion
La neuroborréliose se manifeste par des symptômes variés d'atteinte du SNP ou du SNC, qui peuvent être révélateurs de l'infection, et cette pathologie peut être relativement fréquente dans les régions endémiques (tableau). Il est important de diagnostiquer rapidement cette maladie, avec l'aide de l'analyse du LCS, pour traiter le plus précocement possible par une antibiothérapie efficace, qui permettra une résolution rapide de la symptomatologie.■



