Syndromes démyélinisants liés à des thérapeutiques immunomodulatrices ciblées
- Les anti-TNF sont délétères chez les sujets atteints d'une pathologie démyélinisante préexistante et sont contre-indiqués chez les patients ayant des antécédents de maladie démyélinisante.
- La fréquence des événements démyélinisants “de novo” ne semble pas significativement augmentée sous anti-TNF au cours des rhumatismes inflammatoires chroniques.
- Certains tDMARD, comme les anti-CD20 et peut-être les anti-IL-6R, l'abatacept et les inhibiteurs de JAK, pourraient permettre de contrôler à la fois les rhumatismes inflammatoires chroniques et les pathologies démyélinisantes coexistantes.
- Les autres tDMARD (anti-IL-17, anti-IL-12/23) n'ont pas d'effet démontré sur les systèmes nerveux central et périphérique.
Liens d'interêts
J. Kedra déclare avoir des liens d’intérêts avec la Fondation pour la recherche médicale (subvention dans le cadre d’une thèse de sciences sur la thématique des événements neurologiques sous traitements immunomodulateurs ciblés au cours des rhumatismes inflammatoires chroniques).
B. Fautrel déclare avoir des liens d’intérêts avec AbbVie, Amgen, Biogen, BMS, Celltrion, Fresenius Kabi, Galapagos, Gilead, Janssen, Lilly, Medac, MSD, Mylan, Nordic Pharma, Novartis, Pfizer, Roche, Sandoz, Sanofi Genzyme, Sobi, UCB (subventions de recherche, honoraires).
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Figure 1. Physiopathologie de la sclérose en plaques (d’après X. Wang et al. [4]) (A) et du syndrome de Guillain-Barré (d’après J.L.B. Simões et al. [5]) (B).

Figure 2. IRM cérébrale d’un patient ayant développé une sclérose en plaques après l’instauration d’un traitement anti-TNF.A. Images en séquence T2 FLAIR (à gauche) et T2 (à droite) retrouvant des hypersignaux T2 périventriculaires.B. Images en séquence T1 avec injection de gadolinium retrouvant un rehaussement (*) de certaines lésions périventriculaires, par ailleurs en hyposignal T1.

Figure 3. Schéma du rôle de l’axe IL-23/IL-17 dans la physiopathologie du syndrome de Guillain-Barré (d’après M. Debnath et al. [24]).

Rhumatisme inflammatoire chronique | Épidémiologie | Signes cliniques rhumatologiques |
Signes cliniques non rhumatologiques | Caractéristiques biologiques | Caractéristiques radiographiques |
---|---|---|---|---|---|
Polyarthrite rhumatoïde (PR) |
Ratio 3 femmes/ 1 homme Âge de début : environ 50 ans |
Polyarthrite symétrique, touchant préférentiellement les petites articulations distales, mais épargnant les interphalangiennes distales (IPD) Possible atteinte du rachis cervical (atteinte atlanto-axoïdienne +++) |
Rares (polyarthrite le plus souvent “nue”) mais possibles : atteinte pulmonaire, nodules rhumatoïdes cutanés… | Syndrome inflammatoire biologique Positivité des facteurs rhumatoïdes (FR) Positivité des anticorps antipeptides citrullinés (ACPA) |
Pincements et érosions radiographiques (érosion caractéristique de la tête du 5e métatarsien) |
Spondylarthrite ankylosante (SA) |
Ratio 3 hommes/ 1 femme Âge de début : entre 15 et 40 ans |
Atteinte préférentielle du squelette axial (rachis, articulations sacro-iliaques) avec douleurs inflammatoires et ankylose progressive Atteinte des enthèses (taliennes +++) Atteinte articulaire possible, asymétrique |
Uvéites Possible maladie inflammatoire du côlon et de l’intestin (MICI) associée Possible psoriasis cutané associé |
Syndrome inflammatoire biologique HLA-B27+ Pas d’auto-anticorps |
Rachis : syndesmophytes (ossification des enthèses) avec à terme aspect de colonne bambou, mise au carré des vertèbres Articulations sacro-iliaques : pincement/ érosion des berges articulaires |
Rhumatisme psoriasique (RPso) | Touche de manière égale les femmes et les hommes Âge de début : entre 30 et 50 ans |
Atteinte préférentiellement articulaire, asymétrique, touchant les IPD Ténosynovites, dactylites, enthésites. Atteinte axiale possible mais plus rare |
Psoriasis cutané +++ Uvéite et MICI possibles mais moins fréquents que dans la SA |
Syndrome inflammatoire biologique peu marqué Pas d’auto-anticorps HLA-B27+ (mais moins fréquent que dans la SA) |
Phénomène de destruction articulaire (pincements, érosions) et de reconstruction articulaire (néoformations osseuses juxta-articulaires) |
Classe thérapeutique | Molécules | Indication rhumatologique | Indication neurologique | Effet sur la survenue de syndromes démyélinisants |
---|---|---|---|---|
Anti-TNF | Infliximab Adalimumab Étanercept Certolizumab pégol Golimumab |
PR, SA, RPso | Pas d’indication | Délétère |
Anti-CD20 | Rituximab | PR | SEP (AMM pour l’ocrélizumab dans les formes primaires progressives) Neuromyélite optique (hors AMM) |
Bénéfique |
Anti-IL-6R | Tocilizumab Sarilumab |
PR | Neuromyélite optique (hors AMM) | Peut être bénéfique (neuromyélite optique) |
Inhibiteurs de la costimulation du lymphocyte T | Abatacept | PR | Pas d’indication | Peut être bénéfique sur le SNC (modèles murins) |
Anti-IL-17 | Sécukinumab Ixékizumab |
SA, RPso | Pas d’indication | Pas d’effet démontré |
Anti-IL-12/23 | Ustékinumab | RPso | Pas d’indication | Pas d’effet démontré |
Inhibiteurs de JAK | Tofacitinib Baricitinib Upadacitinib Filgotinib |
PR, RPso PR PR, RPso, SA PR |
Pas d’indication | Peut être bénéfique (modèles murins) |
AMM : autorisation de mise sur le marché ; IL : interleukine ; JAK : Janus kinase ; PR : polyarthrite rhumatoïde ; RPso : rhumatisme psoriasique ; SA : spondylarthrite ankylosante ; SEP : sclérose en plaques ; SNC : système nerveux central ; TNF : tumor necrosis factor.
Localisation | Syndromes démyélinisants |
---|---|
Système nerveux central | Névrite optique rétrobulbaire Sclérose en plaques Myélite transverse Neuromyélite optique |
Système nerveux périphérique | Syndrome de Guillain-Barré Polyneuropathies démyélinisantes inflammatoires chroniques |
Hypothèse | Explication |
---|---|
Défaut de passage hématoméningé des anti-TNF [10, 11] | Les anti-TNF ne peuvent pas traverser la barrière hématoencéphalique, mais ils favoriseraient la pénétration accrue des lymphocytes T périphériques autoréactifs dans le SNC, ce qui aggraverait la démyélinisation |
Diminution de l’expression du récepteur TNFR2 [12, 13] | Les anti-TNF diminuent l’expression du récepteur TNFR2, qui est nécessaire à la prolifération d’oligodendrocytes immatures et donc à la réparation de la myéline |
Altération de la réponse cytokinique [13-15] | Les anti-TNF altéreraient la réponse cytokinique en induisant la régulation négative de l’IL-10 et la régulation positive de l’IL-12 et de l’IFNγ, créant ainsi un profil cytokinique similaire à celui de la SEP |
“Effet éponge” [10, 11] | Les anti-TNF inhibent le TNF à l’échelle systémique mais pas au sein du SNC, générant une haute concentration de TNF au sein du SNC |
Augmentation de la neutralisation du TNF [16] | Le sérum des sujets ayant une SEP a un effet neutralisant sur le TNF ; cet effet neutralisant serait aggravé par l’adjonction de traitements anti-TNF |
Aggravation d’une affection latente [11, 17, 18] | Les anti-TNF pourraient démasquer une infection latente, qui serait un “trigger” déclenchant la survenue d’une SEP |
Sclérose en plaques | Pathologies démyélinisantes du SNP | |
---|---|---|
Traitements | Immunomodulateurs Acétate de glatiramère IFNβ-1a IFNβ-1b Diméthyl fumarate Tériflunomide Immunosuppresseurs Fingolimod (modulateur des récepteurs de la sphingosine 1-phosphate) Mitoxantrone (inihibiteur de la topoisomérase de type 2) Natalizumab (anti-4-intégrine) Alemtuzumab (anti-CD52) Ocrélizumab (anti-CD20) |
Plasmaphérèse Immunoglobulines intraveineuses |