Éditorial

L’hématologie en rhumatologie : du quotidien aux dernières avancées


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Tous les jours, les connaissances en hématologie du rhumatologue sont mises à l’épreuve. Cela commence par la simple lecture de l’hémogramme d’un patient, avec l’interprétation du taux d’hémoglobine, du nombre de leucocytes et de plaquettes. Le rhumatologue ne doit pas seulement détecter les anomalies, les interpréter et guider leur exploration, il doit aussi être capable de les expliquer à son patient. Celles-ci sont-elles liées à son problème rhumatologique, provoquées par son traitement rhumatologique, ou sans lien mais avec un impact direct sur la prise en charge rhumatologique ?

Le test de connaissance ne s’arrête pas là, puisque le bilan de fragilité osseuse nécessite lui aussi une parfaite interprétation de l’hémogramme, ou encore du bilan phosphocalcique et de l’électrophorèse des protéines sériques, dont certaines anomalies peuvent témoigner d’une authentique pathologie hématologique. La possibilité de découvrir une maladie hématologique, plus précisément un myélome multiple, impose au rhumatologue une bonne connaissance de la démarche diagnostique, avec l’utilisation des outils les plus modernes, mais aussi une maîtrise des options thérapeutiques, afin d’accompagner le patient lors de l’annonce diagnostique.

N’oublions pas les rhumatismes inflammatoires, avec des liens plus qu’étroits entre l’hématologie et l’immunologie. Ces communications sont à double sens puisqu’une anomalie d’une lignée hématopoïétique pourra favoriser une complication rhumatologique, alors qu’une maladie rhumatologique inflammatoire pourra se compliquer d’une hémopathie – je pense prioritairement au lymphome. Pour une prise en charge optimale, une approche multidisciplinaire est alors nécessaire afin de prévenir les complications rhumatologiques ou immunologiques, ou de définir un traitement compatible pour les différentes manifestations.

Enfin, le dynamisme de l’hématologie et la richesse de ces nouvelles options thérapeutiques doivent être une source d’inspiration pour la rhumatologie. La volonté de faire avancer les connaissances et l’adressage régulier des patients aux centres pouvant leur offrir les dernières innovations thérapeutiques ont permis de révolutionner leur prise en charge et de transformer de nombreuses maladies mortelles en maladies chroniques. Ces progrès sont dus au développement de nombreux nouveaux traitements, très proches des traitements utilisés en rhumatologie. Le meilleur exemple reste bien sûr le rituximab, dont l’efficacité dans le lymphome, et notamment dans des lymphomes compliquant des polyarthrites rhumatoïdes, a motivé son utilisation dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde hors lymphome. Toutefois, l’histoire ne s’arrête pas là : de nouveaux traitements hématologiques visant les lymphocytes B et même maintenant les plasmocytes, des inhibiteurs de tyrosine kinase et désormais des thérapies cellulaires sont très probablement les médicaments rhumatologiques de demain.

Nous n’avons donc pas résisté à vous offrir un numéro collaboratif, fruit des liens entre La Lettre du Rhumatologue et Correspondances en ­Onco‑Hématologie. Nous avons sollicité nos collègues pour nous rappeler les bases de l’exploration d’une anémie ou d’une hypogammaglobulinémie. Nous avons voulu en savoir plus sur l’actualité du myélome multiple, cette pathologie fréquemment diagnostiquée en rhumatologie et dont la prise en charge a été bouleversée par les progrès de la médecine. L’hématologie froide est souvent aussi gérée par les rhumatologues et les internistes, et nous avons donc contacté des experts pour nous guider sur le dépistage du lymphome dans le contexte d’un rhumatisme inflammatoire, et sur le bilan d’une myélodysplasie, pathologie très à la mode depuis la découverte du fameux VEXAS. Nous avons aussi voulu rêver avec les résultats des thérapies par CAR-T cells, qui seront peut-être un jour transposées en rhumatologie, avec une cible qui ne serait plus la rémission mais la guérison.

J’espère que l’invitation vous a plu, et que vous allez “dévorer” ce nouveau dossier.


Liens d'intérêt

C. Richez déclare avoir des liens d’intérêts avec AbbVie, AstraZeneca, Amgen, Biogen, BMS, GSK, Lilly, Pfizer et Novartis.