Editorial

L'ophtalmologie appliquée à l'enfant


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Qu'est-ce qui fait de l'ophtalmologie pédiatrique une passionnante sur-­spécialisation en ophtalmologie ? Elle présente de façon concrète des spécificités diagnostiques et thérapeutiques. La diversité des pathologies ne peut pas laisser indifférent quand nous y portons notre intérêt. Chez l'enfant, plusieurs points rendent l'exercice de l'ophtalmo­logiste plus difficile. L'examen de l'enfant est plus complexe car la non-­compliance, ­combinée à ­l'inconfort pour l'enfant, est souvent source d'agitation. De plus, certaines affections sévères rares nécessitent d'être reconnues et prises en charge de façon adaptée selon le diagnostic, mais aussi sur le plan du développement. L'œil de ­l'enfant ­présente des spécificités embryologiques, anatomiques, histologiques, réfractives, physiologiques et immunologiques évidentes. Il faut tenir compte des éventuelles anomalies systémiques pédiatriques associées. La pathologie oculaire de l'enfant est fréquente. Les rapports de l'Anaes et de l'Inserm estiment à 20 % la proportion d'enfants âgés de moins de 6 ans présentant un trouble de la fonction visuelle. En effet, l'amblyopie et le strabisme touchent respectivement 3 à 5 % des enfants selon les prévalences estimées. Parmi les enfants strabiques, 60 % présentent une amblyopie fonctionnelle. Ces deux pathologies nécessitent un dépistage précoce par un ophtalmologiste formé à l'examen de l'enfant pour éviter la perte visuelle fonctionnelle totale. Par ailleurs, certaines pathologies ­oculaires rares, tels les cataractes congénitales ou les glaucomes congénitaux, qui font partie des ­malformations du segment antérieur de l'œil, requièrent une chirurgie et une prise en charge spécialisée de la rééducation visuelle.

Une attention particulière doit être portée à la prématurité, qui concerne aujourd'hui 5 % des naissances en France (soit 40 000 enfants sur les 800 000 naissances annuelles) et est responsable d'anomalies oculaires. Ainsi, la rétinopathie des ­prématurés est à rechercher systématiquement chez ces enfants afin qu'un traitement puisse être mis en place rapidement. L'ophtalmologiste qui examine un enfant prématuré doit également avoir à l'esprit que les anomalies réfractives, les anisométropies, les strabismes ou les amblyopies sont 10 fois plus fréquents que dans la population générale. Ces spécificités et le nombre de sujets concernés (38 500 amblyopies et 30 000 strabismes, dont 4 à 8 000 chez des ­prématurés par classe d'âge) sont à l'origine dans notre pays d'un véritable problème de santé publique qui nécessite un dépistage organisé. Les diagnostics et traitements tardifs aggravent le handicap visuel de ces futurs adultes, qui présenteront des difficultés d'insertion professionnelle. Certaines pathologies pédiatriques sont des signes d'appel pour le diagnostic de maladies génétiques, et les ophtalmologistes qui ­participent au dépistage doivent être capables également d'expliquer à leurs jeunes patients et à leurs parents l'intérêt d'une éventuelle enquête familiale. Aujourd'hui, la troisième vague de labellisation des centres de maladies rares a été publiée par le ministère de la Santé. Ces centres sont destinés à prendre en charge et à orienter les jeunes patients atteints de maladies oculaires rares. Ils sont répartis sur tout le territoire français, y compris les départements d'outre-mer.

La pathologie ophtalmologique pédiatrique est une entité à part qui nécessite un ­diagnostic, des explorations fonctionnelles et un traitement spécifiques. La prise en charge de ­l'enfant doit s'inscrire dans le contexte familial et pédiatrique pour évaluer la pathologie oculaire et éventuellement systémique associée. Ce dossier d'Images en ­Ophtalmologie est destiné à apporter à tous des cas cliniques plus ou moins fréquents afin de mieux comprendre le raisonnement en pathologie oculaire de l'enfant.