Mise au point

Traitement de la fracture vertébrale ostéoporotique par vertébroplastie : quand et pour qui ?

Mis en ligne le 27/11/2017

Mis à jour le 29/11/2017

Auteurs : G. Coiffier, P.J. Le Reste

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  • La vertébroplastie est un traitement symptomatique antalgique de la fracture vertébrale ostéoporotique.
  • C'est une procédure interventionnelle qui se déroule en salle d'imagerie interventionnelle ou au bloc opératoire, sous anesthésie local ou, parfois, générale.
  • La mise en place d'un traitement antiostéoporotique est indispensable pour diminuer le risque de fracture vertébrale adjacente.
  • Les indications de la vertébroplastie sont, premièrement, la fracture vertébrale de moins de 4 semaines hyperalgique responsable de complications aux opiacés ou de décubitus, en particulier chez le sujet âgé, et, deuxièmement, la fracture vertébrale douloureuse évoluant depuis plus de 3 mois avec des signes radiographiques de pseudarthrose.

Fracture vertébrale et vertébroplastie

La fracture vertébrale est la fracture ostéoporotique par excellence, véritable témoin de l'altération de la microarchitecture spongieuse survenant le plus souvent sans aucun traumatisme ni chute. Sa présentation clinique est extrêmement polymorphe (1) : soit la fracture est parfaitement asymptomatique et n'est dépistée qu'à l'occasion d'un examen radiographique systématique ou devant la constatation d'une perte de taille de l'individu (près de 50%), soit elle se manifeste par une lombalgie aiguë rapidement résolutive ne justifiant pas de bilan radiographique et attribuée, à tort, à un lumbago (environ un tiers des cas). Finalement, le syndrome fracturaire hyperalgique avec impotence fonctionnelle conduisant le patient à consulter aux urgences est relativement rare (10 à 15 % des cas).

Pour autant, la fracture vertébrale est une fracture ostéoporotique sévère, qui augmente le risque de décès et le risque de nouvelle fracture (vertébrale ou périphérique) dans les 10 ans, qu'elle soit symptomatique ou non (2). Elle impose donc un bilan, à la recherche d'une cause d'ostéopathie fragi­lisante, et l'instauration d'un traitement anti­ostéo­porotique.

La vertébroplastie est une technique inter­vention­nelle, chirurgicale ou radio-interventionnelle, consistant en l'injection de ciment composé de polyméthacrylate de méthyle (PMMA) par voie transpédiculaire au sein du corps vertébral fracturé, sous contrôle scopique (figures 1, 2 et 3), sous anesthésie locale ou générale, sans objectif d'expansion pour rétablir la hauteur vertébrale (contrairement à la kyphoplastie). Elle a initialement été réalisée en 1984, dans le traitement d'angiomes vertébraux agressifs, puis, pour la première fois dans la fracture vertébrale ostéoporotique, en 1989. Il s'agit d'un geste de courte durée (< 30 mn), mini-­invasif sur le plan cutané, avec seulement 2 points de ponction. Le PMMA acquérant sa solidité définitive en quelques dizaines de minutes, la reverticalisation peut être très rapide.

L'objectif de la vertébroplastie est d'obtenir une réduction rapide et durable de la douleur ­permettant d'améliorer rapidement l'état fonctionnel du patient. Elle constitue donc une thérapeutique antalgique d'une fracture vertébrale hyperalgique conduisant à l'hospitalisation.

Cette technique possède des atouts incontestables pour permettre la reverticalisation et éviter les complications chez les patients âgés alités, ainsi que pour limiter l'iatrogénie liée à la consommation de morphiniques.

Elle peut également entraîner des complications, principalement en cas de fuite extracorporéale du ciment : dans un plexus veineux (exceptionnel, mais potentiellement mortel par embolie pulmonaire de ciment), dans l'espace épidural (compression neurologique, exceptionnelle dans la fracture ostéoporotique du fait du respect de l'intégrité du mur postérieur) ou dans l'espace intervertébral discal (augmentation du risque de fracture vertébrale adjacente).

Controverse dans la littérature sur la réalisation de la vertébroplastie dans la fracture vertébrale ostéoporotique

Depuis 2007, 8 essais randomisés comparant la vertébroplastie à l'absence d'intervention ont été réalisés ­(3-10). Tous les patients inclus avaient une fracture vertébrale avec un œdème osseux ­corporéal en IRM en séquence STIR. Ils recevaient un traitement antiostéoporotique, le plus souvent par bisphosphonates. Le double aveugle était dans certaines études respecté : dans le bras non interventionnel, une véritable simulation de vertébroplastie était effectuée, les patients étaient conduits au bloc, en décubitus ventral, et une anesthésie locale était effectuée jusqu'au massif articulaire postérieur, accompagnée d'une odeur de ciment dans la salle et d'un bruit imitant l'abord par voie transpédi­culaire ­(4, 5, 10). Les examinateurs recueillant les scores sur l'échelle visuelle analogique (EVA) et ­l'indice de qualité de vie étaient bien sûr en aveugle de ces procédures.

Sur le critère principal (EVA) à 3 mois, 3 essais sont positifs et 5 sont négatifs.

Les résultats négatifs peuvent facilement s'expliquer par un problème méthodologique surprenant : leur manque de puissance ­(3-6, 9). En effet, le nombre de sujets nécessaires pour atteindre une significativité statistique permettant de satisfaire l'objectif principal a été calculé dans toutes les études, sauf la première, randomisée (VERTOS-I) [3], mais elles n'ont pas respecté le chiffre obtenu, de sorte que la puissance nécessaire pour conclure sur ­l'absence de bénéfice de la vertébroplastie n'a pu être obtenue (tableau I).

Les 3 études positives ­(7, 8, 10) ont en revanche réussi à inclure le nombre de sujets nécessaire ­préétabli et ont conclu à la supériorité de la vertébro­plastie sur le traitement conventionnel concernant la réduction de l'EVA à 1 et 3 mois. Toutefois, les populations étudiées étaient différentes. L'étude VERTOS-II (7) a comparé 202 patients ayant une fracture vertébrale ostéoporotique, 101 traités par vertébroplastie et 101 de façon conventionnelle. Ces patients, dont 69 % étaient des femmes, âgés en moyenne de 75 ans, avec un T-score moyen à − 3,0 DS, présentaient une fracture vertébrale récente (4 semaines en moyenne) et hyper­algique (EVA moyenne à 7,8/10 ; 20 % de traitement morphinique). Dans cette étude, l'EVA moyenne était réduite en dessous de 3/10 à 1 mois, et cette baisse se maintenait dans le temps jusqu'à 1 an dans le groupe interventionnel, tandis qu'elle diminuait significativement moins (­5/10 à 1 mois et ­4/10 à partir de 3 mois) dans le groupe conservateur. Il est ­néanmoins difficile d'évaluer la pertinence clinique sur des moyennes d'EVA avec une différence faible de 1 point.

L'étude VAPOUR (10) est plus parlante pour le clinicien, puisque son objectif principal était le pourcentage de patients avec une échelle numérique (EN) de la douleur inférieure à 4/10. Soixante patients présentant une fracture vertébrale récente (< 3 semaines dans 80 % des cas) et hyperalgique (EN moyenne ­8,6/­10) ont été inclus dans chaque groupe, dont environ 75 % de femmes ; l'âge moyen était de 80 ans, et le T-score moyen, de − 4,1 DS au rachis et − 2,2 au col fémoral. À 2 semaines, 44 % des patients ayant eu une vertébroplastie avaient une EN inférieure à ­4/10, contre 20 % dans le groupe conservateur (p < 0,01). À 1 mois, ce chiffre passait à 52 % dans le premier groupe, tandis qu'il ne variait pas dans le second (p < 0,01). À 3 mois, plus de 50 % des patients avaient une EN inférieure à 4/10 dans le groupe vertébroplastie, et une amélioration était notée dans le groupe conservateur, où ce chiffre atteignait 33 % (p < 0,03).

La dernière étude positive (8) a inclus une population radicalement différente, constituée de sujets ayant une fracture vertébrale de plus de 4 mois avec persistance d'un œdème osseux témoin d'une ­pseudarthrose vertébrale (non-­consolidation) ­hyperalgique (EVA moyenne à ­8/10). Chaque bras comptait 40 patients, d'une moyenne d'âge de 75 ans.

Y a-t-il un surrisque de fracture des vertèbres adjacentes après la réalisation d'une vertébroplastie dans l'ostéoporose ?

Plusieurs séries dans la littérature rapportent une augmentation du risque de survenue d'une fracture vertébrale adjacente dans les semaines suivant la réalisation d'une vertébro­plastie (11, 12). Toutefois, ces patients n'étaient pas traités pour leur ostéoporose. Or, dans chaque étude randomisée, l'incidence des nouvelles fractures vertébrales n'était pas différente dans le groupe vertébroplastie et dans le groupe conservateur, mais tous les patients ­prenaient un traitement antiostéoporotique. Une courte série semble suggérer que le tériparatide serait plus efficace que les bisphosphonates, avec significativement moins de nouvelles fractures, ce qui pourrait s'expliquer par le fait que le bénéfice antifracturaire vertébral est presque immédiat avec un traitement anabolisant osseux, tandis qu'il est décalé (d'environ 6 mois) avec un ­bisphosphonate (13).

Indépendamment de l'absence de traitement anti­ostéo­porotique, une fuite de ciment en position intervertébrale discale a été reconnue comme facteur de risque (14).

Indication de la vertébroplastie pour le traitement de la fracture vertébrale ostéoporotique (tableau II)

Dans la littérature, les études positives concernent 2 populations : d'une part, les patients présentant une fracture vertébrale récente hyperalgique (7, 10) ; d'autre part, les patients ayant une pseudarthrose vertébrale douloureuse (8). Il faut prendre en compte, dans ces populations, l'évolution du groupe non interventionnel, qui était très différente dans les 2 études. En effet, dans l'étude de Farrokhi et al. (8), l'état de ce groupe s'améliorait peu au cours du temps (EVA moyenne passant de 7/10 à l'inclusion à 6/10 à 3 mois) en cas de ­pseudarthrose vertébrale, contrairement à celui du groupe vertébro­plastie, constituant une indication de choix.

En cas de fracture vertébrale récente hyperalgique, les choses sont plus complexes. Dans les études ­VERTOS-II (15) et III (16), l'évolution naturelle (groupe “traitement conservateur”) montrait le passage d'une EVA moyenne de ­7/10 à l'inclusion après 3 mois. Toutefois, si l'on examine attentivement l'évolution de chaque fracture (15), 2 groupes se dégagent : l'un comptant 38 sujets dont l'évolution naturelle était rapidement favorable (EVA < ­3/10 à 3 mois), et l'autre comptant 44 sujets dont l'évolution était peu favorable (EVA > ­5,5/10 à 3 mois). Il serait donc important pour le clinicien d'identifier les facteurs de risque d'une telle évolution, afin de mieux poser l'indication d'une vertébro­plastie. Cette étude n'avait pas permis d'identifier ces facteurs, en raison de son faible effectif.

Une cohorte prospective monocentrique ­suédoise (17) de 107 fractures vertébrales ostéoporotiques (67 % de femmes ; âge moyen : 75 ans) a identifié 3 facteurs de risque en fonction de ­l'atteinte fracturaire initiale : la réduction de la douleur est significativement plus importante en cas de fracture lombaire, de faible déformation (grade 1 de la classification de Genant versus grades 2 et 3) ou de “crush fracture” (fracture vertébrale “en galette”).

Avant d'envisager une vertébroplastie, une évaluation par IRM est nécessaire pour confirmer, en constatant en séquence STIR la présence d'un œdème corporéal, que la douleur est due au processus fracturaire. L'évaluation ne doit pas se limiter à cet ­œdème-là et doit également rechercher la présence d'un œdème en regard de l'arc postérieur (articulaires postérieures, lames et épineuses) [18]. Lors d'une fracture cunéiforme antérieure de la charnière thoraco­lombaire, un traumatisme en distraction du segment mobile rachidien postérieur est souvent associé et peut participer à la symptomatologie douloureuse. Il représente donc un facteur de risque de moindre efficacité de la vertébroplastie, dont le but n'est pas de restaurer la hauteur vertébrale et qui n'aura donc pas d'effet sur les conséquences de l'atteinte ligamentaire postérieure impliquée dans la symptomatologie douloureuse.

Enfin, il faut considérer l'état général du patient et le risque de complications engendrées par une immobi­lisation et son risque iatrogénique aux opiacés qui pourrait faire indiquer la réalisation d'une vertébro­plastie pour diminuer rapidement le niveau de douleur et l'immobilisation.

Conclusion

La grande majorité des fractures vertébrales ostéoporotiques ne nécessitent pas une vertébroplastie, notamment toutes celles qui n'entraînent pas de douleurs invalidantes.

Une des indications incontestables, bien que rare, de la vertébroplastie est la pseudarthrose vertébrale, qui peut compliquer une fracture vertébrale ostéoporotique (entité encore trop rarement connue du rhumatologue).

La vertébroplastie constitue une thérapeutique certainement très intéressante lors d'une fracture vertébrale hyperalgique conduisant au recours aux opiacés et à une hospitalisation en cas de facteurs de risque de mauvaise évolution, lesquels restent cependant à mieux définir.

Enfin, il ne faut pas oublier d'associer un traitement de l'ostéoporose, car la fracture vertébrale est une fracture ostéoporotique sévère. De plus, ­l'absence de traitement anti-ostéoporotique augmente le risque de fracture vertébrale adjacente à la vertébro­plastie.■


FIGURES

Références

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Liens d'interêts

G. Coiffier et P.J. Le Reste déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

auteurs
Dr Guillaume COIFFIER

Médecin, Rhumatologie, Centre hospitalier de Dinan, Dinan, France

Contributions et liens d’intérêts
Dr Pierre-Jean LE RESTE

Médecin, Neurochirurgie, CHU, Rennes, France

Contributions et liens d’intérêts
centre(s) d’intérêt
Rhumatologie
thématique(s)
Ostéoporose
Mots-clés