Éditorial

Les territoires français ultramarins : un vivier de pathologies tropicales


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Depuis la métropole, on a parfois une vision un peu subjective de l'exercice de la médecine dans les DOM-TOM, ou plutôt DROM-COM (départements et régions d'outre-mer et collectivités d'outre-mer), comme on est dorénavant et momentanément censé appeler ces confettis de territoires français dispatchés dans toutes les régions du monde, et si différents les uns des autres. On entend parler parfois de médecins cocotiers, de soignants tropicalisés ; or, cette vision est loin de correspondre à la réalité. De par leur situation majoritairement en zone intertropicale, on retrouve des pathologies dites tropicales ou exotiques de la région, mais avec souvent des moyens proches de ceux disponibles en Europe pour les diagnostiquer, les soigner et les étudier. C'est pourquoi, il nous a semblé intéressant de consacrer un numéro à ces pathologies retrouvées dans les territoires français du bout du monde, et de rappeler ainsi que venir exercer dans ces contrées au climat estival, à l'exception de Saint-Pierre-et-Miquelon ou des TAAF (Terres australes et antarctiques françaises), ce n'est pas seulement venir “se dorer la pilule”, mais c'est se donner la possibilité de prendre en charge et étudier des infections originales avec des moyens modernes, dans des régions où les systèmes sanitaires des pays voisins ne laissent pas beaucoup ce loisir aux professionnels de la santé. C'est ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie, les équipes ont découvert récemment une nouvelle maladie, la fièvre hémolytique des roussettes, après de long mois d'interrogations, chez des patients consommateurs de ces chauves-souris géantes, qui présentaient des fièvres prolongées, une altération massive de l'état général et une hémolyse surprenante, aboutissant à la description d'une nouvelle zoonose due à “Candidatus Mycoplasma haemohominis”. À La Réunion, une maladie un peu oubliée à été remise au goût du jour en 2012 chez un touriste revenant de l'île : le typhus murin, infection due à Rickettsia typhi, retrouvé depuis régulièrement dans les zones sèches de l'île. À Mayotte, on soigne toujours cette maladie vieille comme l'humanité, et disparue de bien des coins du monde, la lèpre, que certains d'entre nous ont découvert en visionnant le péplum Ben-Hur sorti il y a 60 ans. En Guyane, on est confronté à une forme très particulière de toxoplasmose, liée à une souche selvatique transmise notamment par le puma ou le jaguar, et qui donne des infections souvent sévères chez l'immunocompétent qui parcourt la forêt. Aux Antilles notamment, les équipes locales ont récemment mis en évidence une maladie principalement connue en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique, la mélioïdose, dont la forme septicémique fulgurante de Burkholderia pseudomallei a été jusqu'à tuer un surfeur suisse au retour de Martinique il y a quelques années. Enfin, le clone unique de la fièvre Q guyanaise, MST17, aboutit à une épidémiologie très particulière avec l'incidence la plus élevée au monde et un tiers des pneumopathies hospitalisées liées à Coxiella burnetii, sans que le mode de transmission et le réservoir animal ne soient vraiment élucidés.

D'autres pathologies tout aussi originales ou peu connues auraient pu être présentées ici, telles que les angiostrongyloses nerveuse et digestive retrouvées dans les territoires français d'Amérique, mais aussi dans l'océan Indien et le Pacifique, l'histoplasmose disséminée du patient infecté par le VIH en Guyane, la leptospirose à l'épidémiologie particulière de Mayotte ou de Wallis-et-Futuna, la découverte récente de la fièvre Q à La Réunion, la filariose en Polynésie, ou encore les arboviroses rares comme Tonate, Mayaro ou Oropouche en Guyane.

Souhaitons que ces articles rédigés par les collègues de tous les coins du monde donnent envie aux plus jeunes comme aux plus expérimentés de venir goûter le plaisir et l'émulation de l'exercice médical et de la recherche dans nos contrées françaises parfois reculées, mais ô combien dignes d'intérêt !



Liens d'intérêt

L. Epelboin déclare être membre du CA de la SPILF et du GEPOG.