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Rédactionnel

INTERVIEW D’EXPERTS - État des lieux de l’hormonothérapie pour le cancer de la prostate en 2024


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Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l’homme [1], avec 1 patient sur 5 en situation métastatique soit initiale, soit au cours de son suivi. La prise en charge des patients atteints de formes métastatiques hormonosensibles évolue constamment grâce aux avancées thérapeutiques et à l’évolution de pratique. Les dernières recommandations de l’Association française d’urologie (AFU) de novembre 2024 [2] insistent sur l’importance d’une stratégie personnalisée afin de maintenir une qualité de vie optimale des patients.


Hormonosensibilité et suppression androgénique [2]

En pratique, aujourd’hui, un adénocarcinome prostatique au diagnostic avec un taux de PSA élevé, est considéré comme hormonosensible, la sécrétion de PSA étant le refl et de l’activité de la voie des récepteurs aux androgènes (excepté quelques très rares cas de résistance primaire). Au début de toute prise en charge thérapeutique, notamment pour les patients métastatiques, une suppression androgénique (SAd) sera prescrite afi n d’empêcher l’activation de la voie de signalisation du récepteur aux androgènes par la suppression de la synthèse des androgènes et l’inhibition du récepteur des androgènes.

Prise en charge du cancer de la prostate hormonosensible [2]

Au commencement de toute prise en charge d’un cancer de la prostate hormonosensible, il est nécessaire de réaliser des bilans, à la fois du patient et de sa maladie, afin d’adapter au mieux son traitement hormonal.

La SAd est utilisée dans 3 situations distinctes : en situation curative lorsque la prostate est en place, en combinaison avec la radiothérapie pour certains cancers de la prostate classés à risque intermédiaire, tous les cancers de la prostate classés à haut risque de rechute et les cancers de la prostate localement avancés. 

La SAd est également le pilier du traitement des cancers de prostate métastatiques (figure, voir sur le PDF).

Les hormonothérapies de nouvelle génération (HTNG) ont entraîné une modification importante des pratiques au stade de cancer de la prostate avancé, en montrant un bénéfice significatif en survie globale, avec une amélioration des symptômes et de la qualité de vie et habituellement une bonne tolérance clinique et biologique. Dans tous les cas, le maintien de la SAd est nécessaire.

Enfin, dans certaines situations de récidive après un traitement local, la SAd peut être prescrite seule (post-irradiation) ou en combinaison avec la radiothérapie de rattrapage (post-prostatectomie pour les récidives dites à haut risque).

Les différentes stratégies thérapeutiques [2]

Lors d’une SAd médicamenteuse, la stratégie thérapeutique en combinaison repose sur un blocage central de la voie des récepteurs androgéniques par des agonistes ou des antagonistes de la LHRH (hormone de libération de la lutéinostimuline), en forme injectable ou récemment par voie orale, associés à des anti-androgènes périphériques, soit par blocage des anti-androgènes de nouvelle génération, soit par les inhibiteurs de synthèse. L’antagoniste de la LHRH permet une castration plus rapide que les agonistes de la LHRH et n’expose pas à un pic de testostérone (flare-up ou flambée androgénique, à risque en cas de haut volume tumoral) ; aucune différence d’effi cacité carcinologique n’ayant été décrite entre ces deux classes thérapeutiques. Les exacerbations symptomatiques d’un pic androgénique peuvent être partiellement prévenues par un anti- androgène prescrit dès le jour de l’injection de l’analogue de la LHRH (pour une durée usuelle de 15 jours). Une nouvelle métaanalyse récente suggère que les antagonistes de la LHRH entraîneraient un risque cardiovasculaire moindre, notamment chez des patients avec des antécédents de maladie cardiaque [3]. Il faut également noter que la demi-vie des antagonistes de la LHRH est plus courte que celle des agonistes. Ainsi, s’il y avait une indication d’arrêt de traitement, le temps à récupération d’une testostéronémie normale serait plus court avec les antagonistes [4]. Pour les formes tumorales plus agressives (15-20 % des patients), il est possible de prescrire des triplets, c’est-à-dire un blocage central et périphérique associé à de la chimiothérapie.

Agir précocement sur la qualité de vie des patients [2]

Lors de la SAd, la qualité de vie du patient doit être, au maximum, maintenue. Les nouvelles recommandations de l’AFU indiquent précisément que l’objectif est le contrôle carcinologique du cancer de la prostate tout en préservant la qualité de vie du patient (grade fort).

En pratique, la prévention des effets secondaires doit être initiée précocement (tableau, voir sur le PDF). Liée à la privation androgénique prolongée, l’apparition des effets secondaires est fréquente et précoce, en général entre 3 à 6 mois et, bien entendu, de gravité variable selon les patients. Il est ainsi nécessaire d’effectuer une évaluation spécifi que de chaque patient, dès la mise en place du traitement et durant son suivi. 

La toxicité osseuse est fréquente dès le début de la SAd avec une incidence des fractures vertébrales de 37 % chez des patients non métastatiques et avec une SAd de plus de 6 mois. Une ostéoporose est également fréquente (34 % des patients). Un dépistage de l’ostéoporose avant traitement et la surveillance de la densité osseuse sous hormonothérapie est recommandé. Des traitements anti-résorptifs en prescription initiale par un rhumatologue peuvent être proposés ainsi que des bisphosphonates pour prévenir la perte osseuse.

En conclusion

Pour résumer, pour tous les cancers de la prostate métastatiques hormonosensibles (synchrones et métachrones), une combinaison SAd et hormonothérapie de nouvelle génération doit être le traitement minimum de référence, étant donné le bénéfice en survie globale associé à une bonne tolérance. Aujourd’hui, le cancer métastatique de la prostate peut être considéré comme une maladie chronique puisque les patients vivent longtemps sous hormonothérapie. Il est nécessaire de les accompagner dès le début de leur prise en charge avec des soins oncologiques de support afin de limiter au maximum les effets secondaires potentiels et de garder une bonne qualité de vie tout au long de leur parcours patient. L’activité physique adaptée avec son haut niveau de preuve est une prescription simple et efficace à laquelle il faut penser.

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Références

1. Lapôtre-Ledoux B et al. Incidence des principaux cancers en France métropolitaine en 2023 et tendances depuis 1990. BEH 12-13, 4 juillet 2023.

2. Ploussard G et al. French AFU Cancer Committee Guidelines – Update 2024– 2026: Prostate cancer – Management of metastatic disease and castration resistance. Fr J Urol 2024;34(12):102710.

3. Odat RM, et al. Risk of cardiovascular disease following degarelix versus gonado tropin-releasing hormone agonists in patients with prostate cancer: a systematic review and meta-analysis. Urol Oncol. 2025:S1078-1439(24)01058-5. 

4. Sasaki H et al. Differences in sex hormone recovery profi le after cessation of 12-week gonadotropin-releasing hormone antagonist versus agonist therapy. Andrology 2022;10(2):270-8


Liens d'intérêt

Nadine Houédé déclare avoir des liens d’intérêts avec Astellas, AstraZeneca, BMS, Janssen, Merck et MSD.