Éditorial

La pseudopolyarthrite rhizomélique : à la recherche de standards


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La pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR) est une maladie inflammatoire fréquente dont l’incidence s’accroît entre 50 et 80 ans. Le dia­gnostic est fondé sur des éléments cliniques, mais avec un apport significatif des données d’imagerie récentes. Le traitement repose sur la corticothérapie générale et comporte donc un problème de tolérance dans un contexte de sujets âgés présentant fréquemment des comorbidités [1‑3]. Plusieurs éléments restent à discuter et à standardiser dans cette maladie.

La situation nosologique

La PPR est un syndrome relié à l’artérite giganto­cellulaire dans un spectre commun, avec une signature interleukine 6 (IL-6) [4]. De nouvelles conditions de survenue ont été rapportées (apparition sous inhibiteurs de points de contrôleimmunitaire) [5], qui élargissent d’autant le champ d’intérêt.

L’absence de gold standard

En effet, les critères de classification, souvent utilisés pour le dia­gnostic, correspondent à un faisceau d’arguments essentiellement cliniques, parmi lesquels un marqueur biologique d’inflammation et l’adjonction de l’imagerie par échographie lors des dernières propositions de critères [6]. Il n’existe cependant pas de marqueurs spécifiques tels que les anti­-CCP pour la polyarthrite rhumato­ïde. Cela peut poser un problème en raison de l’incertitude du dia­gnostic alors qu’il s’agit d’engager une corticothérapie générale sur plusieurs mois chez des patients potentiellement fragiles.

L’imagerie a incontestablement apporté une dimension nouvelle dans la démarche dia­gnostique [3, 7]

D’abord par l’échographie, dont les modifications à type de bursite et/ ou ténosynovite de la ceinture scapulaire et de la ceinture pelvienne peuvent être prises en compte dans les critères actuels de classification. L’apport de la TEP représente également une aide au dia­gnostic par la mise en évidence de lésions hyper­métaboliques sur certains sites de prédilection (épaules, trochanters, ischions, bourses interépineuses), en particulier en cas de localisations multi­ples [8]. Cette technique permet également de dépister une atteinte artérielle associée, d’orienter vers une lésion néoplasique dans le cadre d’une PPR associée, ou encore de dépister une autre lésion susceptible d’induire un syndrome inflammatoire et des signes généraux (pathologie infectieuse, notamment) [9]. Ces progrès soulèvent la question légitime de la place de l’imagerie à la phase initiale de la maladie pour le dia­gnostic et, éventuellement, pour le pronostic. Compte tenu du coût et de sa disponibilité relative, faut-il réserver l’examen à certaines situations de doute dia­gnostique ou de suspicion d’une atteinte artérielle ?

L’évaluation de l’activité de la maladie

C’est un autre problème, dans la mesure où l’objectif thérapeutique est le contrôle de cette activité inflammatoire et l’obtention d’une rémission ou d’un faible niveau d’activité, dans une démarche de stratégie de treat-to-target (T2T) [10]. Les marqueurs biologiques de l’inflammation, et en particulier la protéine C réactive, représentent l’outil le plus couramment utilisé. Il en existe cependant un autre incluant des paramètres cliniques et biologiques, validé pour la PPR, et comportant des seuils d’activité et de définition de rechute. Il s’agit du DAS-PPR, ou PMR-AS [11], qui permet la quanti­fication de l’état inflammatoire en réduisant également l’impact de la CRP dans le calcul de ce score. Il est trop peu utilisé dans les études actuellement publiées.

Le traitement repose sur la corticothérapie générale

Lorsque le clinicien est suffisamment convaincu du diagnostic, il propose une dose initiale se situant entre 12,5 et 25 mg d’équivalent prednisone [12]. L’objectif est le contrôle de la maladie inflammatoire selon une stratégie de T2T, et la prévention d’éventuelles complications vasculaires de la maladie [10]. La phase initiale est suivie, une fois l’inflammation contrôlée, par une décroissance progressive de la cortico­thérapie générale. Deux écueils principaux émergent dans cette stratégie thérapeutique. D’une part, le risque de cortico­résistance ou de cortico­dépendance, n’auto­risant pas la poursuite de la diminution de la cortico­thérapie, qui, dès lors, doit souvent être maintenue à des doses supérieures à 5, voire 10 mg d’équivalent prednisone par jour, et, d’autre part, le risque d’effets indésirables d’une cortico­thérapie prolongée sur plusieurs mois, chez des patients volontiers âgés et présentant quelquefois de multi­ples comorbidités qui nécessitent d’être prises en compte dès l’étape initiale de prise en charge. Se pose donc légitimement la question de l’utilisation potentielle de traitements d’épargne cortisonique dans cette population. Le méthotrexate avait été proposé, mais le niveau de preuve est modeste. Les résultats avec les anti­-TNF n’ont pas été concluants. Des résultats plus consistants ont été obtenus avec le ciblage de l’IL-6, en particulier avec le tocilizumab [13‑16], soit en induction de traitement [13, 15], soit plutôt en 2e intention, en cas de cortico­résistance ou d’impossibilité de diminution de la posologie quotidienne de prednisone en dessous d’un certain seuil [16]. Des études sont en cours avec les inhibiteurs de JAK. Il conviendra, là aussi, de définir la place exacte de ces traitements d’épargne cortisonique dans la stratégie thérapeutique globale, en tenant compte de leurs coûts, de leur profil de tolérance et de leur capacité éventuelle à réduire la dose cumulative totale de prednisone dans cette population particulière.

Les réponses à ces différentes questions pourront être fournies par des études cliniques et thérapeutiques, et justifieront une mise à jour des recommandations actuelles.

Références

1. Buttgereit F et al. Polymyalgia rheumatica and giant cell arteritis: a systematic review. JAMA 2016;315(22):2442-58.

2. Raheel S et al. Epidemiology of polymyalgia rheumatica 2000-2014 and examination of incidence and survival trends over 45 years: a population-based study. Arthritis Care Res (Hoboken) 2017;69(8):1282-5.

3. Lundberg IE et al. An update on polymyalgia rheumatica. J Intern Med 2022;292(5):717-32.

4. Ghosh N et al. Identification of outcome domains in immune checkpoint inhibitor-induced inflammatory arthritis and polymyalgia rheumatica: A scoping review by the OMERACT irAE working group. Semin Arthritis Rheum 2023;58:152110.

5. Tomelleri A et al. Disease stratification in GCA and PMR: state of the art and future perspectives. Nat Rev Rheumatol 2023;19(7):446-59.

6. Dasgupta B et al. 2012 provisional classification criteria for polymyalgia rheumatica: a European League Against Rheumatism/American College of Rheumatology collaborative initiative. Ann Rheum Dis 2012;71(4):484-92.

7. Mekenyan L et al. Imaging methods in polymyalgia rheumatica: a systematic review. Rheumatol Int 2023;43(5):825‑40.

8. Wendling D et al. Positron emission tomography: the ideal tool in polymyalgia rheumatica? Joint Bone Spine 2014;81(5):381-3.

9. Sondag M et al. Utility of 18F-fluoro-dexoxyglucose positron emission tomography for the diagnosis of polymyalgia rheumatica: a controlled study. Rheumatology (Oxford) 2016;55(8):1452-7.

10. Dejaco C et al. Treat-to-target recommendations in giant cell arteritis and polymyalgia rheumatica. Ann Rheum Dis 2024;83(1):48-57.

11. Leeb BF, Bird HA. A disease activity score for polymyalgia rheumatica. Ann Rheum Dis 2004;63(10):1279-83.

12. Dejaco C et al. 2015 Recommendations for the management of polymyalgia rheumatica: a European League Against Rheumatism/American College of Rheumatology collaborative initiative. Ann Rheum Dis 2015;74(10):1799-807.

13. Devauchelle-Pensec V et al. Efficacy of first-line tocilizumab therapy in early polymyalgia rheumatica: a prospective longitudinal study. Ann Rheum Dis 2016;75(8):1506-10.

14. Lally L et al. Brief report: a prospective open-label phase IIa trial of tocilizumab in the treatment of polymyalgia rheumatica. Arthritis Rheumatol 2016;68(10):2550-4.

15. Bonelli M et al. Tocilizumab in patients with new onset polymyalgia rheumatica (PMR-SPARE): a phase 2/3 randomised controlled trial. Ann Rheum Dis 2022;81(6):838-44.

16. Devauchelle-Pensec V et al. Effect of tocilizumab on disease activity in patients with active polymyalgia rheumatica receiving glucocorticoid therapy: A randomized clinical trial. JAMA 2022;328(11):1053-62.


Liens d'intérêt

D. Wendling déclare avoir des liens d’intérêts avec AbbVie, Amgen, BMS, Fresenius Kabi, Galapagos, Grünenthal, Janssen, Lilly, MSD, Nordic Pharma, Novartis, Pfizer, Roche Chugai, Sandoz, UCB.