Découvrez le chapitre 2 du livre Le point sur la polyarthrite rhumatoïde paru ce mois-ci.
Bien que l’origine de la polyarthrite rhumatoïde (PR) demeure inconnue, les mécanismes qui aboutissent au déclenchement de cette maladie ont été mieux précisés au cours de ces 20 dernières années. La PR est due à une prédisposition immunogénétique multifactorielle confrontée à des facteurs environnementaux (exposomaux) qui vont induire des manifestations inflammatoires liées à une activation de l’immunité innée puis adaptative.
La PR : une maladie immunologique inflammatoire complexe à point de départ extra-articulaire
Une maladie extra-articulaire initiée dans les muqueuses sous l’effet (combiné) de facteurs exposomaux
Cette réponse immunitaire est déclenchée dans les muqueuses (intestinales, pulmonaires, buccales, etc.) par des mécanismes partiellement connus dont des “déséquilibres” microbiens (dysbiose), qui ont des conséquences métaboliques et immunologiques comme des modifications post-traductionnelles (citrullination, carbamylation, acétylation, etc.) de certains peptides. Dans ces muqueuses s’initient alors l’induction d’une réponse immunitaire IgA et l’activation de lymphocytes Th17 qui peuvent avoir des conséquences pro-inflammatoires dont certaines sont arthritogènes. Ces dysbioses qui pourraient constituer le 1er “hit” (agression) sont favorisées par des facteurs exposomaux exogènes (tabac, toxiques, aliments, etc.) et endogènes (stress, hormones).
Différents facteurs peuvent faciliter une rupture de la perméabilité des muqueuses qui permet certainement la migration de motifs moléculaires associés aux pathogènes (, PAMP) et/ ou de métabolites microbiens vers différents tissus, en particulier la synoviale et l’os épiphysaire [1].
Après une période pauci- ou asymptomatique (parfois prolongée), chez des sujets prédisposés, c’est ce 2e “hit” ostéoarticulaire possiblement constitué d’éléments microbiens issus des muqueuses, transitant probablement par le tissu lymphoïde (moelle osseuse et ganglions), qui pourrait expliquer le passage à la phase d’état appelée PR. Cet épilogue pathogénique se caractérise par l’apparition d’une inflammation chronique avec parfois des lésions structurales (ostéoarticulaires), mais aussi des comorbidités pulmonaires, cardiovasculaires, neuromusculaires, etc. (figure 1 et figure 2).
LE SAVIEZ-VOUS ?
Dans la PR, l’activation de l’immunité innée par les facteurs exposomaux, en particulier microbiens, est initiée dans les muqueuses pulmonaires ou digestives. De nombreux acteurs cellulaires, intra- et extracellulaires sont à l’origine de l’inflammation locale et systémique observée dans la PR. La dissection moléculaire et mécanistique de la PR a permis d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques que le progrès de la biotechnologie rend aujourd’hui et rendra demain pertinentes.
Une synovite “agressive” à la phase d’état
Dans ce processus dynamique “en plusieurs actes”, la membrane synoviale qui tapisse les articulations et les tendons est la cible “centrale” de la réponse immunitaire intra-articulaire [2]. Cette réaction immunitaire synoviale mais aussi osseuse est liée à la migration à partir des muqueuses et du tissu lymphoïde de nombreuses cellules (principalement des lymphocytes T et B). Ces cellules s’organisent en agrégats lymphoïdes avec des macrophages pro-inflammatoires et d’autres cellules présentatrices de l’antigène (CPA) qui sont la principale source de production des cytokines pro-inflammatoires (TNF, IL-6, IL-1, IL-8, etc.). La synoviale inflammatoire ou synovite rhumatoïde se caractérise également par une prolifération pseudo-tumorale de fibroblastes (appelés FLS, fibroblast-like synoviocytes), ce qui se traduit par des franges villositaires qui envahissent l’articulation. Des données récentes montrent que les fibroblastes et les macrophages synoviaux ont des particularités phénotypiques et fonctionnelles singulières qui seront peut-être à l’origine de nouvelles stratégies thérapeutiques. Il existe en particulier un défaut de macrophages anti-inflammatoires (probablement par défaut de différenciation à partir des monocytes sanguins) et un excès de macrophages pro-inflammatoires [3]. Le tropisme articulaire spécifique à certaines articulations chez un individu est mal compris, il est toutefois possible que le stress mécanique (immunostress), mais aussi des mécanismes d’hypoxie tissulaire (dans les petites articulations) et d’angiogenèse puissent jouer un rôle important. À cette phase dite clinique apparaissent des douleurs et des gonflements articulaires (quelquefois destructeurs), surtout des mains et des pieds, mais également des atteintes extra-articulaires, surtout dans la forme systémique de la maladie.
Une affection inflammatoire marquée par une immunisation contre des peptides modifiés (modifications post-traductionnelles)
Les facteurs rhumatoïdes (FR) et les anticorps anti-peptides citrullinés (ACPA, anti-citrullinated protein antibodies) ou plus globalement les anticorps anti-peptides modifiés (AMPA, anti-modified protein antibodies) sont présents bien avant les premiers symptômes du rhumatisme inflammatoire. Pendant cette phase préclinique, il existe une citrullination excessive sous l’effet de facteurs environnementaux, initialement dans les muqueuses (poumon, bouche, tube digestif) puis dans l’articulation et d’autres tissus comme le poumon. Dans l’articulation, l’afflux de facteurs immunomicrobiens accélère la citrullination par les enzymes peptidylarginine désiminases (PAD), créant une réponse immunitaire “locale” qui favorise une rupture de tolérance contre des peptides modifiés ou d’autres structures produites par l’inflammation. Cette diversité moléculaire explique certainement en partie l’existence de formes différentes de PR immunopositives ou immunonégatives (avec ou sans ACPA ou AMPA). La stimulation des lymphocytes autoréactifs par des CPA classiques (cellules dendritiques, macrophages) ou accessoires (lymphocytes B, FLS) nécessite l’implication de molécules de costimulation situées à la membrane des cellules, puis des mécanismes intracellulaires qui transmettront le signal d’activation jusqu’aux gènes présents dans les noyaux des cellules pour produire des autoanticorps et des protéines impliqués dans l’inflammation. La formation de complexes immuns, favorisée par la présence de FR, peut amplifier le processus inflammatoire, notamment par l’activation des voies du complément et des récepteurs aux fragments Fc des immunoglobulines (RFc).
Les mécanismes impliqués dans la réponse immunitaire de la PR : les cibles thérapeutiques
L’activation de l’immunité innée par les facteurs exposomaux, en particulier microbiens
Les cellules dendritiques (CD), les monocytes et/ ou macrophages, les polynucléaires neutrophiles (PNN), les mastocytes et différentes formes de lymphocytes innés (natural killer, innate lymphoid cells, mucosal-associated invariant T cells) interviennent dans l’activation de la réponse innée. Il s’agit d’une réponse immunitaire initialement dirigée contre des facteurs exposomaux, notamment microbiens. Les bactéries et les virus peuvent ainsi induire une réponse immunitaire innée par l’activation des récepteurs, en particulier de “Toll-like” (TLR), qui reconnaissent des molécules exprimées par ces micro-organismes. Il a été démontré que des bactéries du microbiote peuvent activer des macrophages muqueux (“short‑lived”) et des monocytes sanguins avec l’induction (via des TLR) d’une citrullination des histones H3 de ces cellules, ce qui leur confère un caractère pro-inflammatoire [4]. Ces dérivés microbiens peuvent faciliter la pérennisation de cette inflammation par une stimulation récurrente de l’immunité innée, mais aussi par une activation muqueuse de l’immunité avec la production d’IgA (souvent antimicrobiens) et un excès de LTh17 au détriment des lymphocytes T régulateurs (Treg) (comme cela a été décrit pour Prevotella copri). Cette réponse immunitaire contre le “secondary self” que représentent les microbiotes est un point important qui doit être étudié. Le flux de PAMP et/ ou de métabolites microbiens issus des muqueuses amplifie la citrullination et facilite la libération en cascade de nombreuses cytokines pro-inflammatoires. La réponse immunitaire peut aussi induire une sensibilisation immunitaire des cellules tissulaires, en particulier synoviales capables de présenter des CPA. Ces cellules “cibles” dans la synoviale et l’os sont des macrophages d’origine embryonnaire, des cellules souches synoviales et des préostéoclastes. Cette sensibilisation peut se faire par des mécanismes épigénétiques, notamment par l’hypométhylation de promoteurs des gènes (dont celui des PAD), qui entraînent une forme de mémoire innée (“trained immunity”) amplifiant la réponse immunitaire en cas de stimulation chronique par des PAMP, DAMP (damage-associated molecular pattern) et des métabolites traversant la synoviale [5, 6]. Cette hypothèse d’une reprogrammation épigénétique des cellules souches tissulaires par des métabolites du microbiote est remarquablement illustrée dans un modèle de sclérodermie [7]. Ces modifications épigénétiques s’accompagnent d’une surexpression de PAD qui participe alors à la citrullination synoviale induite également par des mécanismes d’autophagie. Ce processus est favorisé par l’hypoxie tissulaire et par l’activation de la PAD des PNN lors de la nétose provoquée par des débris et des métabolites bactériens.
Comment cibler précocement les facteurs inducteurs exposomaux ?
En théorie, la prévention de la PR peut s’appuyer sur plusieurs stratégies. Parmi les facteurs exposomaux modifiables, l’alimentation mal équilibrée, le surpoids, la faible activité physique, le tabagisme, une parodontopathie, une dysbiose ou encore le stress ont été identifiés comme des facteurs de risque de développer une PR. En entraînant une inflammation de bas grade avec une stimulation du système immunitaire (notamment par l’intermédiaire de modifications du microbiote et/ou de différents médiateurs comme les adipokines), ces facteurs exposomaux favorisent le déclenchement de la maladie, mais pourraient également participer à l’entretien d’une inflammation chronique. Ainsi, les sujets obèses et/ou sédentaires ont des PR plus actives et une réponse thérapeutique moindre. Les sujets tabagiques répondent moins bien aux traitements. Les parodontopathies sont associées à des PR plus actives et leur traitement serait associé à une diminution de cette activité. L’alimentation, l’hygiène buccale, les toxiques, le tabac, le stress et l’activité physique sont donc autant de facteurs pour lesquels une intervention peut être envisagée, chacun justifiant une analyse détaillée qui repose sur une littérature de plus en plus abondante.
La combinaison de ces interventions a probablement des effets synergiques. Il est donc pertinent de proposer une correction de l’ensemble de ces facteurs dans un même programme. Une étude néerlandaise a évalué le bénéfice de la combinaison de différentes mesures sur l’activité de la maladie [8]. Les patients inclus avaient une activité faible à modérée (DAS28 entre 2,6 et 5,1). Les patients du groupe intervention recevaient un régime à base de plantes, suivaient un programme d’activité physique et de gestion du stress en complément de leur traitement standard. Le groupe témoin suivait son traitement habituel sans intervention supplémentaire. Les patients étaient évalués en aveugle du groupe d’inclusion. Le traitement de la PR était maintenu à dose stable 3 mois avant l’inclusion et durant le suivi de 16 semaines. 83 patients ont été randomisés et 77 ont complété l’étude. Dans le groupe intervention, une amélioration du DAS28 de 0,9 point était observée comparativement au groupe contrôle (IC95 : 0,4-1,3 ; p < 0,0001) à la 16e semaine. Cette amélioration semblait plus marquée dans le groupe de PR séronégatives. Le poids, la masse grasse, l’hémoglobine glyquée ainsi que les lipides (LDL et triglycérides) ont diminué dans le groupe intervention. Cette étude randomisée montre la faisabilité d’une intervention sur les habitudes de vie et le bénéfice que cela peut entraîner chez les patients, même s’il reste modeste. L’intervention sur les habitudes de vie s’ajoute aux mesures générales non pharmacologiques de la prise en charge de la PR, au même titre que l’arrêt du tabac. Une étude comparable (DISRUPT) est en cours en France, pour estimer l’efficacité à 6 mois d’un programme de prise en charge globale des facteurs de risque environnementaux de PR avant de pouvoir le proposer en prévention à des sujets ayant une pré-PR.
Des stratégies de modulation plus spécifiques de la dysbiose peuvent être envisagées par, notamment, une éradication des germes arthritogènes présents précocement dans les muqueuses (digestives mais aussi pulmonaires) comme Prevotella copri. Il faut confirmer le caractère arthritogène de ces germes et surtout la présence d’une réponse immunitaire antimicrobienne spécifique (initiée dans les muqueuses) chez les patients atteints de PR. Des stratégies anti-infectieuses éventuellement vaccinales doivent être évaluées. Il est aussi possible que le méthotrexate agisse assez spécifiquement par un mécanisme de régulation du microbiote intestinal, ce qui pourrait expliquer son efficacité singulière dans la PR [9].
La réponse immunitaire cytokinique dans la PR débutante
Dans la PR, il existe dès la phase précoce un déséquilibre entre les cytokines pro-inflammatoires (TNF, IL-1β, IL-6, IL-15, IL-17, IL-18, IL-32, etc.) et les cytokines anti-inflammatoires (IL-4, IL-10). Les monocytes, les macrophages, les lymphocytes T activés et les synoviocytes sont les principaux producteurs de ces cytokines pro-inflammatoires que sont le TNF, l’IL-1β, et l’IL-6.
Ces cellules peuvent produire de nombreuses autres molécules telles que des facteurs de croissance, des chimiokines, ou encore des molécules d’adhésion qui interviennent dans la réaction inflammatoire en favorisant l’angiogenèse et le recrutement des cellules dans la synoviale. Les cellules endothéliales stimulées par le TNF, l’IL-1β ou l’IL-18 expriment des molécules d’adhésion (ICAM-1, VCAM-1). L’interaction de cellules circulantes avec ces cellules endothéliales permet alors leur passage vers la membrane synoviale. Les cellules circulantes, souvent à point de départ muqueux, migrent ensuite dans la synoviale en exprimant sur leur membrane des récepteurs aux chimiokines. Chaque acteur impliqué dans ce processus représente une cible potentielle dans le traitement de la PR (figure 3).
Comment cibler les cytokines de l’inflammation ?
Le rôle central des cytokines pro-inflammatoires, et notamment du TNF, de l’IL-6 et à un degré moindre de l’IL-1β, dans la pathogénie de la PR a été confirmé en utilisant des médicaments capables de les neutraliser. L’inhibition de ces 3 cytokines permet, d’une part, de contrôler l’inflammation articulaire et systémique et, d’autre part, de contrôler la destruction ostéoarticulaire observée dans la PR. Des traitements développés grâce à des procédures biotechnologiques ont permis de produire des anticorps monoclonaux contre le TNF, l’IL-6 et son récepteur ou encore des protéines antagonistes du TNF (étanercept) et de l’IL-1 (IL-1ra). La construction de ces biomédicaments est maintenant bien maîtrisée. De nouveaux traitements contre de nouvelles cibles identifiées peuvent donc être envisagés. Les cytokines pro-inflammatoires représentent des cibles thérapeutiques de choix lorsque leur implication dans les modèles expérimentaux d’arthrite et chez les patients atteints de PR est observée. L’IL-40 est l’une des dernières cytokines identifiées comme pouvant être impliquées dans la PR et pourrait faire l’objet d’un traitement ciblé.
Il a aussi été envisagé d’administrer des cytokines à tropisme anti-inflammatoire comme l’IL-10, mais leur efficacité n’a pas été démontrée. L’utilisation de nouvelles cytokines anti-inflammatoires comme l’IL-9, l’IL-27 ou l’IL-35 pourrait être envisagée.
L’activation de l’immunité adaptative dans la PR : de la phase initiale (présymptomatique) à la phase d’état
Les peptides citrullinés jouent un rôle majeur dans l’activation de la réponse immune adaptative de la PR immunopositive, mais il existe d’autres mécanismes moléculaires expliquant les formes immunonégatives. Les peptides citrullinés sont produits par déimination d’un résidu arginine principalement sous l’effet des PAD 2 et 4. Cette citrullination est observée avant les signes articulaires dans le poumon, le tube digestif, mais aussi dans l’articulation. Le tabac est capable d’activer la PAD, avec comme conséquence une citrullination excessive dans le poumon des fumeurs. Certains agents infectieux comme Porphyromonas gingivalis ou d’autres bactéries potentiellement arthritogènes (cyanobactéries, actinobactéries, etc.), qui sont prédominantes dans le microbiote oral ou digestif des patients atteints de PR récente (non traitée), ont la particularité de posséder une PAD endogène capable de “citrulliner” des protéines dans les muqueuses [10]. Cependant, certaines bactéries comme Prevotella copri ou Subdoligranulum didolesgii ont un rôle arthritogène particulier qui ne dépend pas forcément de leur capacité à citrulliner, car elles n’ont pas de PAD endogène. Ainsi, lors de la phase préclinique, l’exposition à des facteurs exposomaux pourrait favoriser une citrullination excessive de peptides endogènes dans certains organes cibles de la PR comme le poumon, le parodonte, ou encore l’intestin. Après la rupture de tolérance dans les muqueuses, il existe une “diffusion épitopique” qui augmenterait la probabilité d’un contact entre un peptide citrulliné et des CPA dans les muqueuses mais aussi dans d’autres tissus (tissu lymphoïde, synoviale, etc.). L’ensemble de ces éléments contribuent à la réponse autoanticorps (ACPA). Dans l’articulation, des processus comme la nétose des PNN mais aussi l’hypoxie tissulaire activent la citrullination. Il a été démontré que cette hypoxie synoviale qui induit la production d’HIF1 (hypoxia-inducible factor 1) favorise l’autophagie puis la citrullination [11]. Cette citrullination “excessive” est renforcée par des facteurs génétiques tels que certains variants du gène PTPN22. Cette diffusion épitopique, associée à une diversification antigénique, une maturation de l’affinité (par le contact antigénique) et une augmentation de la quantité globale d’ACPA/AMPA, serait prédictive de l’apparition de signes cliniques, mais, en population générale, plus de 95 % des sujets ayant des ACPA ne développeront pas de PR après plus de 15 ans de suivi. Cette observation souligne un point important qui est que tous les ACPA ne sont pas pathogènes, certains pourraient même être protecteurs. Dans la PR, il existe d’autres processus d’auto-immunisation contre des peptides modifiés ou probablement contre d’autres autoantigènes engendrés par l’inflammation ou la destruction ostéoarticulaire [12]. L’accumulation quantitative d’autoantigènes produits dans des sites multiples pourrait favoriser une rupture de tolérance, notamment contre les épitopes citrullinés comme cela a été suggéré par un modèle original d’auto-immunisation. Dans ce modèle de lupus, la saturation quantitative par un autoantigène ubiquitaire suffit à rompre la tolérance. Ainsi, on peut faire l’hypothèse que, dans la PR, la production importante “multisource” de peptides modifiés, dont la PAD citrullinée (citrullinome), induit une rupture de tolérance avec la production d’APCA/AMPA [13]. Il est aussi démontré que les modifications de la glycosylation des autoanticorps de la PR (FR, ACPA, etc.) participent à l’induction d’arthrites.
Les patients atteints de PR avec des ACPA sont souvent porteurs d’un gène gène HLA-DRB1*04 ou HLA-DRB*01. Les molécules HLA-DR codées par certains allèles de ces gènes (HLA-DRB1*0401, DRB1*0404, DRB1*0101) se caractérisent par une valine en position 13, une phénylalanine en position 16, et surtout par une séquence commune d’acides aminés (QKRAA) situés entre les positions 70 et 74 de la chaîne β, séquence qui correspond également aux sites impliqués dans la reconnaissance antigénique [14]. Cette séquence commune, appelée “épitope partagé”, pourrait être au cœur de la réponse auto-immune, médiée par les lymphocytes T, mais HLA-DR pourrait agir par d’autres mécanismes comme celui de la régulation de la dysbiose muqueuse [15]. Dans la PR immunonégative, il existe d’autres facteurs de prédisposition génétique qui traduisent la diversité moléculaire de cette maladie.
Dans la PR, la stimulation chronique dans différents tissus, dont la synoviale, provoque des altérations fonctionnelles (immunométaboliques) des lymphocytes T activés, ce qui favorise les phénomènes de rupture de tolérance rendant potentiellement ces lymphocytes T plus arthritogènes [16]. L’activation de lymphocytes T après la reconnaissance d’un antigène modifié nécessite un signal de costimulation qui implique des molécules telles que CD80/86 et CD28.
La molécule CTLA-4 produite par les lymphocytes Treg est capable d’interagir avec les molécules CD80/ CD86 pour lesquelles elle a plus d’affinité que la molécule CD28, permettant ainsi l’inhibition de la voie de costimulation CD80/CD86-CD28. Dans la PR, il existerait un défaut de régulation de cette activation lymphocytaire par les Treg. L’absence de contrôle efficace de l’activation des lymphocytes T contribue aussi à l’activation incontrôlée des lymphocytes B autoréactifs (exprimant les marqueurs CD19 et CD20), qui aboutit à une différenciation en plasmocytes producteurs d’ACPA et de FR. L’implication de l’immunité adaptative a été démontrée par l’efficacité dans la PR d’un traitement inhibant l’activation des lymphocytes T comme l’abatacept, qui est une protéine de fusion composée de CTLA-4 et d’un anticorps monoclonal induisant une déplétion des lymphocytes B CD20+ comme le rituximab. D’autres anticorps monoclonaux anti-CD20 tels que l’ocrélizumab et l’ofatumumab ont été évalués dans la PR avec une certaine efficacité, mais ils n’ont finalement pas été commercialisés dans la PR. La stratégie d’induction des lymphocytes Treg, notamment avec de l’IL-2 à faible dose ou des anticorps monoclonaux anti-CD4 (trégalizumab), n’a pas d’efficacité démontrée. L’hypothèse d’une induction de lymphocytes B régulateurs pour contrôler une PR reste pour l’instant une stratégie théorique. D’autres approches, appelées approches immunométaboliques, sont envisagées pour corriger des anomalies intrinsèques de certaines cellules de l’immunité, mais cela reste très expérimental pour l’instant [16].
Comment cibler les voies de costimulation ?
La voie B7-CD28 (CTLA-4)
La modulation des mécanismes de costimulation impliqués dans l’activation des lymphocytes représente une voie thérapeutique d’intérêt avec de nombreuses cibles potentielles. Des anticorps anti-CD28 qui bloquent l’interaction avec B7 et empêchent l’activation du 2e signal nécessaire à l’activation du lymphocyte T ont été développés. Le premier d’entre eux (TGN1412) a été arrêté dès la phase I en raison du choc cytokinique dû à une libération importante de cytokines [17]. Un nouvel anticorps monoclonal humain anti-CD28 pégylé a été construit et testé chez le singe avec une bonne tolérance,
mais il n’est pas encore passé à l’essai chez l’Homme.
La voie PD1/PDL-1
Une autre voie de costimulation impliquant la protéine PD1 (programmed cell death 1), qui est un corécepteur présent sur le lymphocyte T et inhibe son activation en fixant son ligand PDL-1, fait l’objet de traitements ciblant cette voie. Son ciblage par des anticorps anti-PD1 antagonistes ou anti-PDL-1 est utilisé en oncologie (inhibiteurs du checkpoint). Le pérésolimab est un anticorps agoniste qui stimule PD1, un récepteur inhibiteur du lymphocyte T, pouvant ainsi potentiellement activer une voie inhibitrice de l’activation lymphocytaire. Un essai de phase IIa évaluant l’efficacité et la tolérance de cet anticorps a été mené chez des patients atteints de PR en réponse insuffisante aux traitements synthétiques ou ciblés [18]. Les résultats préliminaires montrent une efficacité de cette nouvelle cible thérapeutique dans la PR avec une bonne tolérance sur une durée de suivi de 3 mois.
La voie CD40/CD40L
La voie de costimulation CD40/CD40L joue également un rôle important dans l’activation de la réponse humorale. Un anticorps anti-CD40L a déjà été testé dans les maladies auto-immunes, mais son développement avait été arrêté en raison de la survenue de thromboses qui impliquaient la fraction Fc de l’immunoglobuline. Une protéine de fusion (VIB4920) ne comportant pas la fraction Fc qui antagonise le CD40L a été créée et testée dans une étude randomisée contrôlée versus placebo de phase I dont le but était d’analyser la tolérance, la pharmacocinétique et l’efficacité de différentes posologies de VIB4920 [19]. La rémission ou le faible niveau d’activité étaient observés pour 50 % et 75 % des patients des groupes 1 000 et 1 500 mg, respectivement, contre 13,4 % dans le groupe placebo. Cette efficacité s’accompagnait d’une diminution significative de la CRP et du FR. Des anticorps dirigés contre CD40 sont en cours d’évaluation dans plusieurs maladies auto-immunes et ne semblent pas augmenter le risque de thrombose.
Il existe différentes autres voies de costimulation activatrices ou inhibitrices qui pourraient être des cibles thérapeutiques, mais la synergie et la redondance de certaines de ces voies rendent leur évaluation assez difficile.
Comment cibler les cellules de l’auto‑immunité : la thérapie cellulaire et les anticorps bispécifiques ?
Différentes modalités de thérapies cellulaires ont été imaginées et certaines ont été développées dans la PR. L’utilisation de cellules souches mésenchymateuses (modifiées ou non), voire la génération de cellules souches immunomodulatrices et/ou anti-inflammatoires, a été évaluée mais sans application pratique pour l’instant dans la PR. Ce sont des stratégies parfois complexes, souvent coûteuses et avec des risques hypothétiques qui incitent à un développement prudent.
Les CAR-T
Une autre voie thérapeutique capable de moduler l’immunité adaptative est la thérapie cellulaire [20]. Les thérapies par cellules CAR-T (chimeric antigen receptor-T cells) autologues sont utilisées dans le traitement de certains cancers. Les cellules CAR-T ciblant les marqueurs CD19 présents sur les lymphocytes B permettent de traiter efficacement plusieurs hémopathies B. Ces traitements potentiellement curatifs du cancer pourraient peut‑être induire des rémissions durables des maladies auto-immunes dépendantes des lymphocytes B comme la PR. Les CAR-T cells anti-lymphocytes B CD19+ ont fait l’objet de premiers essais chez quelques patients atteints de PR réfractaire à des traitements de fond synthétiques et ciblés. Les résultats sont encourageants, avec une tolérance qui paraît bonne. Ces traitements, qui ont un coût considérable, doivent encore démontrer leur bonne tolérance à long terme. La déplétion des lymphocytes B et des plasmocytes mémoires (marquée, par exemple, par CD38), qui n’est pas possible avec un anti-CD20, est un objectif majeur pour envisager un traitement curatif de la maladie, mais cela reste à démontrer.
Les CATCR
Les CATCR (chimeric autoantigen-T cell receptor) sont des récepteurs des lymphocytes T dans lesquels un autoantigène peut être introduit dans une ou plusieurs protéines du complexe TCR-CD3. Cette modification confère ainsi à ces CATCR-T cells une spécificité antigénique contre un autoantigène identifié [21]. Cette immunothérapie serait plus spécifique, car elle est uniquement dirigée contre un seul autoantigène. L’intérêt réel de cette spécificité n’est pas évident dans la PR, car dans cette affection à mécanisme auto-immun, plusieurs autoantigènes sont impliqués. En revanche, cette thérapie cellulaire serait globalement moins déplétante que les CAR-T cells vis-à-vis des autres lymphocytes B, et donc potentiellement mieux tolérée.
Les CAR-Treg
Les CAR-Treg représentent une autre voie de thérapie cellulaire qui pourrait être envisagée dans la PR. Des lymphocytes Treg de sujets atteints de PR dans lesquels a été inséré un récepteur antigénique chimérique spécifique de la vimentine citrullinée ont été récemment produits par une équipe américaine. Cet antigène a été choisi, car la vimentine citrullinée est l’une des principales cibles des ACPA dans la PR [22]. Les CAR-Treg générés à partir de Treg de sujets sains s’activent et produisent de l’IL-10 en présence de vimentine citrullinée. Ils sont également capables de réguler des CD4 et des CD8 effecteurs en inhibant leur prolifération. Ainsi, ces CAR-Treg sont bien spécifiques des peptides citrullinés et fonctionnels. La coculture de CAR-Treg préalablement mis en contact avec la vimentine citrullinée et de T effecteurs préalablement activés montre une suppression de la prolifération des lymphocytes T effecteurs. Grâce à ces biotechnologies de thérapie cellulaire capables de produire des cellules modifiées génétiquement, cette voie thérapeutique représente une voie d’avenir avec cependant une tolérance à long terme encore incertaine.
Les anticorps bispécifiques
Ces anticorps construits par des processus biotechnologiques sophistiqués sont utilisés en oncologie pour détruire spécifiquement des cellules tumorales. Le principe est d’utiliser un anticorps qui, par sa double spécificité, peut “rapprocher” une cible visée (tumorale ou autoréactive) de lymphocytes ou macrophages cytotoxiques. Cette stratégie permet une immunothérapie cellulaire très sélective qui ressemble à la stratégie utilisée pour les CAR-T cells. Des anticorps bispécifiques (avec ou sans fragment Fc) sont développés pour dépléter les populations B spécifiques d’un autoantigène. Les résultats de cette approche seront très intéressants à analyser dans les prochains mois, car cela peut permettre d’induire une tolérance spécifique contre des peptides, en particulier des peptides citrullinés.
Les mécanismes impliqués dans la destruction articulaire
La prolifération synoviocytaire par défaut d’apoptose
Les synoviocytes constituent le principal composant cellulaire de la couche bordante de la synoviale. Ils sont soit de type macrophagique, soit de type fibroblastique. Des travaux récents ont montré l’existence de populations fibroblastiques et macrophagiques spécifiques et fonctionnellement différentes dans la synoviale rhumatoïde.
Les macrophages activés présents dans la synoviale sont les “moteurs” de la réaction inflammatoire locale en produisant des médiateurs primaires de l’inflammation, tels que des prostaglandines, des leucotriènes, des radicaux libres, des enzymes ou encore des cytokines pro-inflammatoires et principalement le TNF, l’IL-6 et l’IL-1β. Ces macrophages prolifèrent sous l’effet d’une cytokine comme le granulocyte-macrophages colony stimulating factor (GM-CSF).
Les synoviocytes fibroblastiques ont également une capacité de prolifération qui est plutôt consécutive à un défaut d’apoptose, du fait d’une surexpression de facteurs antiapoptotiques. Il existe d’ailleurs, comme dans certaines tumeurs, une augmentation de plusieurs proto-oncogènes. Une mutation de la protéine p53 observée dans certaines tumeurs est également observée dans les synoviocytes de PR et pourrait contribuer au prolongement de la durée de vie de ces cellules. Il a été imaginé de cibler ces facteurs responsables de la prolifération synoviocytaire, car les FLS participent à l’inflammation chronique et à la destruction articulaire. Dans certains modèles, ces FLS sont considérés comme des cellules “migratrices” par voie sanguine capables de favoriser l’extension d’une PR.
Les facteurs d’activation ostéoclastique et de chondrolyse
La destruction articulaire observée dans la PR comporte à la fois un pincement articulaire, ou chondrolyse, et des érosions osseuses plus typiques de ce rhumatisme inflammatoire. Les chondrocytes qui composent le cartilage sont activés en particulier par des cytokines pro-inflammatoires IL-1β et IL-6 produites par les synoviocytes fibroblastiques, phénomène qui aboutit à la production de médiateurs tels que les enzymes protéolytiques de type métalloprotéinase (MMP) responsables de la chondrolyse. Les érosions osseuses sont quant à elles plutôt consécutives à l’activation des ostéoclastes sous l’effet, entre autres, de la cytokine “receptor activator of nuclear factor-Kappa B ligand” (RANKL) qui se lie au récepteur RANK membranaire présent sur les ostéoclastes. RANKL est exprimée à la surface des cellules de la lignée ostéoblastique mais aussi des cellules endothéliales, des lymphocytes activés ou des cellules mésenchymateuses sous l’effet des cytokines pro-inflammatoires TNF, IL-1β ou IL-6. Ces facteurs sont potentiellement des cibles thérapeutiques intéressantes.
Comment cibler les protéines impliquées dans la destruction articulaire ?
L’inhibition des MMP ou le développement d’inhibiteurs de la prolifération synoviale ont été envisagés, mais sans réel succès, et surtout avec des effets indésirables importants qui limitent leur utilisation. Il en est de même à ce jour pour l’utilisation des inducteurs de l’apoptose synoviale.
La modulation de l’ostéoclastose semble plus prometteuse. Le blocage de l’ostéoclastose peut se faire par l’inhibition des cytokines pro-inflammatoires, mais son inhibition directe est également possible. Un anticorps monoclonal anti-RANKL (dénosumab), qui a obtenu une AMM européenne dans l’ostéoporose, a été évalué dans la PR [23]. Les résultats montrent une capacité à prévenir le développement d’érosions osseuses, mais il ne semble y avoir aucun effet sur la destruction cartilagineuse ou sur les paramètres cliniques et biologiques d’inflammation. Cette absence d’efficacité sur les données cliniques de la maladie rend peu probable l’utilisation de cette biothérapie en monothérapie dans la PR. Cette molécule pourrait s’utiliser en association avec une autre biothérapie anti-inflammatoire avec l’objectif de mieux bloquer la destruction osseuse articulaire.
D’autres anticorps monoclonaux ciblant la survie des synoviocytes et des macrophages ont été testés. Le mavrilimumab est un anticorps monoclonal dirigé contre le récepteur du GM-CSF, lequel joue un rôle dans l’activation, la différenciation et la survie des macrophages et des PNN. Les résultats des études de phase II qui étaient encourageants n’ont pas été confirmés, aussi son développement pour le traitement de la PR a-t-il été arrêté.
Les mécanismes d’activation intra‑cellulaire
Les voies de signalisation
Lorsqu’un ligand se fixe sur un récepteur membranaire, il produit une modification de la conformation du récepteur qui active une phosphorylation médiée par des enzymes (kinases) associées à la partie intracellulaire du récepteur. Cette phosphorylation entraîne l’activation d’autres enzymes qui activent, à leur tour, les facteurs de transcription. Ces derniers régulent la synthèse protéique en agissant sur le promoteur de gènes présents dans l’ADN du noyau. Par exemple, toutes les cytokines et les facteurs de croissance agissent par activation de kinases dans une cascade de phosphorylation qui mène à la transcription.
Les principales voies de signalisation impliquées dans l’inflammation sont la voie des “mitogen-activated protein kinases” (MAPK), la voie des Janus kinases (JAK) et la voie de NFκB. Ces différentes voies de signalisation contrôlent la synthèse de protéines participant à l’inflammation de la synoviale et à la destruction articulaire. Elles régulent l’activation des gènes codant pour des cytokines pro-inflammatoires, des médiateurs de l’inflammation, de l’angiogenèse, du recrutement cellulaire (molécules d’adhésion, chimiokines) et des MMP.
Comment cibler les voies de signalisation intracellulaire ?
L’inhibition des voies de signalisation de l’inflammation est un objectif thérapeutique depuis plus de 20 ans [24]. Des inhibiteurs de la voie des MAP-kinases, de NFκB, de Syk ont déjà été testés en clinique, mais sans beaucoup de succès, souvent en raison d’effets indésirables. L’inhibition peut se faire par l’utilisation de petites molécules synthétiques (tsDMARD). Cette immunomodulation est compliquée, car elle n’est pas très spécifique, ce qui expose à la modulation de mécanismes physiologiques qui peuvent induire des effets indésirables. En revanche, ces petites molécules de synthèse sont administrables par voie orale avec une demi-vie courte. Certaines molécules ont montré une efficacité certaine dans le traitement de la PR. C’est le cas d’inhibiteurs des JAK comme le baricitinib (inhibiteur des voies JAK1 et JAK2), le tofacitinib (inhibiteur des voies JAK3 et JAK1), l’upadacitinib et le filgotinib (inhibiteurs préférentiels de JAK1), qui ont obtenu une AMM dans la PR. L’efficacité de ces petites molécules, comparable, voire supérieure à celle des biothérapies (anti-TNF, anti-IL-6R, rituximab, abatacept) a ouvert une nouvelle voie thérapeutique, mais l’estimation de leur rapport bénéfice/ risque doit encore être réévaluée compte tenu d’un sur-risque cardiovasculaire et peut-être néoplasique chez certains sujets prédisposés.
D’autres kinases peuvent être ciblées. Des inhibiteurs de l’activation du lymphocyte B médiée par la “Bruton’s tyrosine kinase” (BTK) n’ont pas montré d’efficacité dans la PR. D’autres molécules sont en cours d’évaluation.
La thérapie génique a longtemps été une voie d’intérêt. Le principe était de favoriser la production de cytokines anti-inflammatoires comme l’IL-10 en utilisant comme vecteurs des adénovirus comportant un plasmide qui contient un ADN codant pour une cytokine anti-inflammatoire. Malgré une recherche intensive, il n’y a pas de traitement disponible utilisant cette technologie dans la PR. L’émergence de nouveaux outils comme CRISPR-Cas9 pourrait relancer cette stratégie.
Avec le développement des techniques vaccinales contre le Covid-19, utilisant les adénovirus ou encore de l’ARN messager (ARNm) codant pour une protéine spécifique, cette voie thérapeutique a été remise au goût du jour. Le concept de la thérapie à ARN consiste à faire produire aux cellules qui les incorporent soit des protéines qui génèrent une réponse immunitaire, soit des protéines immunorégulatrices, ou encore des autoantigènes modifiés qui vont induire une réponse anti-inflammatoire T régulatrice. Il est également possible d’interférer avec l’expression de protéines en transfectant un ARNm comprenant une séquence ciblant l’ARNm de la protéine d’intérêt et une séquence avec une endonucléase qui va cliver l’ARN de la protéine cible pour empêcher sa traduction (CRISPR-Cas9). Un vaccin induisant une réponse immunitaire avec de l’ARNm codant pour une protéine représente donc une voie potentielle qui est encore au stade expérimental murin. L’une des cibles proposées est la protéine “fibroblast activation protein” (FAP) qui est fortement exprimée sur les synoviocytes de PR et non sur les synoviocytes d’arthrose. Un ARNm de FAP, modifié par introduction d’une mutation pour inactiver l’activité enzymatique sérine-protéase de FAP, a été créé puis inséré dans une nanoparticule capable de traverser les membranes lipidiques des cellules. Pour le moment, ce vaccin a été testé dans un modèle d’arthrite chez la souris avec la présence d’anticorps anti-FAP mutée et moins d’articulations gonflées. La dernière étape de développement chez l’Homme doit maintenant être évaluée.
Conclusion
La prise en charge de la PR a bénéficié de l’explosion des connaissances immunomicrobiologiques de cette maladie qui ont permis de mieux comprendre sa pathogénie. Ces progrès formidables ont conduit au développement de thérapeutiques immunomodulatrices ciblées qui sont un progrès majeur pour les patients. Pour l’instant, les biomédicaments, qui ciblent des cytokines et des cellules de l’immunité, et les petites molécules chimiques, qui inhibent les voies de signalisation intracellulaire, restent des traitements suspensifs. La guérison n’est donc pas encore obtenue malgré ces progrès thérapeutiques, mais elle commence à être envisagée, car on a découvert des mécanismes inducteurs précoces et des facteurs de pérennisation très importants. Des stratégies utilisant des thérapies cellulaires, des anticorps bispécifiques, des modifications de l’ADN ou des ARN peuvent maintenant être imaginées et évaluées. De nouvelles perspectives s’envisagent aussi pour moduler, dès le stade préclinique les facteurs exposomaux exogènes et/ ou endogènes. Néanmoins, pour agir “avant les premiers signes cliniques”, il faut être capable de prédire le risque de maladie avec une plus grande efficacité. D’ores et déjà, il est possible de combiner des mesures de “bien-être” préventif comme l’activité physique, le contrôle du stress, l’éviction des toxiques (notamment du tabac), l’hygiène buccale et une alimentation équilibrée sans produits transformés. L’avenir nous dira s’il est pertinent de combiner ces mesures à des stratégies d’immunorégulation et/ ou de microbiorégulation précoce. Cet avenir est enthousiasmant… La prévention et peut-être la guérison de la PR sont en vue !




