Observation
Cette patiente originaire de Guyane présente de nombreux antécédents chirurgicaux digestifs avec de multiples occlusions de l'intestin grêle ayant nécessité des résections, ainsi qu'une éventration entraînant la mise en place d'une plaque. La patiente est opérée d'un rétablissement de continuité après 3 mois de stomie sans complication ni sténose, à la suite d'une jéjunostomie proximale avec résection grêlique dans un contexte d'occlusion compliquée de fistule entérocutanée et de surinfection de prothèse de paroi. À J1 postopératoire, la patiente présente des hémocultures positives à Candida albicans. La mise en culture du PICCline après ablation s'avère positive à Candida albicans. La patiente est traitée par fluconazole 400 mg i.v. et se plaint d'un flou visuel survenu 3 jours après l'instauration du traitement.
Examen clinique
L'acuité visuelle est inchiffrable initialement au lit de la patiente, le segment antérieur est sans particularité et le fond d'œil retrouve des lésions blanchâtres localisées au pôle postérieur aux 2 yeux et une hémorragie maculaire à l'œil gauche, sans hyalite (figure 1).
On réalise une surveillance simple sous fluconazole i.v.
L'acuité visuelle est à 9/10e à l'œil droit et à 10/10e à l'œil gauche 11 jours après le début du traitement, avec une hyalite à 1 croix. L'examen est stable dans les jours qui suivent, avec une régression progressive des foyers choriorétiniens (figure 2).
Une angiographie à la fluorescéine, réalisée 3 semaines après le début du traitement, ne montre pas de signe de diffusion (figure 3). La décision est alors prise d'interrompre le traitement par fluconazole.
Discussion
Les principaux facteurs de risque identifiés de développer une choriorétinite à Candida lors d'une septicémie à Candida sont la présence d'un cathéter veineux central, la toxicomanie intraveineuse, l'immunodépression, la nutrition parentérale totale, l'origine ethnique non caucasienne, l'âge et le sexe masculin [1]. La prise en charge n'est pas consensuelle et repose sur un traitement antifongique parentéral plus ou moins associé à des injections intravitréennes d'antifongiques [2]. L'ISDA (Infectious Diseases Society of America) recommande 1 dose de charge de fluconazole de 12 mg/kg puis 6 à 12 mg/kg/j ou 1 dose de charge de voriconazole de 6 mg/ kg × 2/j pour 2 doses puis 4 mg/kg × 2/j. Pour les agents résistants identifiés, elle recommande l'amphotéricine B 3-5 mg/kg/j. Dans le cas d'une barrière hématorétinienne compromise avec atteinte du vitré, il peut être nécessaire d'ajouter l'amphotéricine en injection intravitréenne (IVT) à la dose de 5-10 µg/0,1 mL ou le voriconazole 100 µg/0,1 mL. La durée du traitement systémique est d'au moins 4 à 6 semaines en fonction de l'évolution des lésions et les IVT peuvent être répétées après 72 h [3].
Compte tenu de la localisation des lésions à distance de la macula et de l'évolution rapidement favorable sans atteinte vitréenne, il a été décidé dans le cas présent de ne pas réaliser d'IVT d'antifongique.
L'amélioration a été lente mais réelle, tant au niveau de l'acuité visuelle que de l'aspect et du nombre des lésions visibles au fond d'œil et à l'OCT maculaire (figures 4, 5 et 6).
Conclusion
Nous rapportons le cas d'une choriorétinite bilatérale à foyers multiples sur une infection à Candida albicans d'évolution favorable sous traitement par fluconazole i.v. avec relais p.o. uniquement, sans réalisation d'injections intravitréennes. ■
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