Inflammation, cytokines, anticytokines et tissu osseux
Les maladies inflammatoires chroniques, articulaires, digestives, bronchopulmonaires, etc., sont associées à une augmentation du risque d'ostéoporose et de fractures. Au cours de la polyarthrite rhumatoïde, le risque d'ostéoporose est multiplié par 2, et le risque de fracture est de 1,5 à 2,5, le risque le plus élevé touchant les vertèbres et le bassin. Peu de données concernent le rhumatisme psoriasique, dont les mécanismes d'inflammation sont comparables à ceux de la polyarthrite rhumatoïde, mais qui est associé à un phénotype différent (obésité) ; une étude récente suggère une augmentation du risque de fracture vertébrale, mais non de celui de fracture de hanche. Il est établi dans la littérature une augmentation du risque de fracture vertébrale, sans augmentation du risque de fracture périphérique, au cours des spondyloarthrites. Dans les études transversales, qui suggèrent une prévalence de fracture vertébrale atteignant 30 % dans des populations âgées de 40 à 50 ans, on constate que les fractures décrites surviennent essentiellement au rachis thoracique médian et correspondent le plus souvent à des déformations modérées. La spondylarthrite axiale peut elle-même être responsable de déformations des corps vertébraux en raison des phénomènes inflammatoires sur les enthèses, les disques, etc. Dans la cohorte française prospective de patients avec une spondyloarthrite débutante (DESIR), l'analyse des radiographies réalisées à la visite initiale et 5 ans plus tard, prenant soin de bien distinguer les déformations et les fractures, montre une prévalence et une incidence en réalité très faibles. Cela peut aussi être lié à des modifications de l'épidémiologie de la maladie ou à des modifications de stratégie thérapeutique. Ainsi, le risque osseux peut être directement lié à l'inflammation persistante. La prévalence de la densité osseuse basse dans cette même cohorte DESIR est de 13 %, et le principal déterminant de ce résultat au rachis et à la hanche est la présence d'œdèmes osseux, témoins de l'inflammation du rachis lombaire à l'IRM.
Sur le plan biologique, les voies Th1 et Th17 sont des déterminants de l'ostéoclastogenèse ; à l'inverse, les T régulateurs et la manipulation du CTLA-4 peuvent inhiber la résorption osseuse. Récemment, l'attention a été portée sur le rôle des ACPA : ces anticorps peuvent se fixer sur la vimentine citrullinée de la paroi des ostéoclastes. Cliniquement, des études de taille limitée ont suggéré que les patients ayant ces anticorps, avant même l'apparition de la polyarthrite, ont des altérations osseuses (1).
On peut penser que le contrôle de l'inflammation permet une prévention optimale du risque osseux. Dans la spondylarthrite axiale, situation dans laquelle, le plus souvent, la ménopause et les corticoïdes ne sont pas des facteurs confondants, il est montré que l'usage des anti-TNF induit une diminution importante des paramètres biologiques de la résorption osseuse et une augmentation significative de la densité osseuse, avec des résultats comparables à ceux obtenus avec un traitement antiostéoporotique. Au cours de la polyarthrite rhumatoïde, les anti-TNF ont un effet antirésorbeur évalué par les marqueurs biologiques, et les études prospectives ouvertes montrent l'absence de perte osseuse. Cette absence constatée de manière prospective vient même remettre en question l'hypothèse de l'effet délétère des corticoïdes : la seule méta-analyse comparant l'effet osseux chez des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde traités par corticothérapie versus placebo, quel que soit le traitement de fond associé, montre l'absence de toxicité osseuse (2).
Malgré ces données très rassurantes sur l'évolution de la densité osseuse, il n'y a pas de preuve, aujourd'hui, d'un effet antifracturaire des biothérapies efficaces dans la polyarthrite rhumatoïde. Les données dont on dispose sont issues de bases administratives rétrospectives et comparent différents traitements, sans connaître la comparabilité des différents groupes.
En pratique, le risque osseux doit donc systématiquement être évalué dans les maladies inflammatoires chroniques. Le contrôle complet de l'inflammation est ainsi l'objectif, non seulement pour la maladie articulaire, mais aussi pour son retentissement osseux. L'absence de preuve d'effet antifracturaire justifie pour l'instant la poursuite de l'application des recommandations habituelles de prévention de l'ostéoporose ménopausique et cortisonique.■
Références
1. Walsh MC et al. Updating osteoimmunology: regulation of bone cells by innate and adaptive immunity. Nat Rev Rheumatol 2018;14:146-56.
2. Briot K et al. Inflammatory diseases and bone fragility. Osteoporos Int 2017;28:
3301-14.
Liens d'interêts
C. Roux déclare avoir des liens d’intérêts avec Alexion, Amgen, Kyowa Kirin, UCB.
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