Editorial

De la sorcellerie à la presque thérapie génique : un conte de fées, ou presque …


(pdf / 252,56 Ko)

Si le nom d'Andersen nous transporte immédiatement vers les contes de notre enfance, celui de Dorothy Hansine Andersen est probablement moins connu, mais il le mérite probablement tout autant : un parcours brillant dans l'Amérique des années 1920 l'amène à décrire pour la première fois la mucoviscidose en tant qu'entité pathologique à part entière en 1938.

Déjà connue dans le folklore du Moyen Âge, que ce soit au nord ou au sud de l'Europe, la mucoviscidose était associée à un ensorcellement des enfants, dont le destin funeste était présagé très précocement par le goût salé des baisers portés sur leur front. La première autopsie d'une fillette chétive de 11 ans supposée ensorcelée a d'ailleurs été pratiquée aux Pays-Bas en 1595, décrivant déjà un pancréas élargi, dur et blanc. Mais il faudra attendre le début du XXe siècle pour voir les premières observations associant, chez plusieurs membres d'une même famille, des diarrhées graisseuses et des infections pulmonaires récidivantes, le plus souvent fatales. Et c'est en 1936 qu'une thèse, dirigée par Guido Fanconi, pédiatre suisse (mieux connu pour l'anémie à laquelle il a donné son nom), rapporte l'association d'une maladie cœliaque, d'une fibrose kystique du pancréas et d'une dilatation des bronches. Deux ans plus tard, à partir d'autopsies de nourrissons, Dorothy Hansine Andersen réalise la description clinique et histologique de la fibrose kystique du pancréas (dont le terme persiste en anglais : cystic fibrosis), qu'elle relie à un déficit en vitamine A. Cette pathologie sera finalement appelée “mucoviscidose”, contraction artificielle des termes “mucus” et “visqueux”. L'hypothèse physio­pathologique d'une anomalie hydroélectrolytique n'est finalement décrite qu'en 1953, suite à une aggravation de l'état de jeunes patients au cours d'un coup de chaleur dans l'État de New York, et donne naissance au test diagnostique encore en vigueur actuellement : le test de la sueur.

Malgré l'avènement des antibiotiques dans la même période, et en particulier de la pénicilline et des sulfamidés, l'espérance de vie des enfants atteints de mucoviscidose dépassait rarement 7 à 10 ans jusque dans les années 1970 : à ce titre, la mucoviscidose a longtemps été considérée comme la maladie génétique la plus létale. Mais ces 30 dernières années ont clairement changé le visage de la mucoviscidose : description physiopathologique au début des années 1980, découverte du gène responsable de la maladie en 1989, dépistage néonatal systématique, amélioration de la prise en charge (antibiotiques, insuffisance respiratoire, nutrition, etc.), meilleure organisation des soins et coordination dans des centres spécialisés, accès à la greffe et, maintenant, thérapie protéique… Autant de progrès qui ont permis d'augmenter l'espérance de vie des patients atteints de quasiment 40 ans ! Tout cela n'aurait clairement pas été possible sans les fonds levés notamment par le milieu associatif, initialement outre-Atlantique (Cystic Fibrosis Foundation), mais également en France (Vaincre la mucoviscidose et les Virades de l'espoir, Association Grégory Lemarchal, Mucoviscidose Innovation, etc.). Un bel exemple à poursuivre et à suivre…

Il nous paraissait donc important de proposer à notre lectorat un dossier thématique entièrement consacré à la mucoviscidose, pour retranscrire son nouveau visage, et ainsi permettre de mieux appréhender les situations auxquelles nous serons confrontés dorénavant avec les patients. Le Dr Sylvie Leroy, coordonnatrice du centre de ressources et de compétence de la mucoviscidose (CRCM) du CHU de Nice, vous proposera dans un premier temps un focus sur la physio­pathologie de la mucoviscidose et sur les thérapies disponibles actuellement, et en particulier la thérapie protéique. Vous découvrirez ensuite les spécificités de la prise en charge nutritionnelle, avec l'équipe du Pr Isabelle Sermet, et celles de la prise en charge du diabète de la mucoviscidose, relatées par le Dr Helen Mosnier-Pudar, 2 équipes de renommée internationale dans la prise en charge de la mucoviscidose. Ce dossier se terminera par les aspects endocrines de la mucoviscidose : la croissance, mais surtout la gestion de la puberté. Car, finalement, cet aspect est resté probablement le plus oublié dans la prise en charge, et beaucoup de données erronées ont été véhiculées. L'équipe toulousaine de Catherine Pienkowski vous proposera une mise au point exhaustive, avec à l'appui des données particulièrement récentes issues de leur CRCM.

Bonne lecture à toutes et à tous ! Et, avec l'ensemble du comité de rédaction de Correspondances en Métabolismes, Hormones, Diabètes et Nutrition, nous vous souhaitons de très belles fêtes de fin d'année.


Liens d'intérêt

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.