Pour commencer ce florilège, revenons d'abord sur un traitement utilisé de longue date : l'hydroxyurée (HU). C'est le cytoréducteur le plus largement prescrit dans les néoplasies myéloprolifératives (NMP). Une étude observationnelle en vie réelle a décrit sa toxicité cutanéomuqueuse [1]. Cette dernière était jusqu'à maintenant connue, mais probablement sous-estimée ou bien peut-être un peu négligée. L'étude a porté sur 172 patients atteints de polyglobulie de Vaquez (PV) (35 %), de thrombocytémie essentielle (TE) (35 %) ou de myélofibrose (MF) (25 %) traités par cytoréducteur. La médiane d'âge des patients était de 62,2 ans et le suivi médian était de 4 ans. 105 événements cutanéomuqueux (12 % des patients) ont été observés dont 98 % chez les patients traités par HU (figure 1). Ils ont conduit à un arrêt de traitement chez 35 % d'entre eux. La durée médiane de traitement était de 3,4 ans et la médiane de la dose cumulée d'HU, de 1 400 g. Il s'agissait d'ulcères (25 %), de rashs cutanés (23 %), de kératoses actiniques (15 %), de sécheresse cutanée (13,3 %), de stomatites (6,7 %), d'un carcinome squameux et d'une dysplasie de la vulve. Cette étude en vie réelle confirme la fréquence de la toxicité cutanée, son incidence croissante avec le temps et ses difficultés de prise en charge.
Selon les recommandations internationales, l'interféron (IFN) reste un traitement de référence chez les patients, notamment les plus jeunes. Une revue systématique et une méta-analyse ont précisé son efficacité chez des patients atteints de PV ou de TE. 44 études cliniques ayant inclus 1 359 patients ont été supervisées [2]. Dans la TE, le taux de réponse globale (RG) était de 80 % et le taux de réponse hématologique complète (RHc) était de 59 %. Dans la PV, le taux de RG était de 76,7 %, avec 48,5 % de RHc. Il n'y a pas de différence de réponse entre IFN pégylé et non pégylé. La durée du traitement n'a pas d'impact sur le taux de réponse. Que ce soit dans la TE ou dans la PV, le taux d'événements thromboemboliques était faible (1,2 et 0,5 % patients/année, respectivement). Enfin, les taux d'arrêts de traitement restent modestes dans les 2 hémopathies (TE : 8,8 %, PV : 6,5 %). En conclusion, l'IFN est un traitement efficace avec peu d'arrêts de traitement et s'accompagne d'un faible taux d'accidents thromboemboliques.
Pour avancer sur le meilleur traitement dans les PV et TE de haut risque, il était nécessaire d'avoir une comparaison entre HU et IFN. Cela a été l'objet d'une étude de phase III dont les résultats viennent d'être publiés [3]. 168 patients de médiane d'âge de 61 ans et atteints de PV ou de TE de haut risque ont été randomisés. Le caractère “haut risque” était défini par un antécédent de thrombose, un âge supérieur à 60 ans, un antécédent de saignement (pour les TE uniquement), un taux de plaquettes supérieur à 1 500 G/L pour les TE et supérieur à 1 000 G/L pour les PV, la présence de signes vasomoteurs, une splénomégalie, un diabète ou une hypertension artérielle (HTA) traités. La majorité des patients présentaient une mutation JAK2 (91 %), 8 % avaient une mutation et 3 %, une mutation . Il est à noter qu'une mutation était également retrouvée chez 24 % des patients et une mutation chez 9 %. Les taux de RG et de réponse complète (RC) à 12 mois ne sont pas significativement différents entre les 2 bras (respectivement de 35 et de 78 % pour l'IFN versus 37 et 70 % pour l'HU). Il n'y a pas non plus de différence significative pour le taux de réponse moléculaire à 12 mois. En revanche, alors qu'après 12 mois la charge allélique de JAK2 augmente dans le bras HU, elle continue de diminuer dans le bras IFN (figure 2). Il n'y a pas non plus de différence entre les 2 bras concernant l'incidence des accidents thromboemboliques (2 %) à 24 mois. Le spectre de tolérance différent pour chacun des traitements est attendu (tableau). En conclusion, à court terme (12 mois), il n'y a pas de différence d'efficacité entre l'HU et l'IFN. Cependant, l'amorce de différence sur la réponse moléculaire après 12 mois est un signal à prendre en considération. L'étude PROUD montrait un résultat similaire [4]. Malheureusement, il n'y aura jamais de données à long terme pour cette étude, car elle a été clôturée du fait de l'indisponibilité de l'IFN. Cela illustre la difficulté de réalisation d'essais randomisés dans ces NMP à la survie relativement longue.
Alors qu'une AMM pour le fédratinib dans les MF primitives ou secondaires symptomatiques est actuellement en discussion, les résultats d'une analyse rétrospective de patients thrombopéniques – et cependant traités par un anti-JAK2, le pacritinib – ont été publiés [5]. Deux études de phase III, PERSIST-1 et PERSIST-2, randomisant le pacritinib contre le meilleur traitement disponible (MTD) prévoyaient l'inclusion de patients atteints de MF intermédiaire 1 ou 2 ou de haut risque avec splénomégalie. Une thrombopénie (< 50 G/L) était acceptée. Les données concernant les 192 patients thrombopéniques de ces études viennent d'être publiées. Il s'agit en majorité (72 %) de patients présentant une MF primitive. Leur médiane d'âge était de 69 ans et 34 % avant déjà reçu un inhibiteur de JAK2. À l'inclusion, le taux médian des plaquettes était de 28 G/L. La majorité des patients (63 %) avaient également un taux d'hémoglobine < 10 g/dL. Le critère de jugement était la réduction du volume splénique ≥ 35 % à 24 semaines et du score total des symptômes (STS) ≥ 50 %. Une différence en faveur du pacritinib a été observée avec 24 % de répondeurs contre 2,1 % dans le bras MTD pour le volume splénique et ce d'autant plus que les patients recevaient le pacritinib à la dose de 200 mg × 2/j comparativement à 400 mg/j en une seule prise. Il en est de même pour le STS avec 25 % de répondeurs contre 8 % dans le bras MTD. La tolérance a été essentiellement marquée par la survenue de diarrhées (60,6 % tous grades et 5,3 % grades 3-4), de nausées (30,3 % tous grades et 1,5 % grades 3-4) et de vomissements (26,5 % tous grades et 0,8 % grades 3-4), mais ces effets indésirables ont rarement conduit à la diminution de dose (≤ 3 %) ou à un arrêt de traitement (≤ 3,8 %). Il en est de même pour les cytopénies déjà présentes à l'inclusion (figure 3). Les MF avec thrombopénie sont un réel défi thérapeutique, car, actuellement, l'ensemble des thérapeutiques disponibles s'accompagne d'un certain degré d'hématotoxicité. Le pacritinib pourrait représenter une nouvelle option thérapeutique. Un essai de phase III randomisé, PACIFICA, a débuté pour confirmer de manière prospective ces résultats.
Quoi de neuf ?
L'interféron continue de montrer son intérêt dans les NMP. Attention à la tolérance à moyen terme de l'hydroxyurée. Bientôt de nouveaux inhibiteurs de JAK2 dans la myélofibrose.




