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Hypoplasie labiale unilatérale congénitale


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P. Pascal sollicite l'avis de ses confrères à propos d'un nourrisson de 8 mois dont la lèvre inférieure présente une déviation vers le bas à droite lors des pleurs (figure). Cet enfant n'a pas d'antécédents particuliers. Le reste de l'examen clinique est normal.

Pour C. Salinier, qui a déjà vu 2 ou 3 cas similaires, il s'agit d'une agénésie partielle du triangulaire de la lèvre. Si cette anomalie est bien congénitale et non acquise et que l'examen neurologique est strictement normal, elle conseille une simple surveillance clinique et ultérieurement une éventuelle rééducation orthophonique ou des séances de kinésithérapie auprès d'un praticien spécialisé dans les praxies buccales. C. Copin précise qu'il convient de vérifier l'absence de cardiopathie associée.

L'avis du généticien

R. Dard, généticien médical au centre hospitalier de Poissy, interrogé par Médecine & enfance sur ce cas clinique, estime qu'un bilan génétique est nécessaire devant un tableau d'hypoplasie du muscle de la lèvre tel que celui de ce nourrisson, car il peut être associé à une microdélétion 22q11. La del22 est l'anomalie microdélétionnelle la plus fréquente en population générale, explique le Dr Dard. Elle est associée à des manifestations très variées, en particulier des malformations cardiaques, des anomalies palatines et faciales, des déficits immunitaires, des difficultés d'apprentissage, etc. Mais elle peut ­aussi se présenter de manière très atypique avec une multitude de malformations “rares” pour cette anomalie. Elle est sûrement sous-estimée car il y a des porteurs pausi- ou asymptomatiques. On peut donc la retrouver dans bon nombre de pathologies sans que l'on soit certain du lien entre la symptomatologie et cette anomalie génétique.

Dans le cas de ce petit nourrisson, bien que le risque d'anomalie génétique devant ce seul signe soit faible, et d'ailleurs mal évalué dans la littérature, pourquoi faut-il néanmoins rechercher cette microdélétion ? Parce que en cas de diagnostic de microdélétion 22q11, un bilan s'impose :

  • bilan malformatif avec échographie cardiaque et rénale ;
  • recherche d'un déficit immunitaire (qui pourrait en outre contre-indiquer les vaccins vivants) ;
  • dosage de la TSH et de la calcémie en raison du risque d'hypocalcémie.

Et, bien sûr, comme toujours en génétique, l'intérêt du diagnostic est aussi familial, précise R. Dard. La recherche de l'anomalie chez les parents et dans la fratrie permet de dépister des formes pauci- ou asymptomatiques, d'évaluer le risque pour une future grossesse et, éventuellement, de proposer un dépistage prénatal.

Comment établir le diagnostic de microdélétion 22q11 ?

Le diagnostic de microdélétion 22q11 se fait par analyse chromo­somique sur puce à ADN (ACPA). Le caryotype et la FISH permettent d'éliminer cette anomalie mais ne permet­tent pas d'écarter les diagnostics différentiels. Il n'est plus recommandé de prescrire ces examens bien qu'ils soient accessibles en ville, précise R. Dard. L'ACPA requiert une prescription hospitalière. L'enfant doit donc être adressé en consultation de génétique ou de pédiatrie dans un centre hospitalier ayant accès à cet examen. Le résultat est obtenu en une dizaine de jours. Si l'ACPA est normale et que l'enfant n'a aucun autre symptôme, il n'y a pas d'indication à poursuivre les examens. Néanmoins, lorsque le délai pour le rendez-vous de dépistage génétique est un peu long, il est sans doute plus prudent de réaliser une échographie cardiaque en ville, comme l'indiquait C. Copin, ajoute le Dr Dard. S'il s'agit d'un nouveau-né ou si on a quelques inquiétudes cliniques, il ne faut pas hésiter à compléter l'analyse génétique par un bilan malformatif.

Pour en savoir plus sur l'hypoplasie labiale unilatérale congénitale et sur la microdélétion 22q11, le Dr Dard, qui reviendra dans un prochain numéro de Médecine & enfance sur quelques-uns des syndromes génétiques les plus fréquents, nous recommande 2 revues de la littérature récentes [1, 2]. ●

FIGURES

Hypoplasie labiale unilatérale congénitale - Figure

Références

1. McDonald-McGinn D et al. 22q11.2 Deletion Syndrome. Nat Rev Dis Primers 2015;1:15071.

2. Saylam E, Arya K. Congenital unilateral lower lip palsy. In: StatPearls. Treasure Island (FL): StatPearls Publishing; 2022.


Liens d'intérêt

M. Joras déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.