Les nouvelles catégorisations cliniques et leurs conséquences
- La pharmacodynamie a profondément modifié la catégorisation clinique des antibiotiques.
- La nouvelle catégorie “sensible à forte posologie” ou “sensible à forte exposition”, qui remplace l'ancienne catégorie “intermédiaire”, doit être une incitation forte à l'utilisation des antibiotiques concernés.
- Le succès du projet de mise en œuvre des nouvelles recommandations tient tout autant – sinon plus – dans les efforts consacrés aux actions pédagogiques menées auprès des cliniciens (et des étudiants), qu'à la qualité des actions entreprises pour modifier et améliorer la présentation des résultats.
Liens d'interêts
F. Schramm, C. Ménard, F. Jehl déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec l’article.
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Figure 1. Le cut-off épidémiologique (ECOFF), les breakpoints cliniques et PK/PD (d’après EUCAST MIC database). Pour le couple ceftazidime/E. coli (plus de 15 000 souches), les histogrammes représentent la fréquence de répartition des CMI des souches sensibles. Le cut-off épidémiologique est la CMI la plus élevée de cette répartition (prise en réalité à 97,5 % de l’effectif). Elle est de 0,5 mg/L dans le cas présent. Les droites vertes représentent les breakpoints cliniques de la ceftazidime pour E. coli (1 et 4 mg/L). Il est impératif que les concentrations critiques cliniques d’un antibiotique ne coupent pas la population sauvage en 2. En d’autres termes, l’ECOFF doit toujours, dans la mesure du possible, être inférieur à la concentration critique clinique basse. Les droites orange représentent les breakpoints PK/PD de la ceftazidime (4 et 8 mg/L).

Figure 2. La “logique” PK/PD. Les modèles d’infections expérimentales permettent de déterminer les paramètres dits “pharmacodynamiques” qui seront le plus fidèlement prédictifs de l’efficacité bactérioclinique et/ou de la capacité à prévenir l’émergence de résistance de chacun des antibiotiques concernés en fonction de leurs modalités de bactéricidie dynamique. Est explorée l’influence des posologies unitaires, du fractionnement plus ou moins important de la posologie totale journalière, des différentes voies d’administration, de l’espèce bactérienne utilisée dans l’infection expérimentale et de la sensibilité des diverses souches bactériennes utilisées (CMI). Ces modèles permettent ainsi de dégager clairement quel est le paramètre clé pour l’antibiotique en question : temps pendant lequel les concentrations sériques sont supérieures à la CMI (T > CMI), ratio aire sous la courbe par CMI (ASC/CMI), quotients inhibiteurs au pic sérique ou à la résiduelle sérique (Cmax/CMI ou Crésiduelle/CMI).

Figure 3. Les paramètres PK/PD. A) T > CMI : il s’agit du temps pendant lequel les concentrations sériques sont supérieures à la CMI de l’antibiotique. Dans le cas présent, celui d’une administration intraveineuse directe et d’une CMI égale à 5 mg/L, les concentrations sont supérieures à cette valeur pendant 10 h, soit 42 % de l’intervalle entre 2 administrations. Si la CMI est égale à 1 mg/L, le T > CMI augmente naturellement à 83 %. B) ASIC : ASC/CMI. La surface sous la courbe à considérer pour le calcul est celle obtenue par les concentrations supérieures à la CMI. Dans le cas exposé, il s’agit d’une seule administration par 24 h. Le principe du calcul reste le même pour 2, 3, ou plus d’administrations par 24 h. C) Concentration de prévention des mutants résistants (CPM) et fenêtre de sélection (FS). La population bactérienne (en vert), avec sa propre CMI (en vert), possède des mutants résistants préexistants (en noir), avec leurs propres CMI (en noir) plus élevées. Si la population de départ, comme dans le cas présent, est très sensible, la CPM (CMI en noir) reste relativement basse. Si le niveau de “départ” se situe plus haut, comme c’est le cas de la population principale – en noir dans cet exemple –, les mutants préexistants auront donc des CMI (en rouge) situées à un niveau plus élevé : c’est la CPM de la population en noir.

Figure 4. Exemple du ceftobiprole (d’après WA. Craig et al. [5]). A) Étape 1 : détermination du paramètre clé pour un antibiotique. Dans le modèle d’infection expérimentale utilisé dans cet exemple, le dénombrement des bactéries survivantes au niveau du site infectieux (en ordonnée) montre clairement que la corrélation avec l’effet bactéricide est optimale avec le paramètre T > CMI. B) Étape 2 : détermination du prérequis à atteindre, de la cible (target). Pour S. aureus, le prérequis à atteindre est de 40 %, ce qui permet d’avoir une bactéricidie légèrement supérieure à 2 logs. Pour le pneumocoque, on obtient une bactéricidie de 4 logs avec un objectif de T > CMI = 50 %, et enfin, pour les bactéries à Gram négatif, une bactéricidie > 2 logs est obtenue pour un T > CMI = 70 %.

Figure 5. Calcul du breakpoint PK/PD. A) Pour un antibiotique temps-dépendant, dont le paramètre clé est T > CMI, ayant un prérequis de T > CMI = 50 %. À 12 h (temps = 50 % de l’intervalle), la posologie 1 de l’antibiotique donne une concentration égale à C1. Pour une bactérie responsable d’infection, toute CMI mesurée ponctuellement inférieure ou égale à C1 répond à l’exigence de T > CMI = 50 %, C1 étant la valeur maximale permettant encore de répondre à cette exigence. C1 est donc la concentration critique de cet antibiotique, mais pour la posologie 1. L’augmentation de la posologie (posologie 2) aboutit à un breakpoint égal à C2, C2 étant supérieur à C1. Le breakpoint PK/PD de cet antibiotique dépend donc bien de la posologie, pour un objectif de T > CMI = 50 %, soit propre à une espèce ou à un genre bactérien donné. Ces valeurs peuvent être différentes avec une autre bactérie. B) Pour un antibiotique dont le paramètre clé est le rapport ASC/CMI. Tant que ce rapport n’est pas optimal, la bactéricidie ne l’est pas non plus ; l’effet maximal est obtenu pour un rapport ASC/CMI optimal. Comme la posologie est fixe, ce rapport ne s’optimise que parce que la CMI diminue. Le breakpoint de cette posologie est donc la première CMI autorisant un rapport optimal. Si on peut augmenter la posologie sans risque, l’ASC augmente et donc le rapport reste le même avec une CMI double de la précédente, qui devient le breakpoint de cette posologie [9].

Figure 6. Les simulations de Monte-Carlo. Exemple d’une bêta-lactamine quelconque, dont le prérequis est T > CMI = 60 %. L’étude pharmacocinétique de population, réalisée sur un effectif faible à la posologie de 500 mg administrés toutes les 8 h en perfusion de 2 h, a abouti à cette courbe d’élimination sérique (points bleus) dont l’équation de type classique bi-exponentielle donne la courbe théorique orange. Cette équation, vu la faiblesse de l’effectif, est assortie d’une grande variabilité de ses différentes composantes, et il est plus licite de représenter les 2 courbes extrêmes décrivant les points pharmacocinétiques (pointillés). La simulation de Monte-Carlo consiste alors à faire tirer au hasard par un ordinateur plusieurs dizaines ou centaines de milliers de valeurs, toutes comprises entre ces 2 courbes. On considère, dans un deuxième temps, l’ensemble des CMI que peut prendre cette molécule sur l’ensemble des souches entrant dans le spectre de l’antibiotique (à travers les grandes études épidémiologiques régulièrement réalisées), par exemple de 0,05 à 256 mg/L. On fait calculer par l’ordinateur quelle est, pour chacune de ces CMI, la probabilité de répondre au prérequis de T > CMI = 60 % dans l’effectif des dizaines de milliers de concentrations retenues par le tirage au sort, ce qui revient à calculer la PTA pour cette CMI [10].

Figure 7. Représentation des résultats d’une simulation de Monte-Carlo réalisée sur le ceftobiprole (d’après AE. Muller et al. [10]).Pourcentage de patients atteignant une valeur donnée de T > CMI pour différentes CMI. Il s’agit donc de la PTA pour ces différentes CMI. On constate que pour un objectif de T > CMI = 40 % (staphylocoque), on dispose d’une PTA de 90,1 % jusqu’à une CMI de 8 mg/L. Or, le breakpoint clinique officiel du ceftobiprole pour S. aureus est de 2 mg/L. Cela confère ainsi à la molécule une grande marge de sécurité d’utilisation. En effet, une mesure de CMI est régulièrement entachée d’une erreur de 1, voire 2 dilutions. Dans un tel cas, mesurer comme étant à 2 (donc sensible) une CMI, qui en réalité est à 4 mg/L, ne fait courir aucun risque quant à la garantie d’atteindre malgré tout le prérequis PK/PD. Dans l’exemple présent, le même constat est fait pour les entérobactéries : PTA de 92 % pour un prérequis de T > CMI = 70 % jusqu’à une CMI = 4 mg/L, alors que le breakpoint est à 0,25 mg/L.

Figure 8. Exemples de formulations utilisées pour les résultats d’antibiogramme. Des exemples de formulations possibles des résultats d’antibiogramme sont donnés pour une bactérie classique (E. coli) disposant de breakpoints cliniques spécifiques (A), et pour une bactérie (Eikenella corrodens) dépourvue de concentrations critiques cliniques (B). Les résultats saisis dans le SIL sont présentés dans l’encart de gauche, et la présentation des résultats figurant sur le compte-rendu papier ou disponibles sur le serveur de résultats est affichée dans l’encart de droite.

Antibiotiques | QI résiduel | QI pic | ASC/CMI | T > CMI |
---|---|---|---|---|
Bêta-lactamines | 4-8 (infections sévères) | 250 (prévention résistance) | 40-80 % (selon le couple antibiotique/bactérie) | |
Aminosides | 10 | |||
Fluoroquinolones | 12 (prévention résistance) | 250 (efficacité) | ||
Glycopeptides | 8-10 | 400 (efficacité) 600 (prévention résistance) |