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Efficacité des programmes spécialisés de réadaptation chez les personnes atteintes d'une maladie respiratoire autre qu'une BPCO – Partie1


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  • Les personnes atteintes de pathologie respiratoire partagent des symptômes similaires : dyspnée, toux, faiblesse musculaire périphérique, faible tolérance aux efforts, anxiété ou encore dépression. L'atteinte musculaire périphérique globale, conséquence systé­mique des maladies du souffle, réduit la tolé­rance à l'effort et le niveau d'acti­vité physique. Une faible tolérance à l'effort est un facteur de mauvais pronostic associé à une survie diminuée chez les personnes atteintes de pneumopathie interstitielle, de la mucoviscidose ou d'hyper­tension pulmonaire. Les recommandations publiées par l'American Thoracic Society et l'European Respi­ratory Society précisent la place des programmes de soins pour un grand nombre de pathologies respi­ratoires autres que la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). L'étude de la litté­rature permet de retenir des bénéfices sur plusieurs paramètres et souligne les spécificités des programmes destinés à ces différentes pathologies.

Partie 1 : maladie asthmatique de l'adulte, mucoviscidose, bronchectasies, pneumopathie interstitielle diffuse et fibrose pulmonaire idiopathique

Maladie asthmatique de l'adulte

Une revue Cochrane publiée en 2013 a montré les effets potentiels d'un programme de rééducation pulmonaire sur différents paramètres : les symptômes, l'anxiété, la dépression, les mesures de la qualité de vie liée à la santé chez les patients atteints d'asthme modéré à sévère (1). La consommation maximale d'oxygène (VO2max) était en moyenne statistiquement améliorée de 4,92 ml/kg/mn après un programme de soins non pharmacologiques associant rééducation, éduca­tion et réadaptation. Autre point particuliè­rement important de cette étude, un programme de recondition­nement à l'effort n'a pas provoqué de crises d'hyper­activité bronchique aux efforts chez les personnes dont l'asthme était bien contrôlé et stabilisé médicalement. Une épreuve d'effort préalable permet, dans les situations limites, de rechercher une broncho­constriction induite par l'effort. La participation des patients à de tels programmes réduit leur anxiété, leur “peur d'étouffer à l'effort”. Les bénéfices socio-­économiques de ces programmes n'ont pas pu être démontrés à ce jour.

Les programmes comportent au minimum 2 séances hebdomadaires de 20 minutes de réentraînement sur 4 semaines. Ils doivent être proposés à des sujets dont l'asthme est contrôlé médicalement et les séances d'exercice physique doivent être précédées de la prise des traitements bronchodilatateurs. Le programme de soins se compose d'un travail respiratoire, musculaire périphérique, d'un réentraînement à l'effort et d'une éducation thérapeutique ciblée. Concernant les exercices respiratoires, différentes techniques existent, telles que la respiration lèvres pincées, le renforcement diaphragmatique, la respiration selon les régimes ventilatoires de Buteyko ou encore les exercices de pranayama associés aux postures de yoga. Une revue Cochrane publiée en 2013 (2) n'a pas permis de mettre en évidence la supériorité d'une technique par rapport à l'autre en raison de qualités méthodologiques insuffisantes. Le renforcement des muscles inspirateurs (via un appareil type Threshold®) permet de réduire la dyspnée ainsi que ­l'hyperinflation dynamique et améliore les seuils atteints de tolérance aux efforts (3) lorsqu'il est associé à un travail aérobie. Les thèmes abordés en éducation thérapeutique portent sur différents aspects, comme la gestion des exacerbations ou l'utilisation des bronchodilatateurs.

Mucoviscidose et réadaptation respiratoire

L'espérance de vie des patients atteints de muco­visci­dose en 2012 est en moyenne de 41 ans. La limitation aux efforts est d'origine plurifactorielle : dys­fonction pulmo­naire avec encombrement bronchique, broncho­constriction, altération des échanges gazeux, dys­fonction cardiovasculaire et déconditionnement musculaire périphérique potentiellement associé à une dénutrition.

Plusieurs essais randomisés contrôlés ont démontré un bénéfice des programmes de renforcement musculaire sur la force musculaire et la tolérance à l'effort, et ce quelle que soit la sévérité de la maladie, chez l'adulte comme chez l'enfant. Une revue Cochrane publiée en 2008 avait conclu que les programmes de soins permettaient chez ces patients d'améliorer la force musculaire, le niveau d'activité physique, la qualité de vie liée à la santé et ralen­tiraient la dégradation de la fonction pulmonaire (4).

Outre le renforcement musculaire périphérique et le travail aérobie, les programmes de soins de réadaptation pour les malades atteints de mucoviscidose doivent être particulièrement axés sur l'hygiène bronchique. Les différentes techniques de drainage, instrumentales ou non, doivent être apprises, connues et maîtrisées par le patient. La prévention des surinfections doit être un défi quotidien nécessitant une rigueur sur l'hygiène (port de masque, désinfection du matériel de rééducation). L'apprentissage des postures d'étirement et de souplesse rachidienne en extension est un autre point important. L'éducation thérapeutique est fondamentale (drainage bronchique, nutrition, activité physique régulière, gestion des exacerbations, etc.).

Programmes de soins de rééducation-réadaptation et bronchectasies

Les patients sont gênés par une toux chronique, une dyspnée et une limitation des capacités d'exercice liées à des expectorations abondantes et purulentes. Ces dernières obstruent les bronches entraînant une hyperinflation dynamique à l'origine de la sensation de dyspnée. Ainsi, il apparaît justifié d'inclure pour ces patients dans les programmes de soins une éduca­tion aux techniques d'autodrainage. La place d'un renfor­cement spécifique des muscles inspirateurs est débattue. Une revue de littérature (5) a retrouvé des bénéfices sur les capacités d'exercice, la toux et la dyspnée, mais les effets positifs disparaissent au-delà de 3 mois. Il ne semble pas exister de bénéfices pour les programmes instaurés immédiatement après une exacerbation. Un programme d'éducation thérapeutique spécifique permet de réduire la fréquence des exacerbations sur une période de 1 an chez des patients stables. Les bénéfices en termes de capacité d'exercice et de qualité de vie liée à la santé perçue sont de niveaux équivalents à ceux observés chez les patients atteints d'une BPCO stabilisée. L'amélioration moyenne du test de marche de 6 minutes (TM6) est de 32 mètres, celle du test navette, de 67 mètres, proche de celle objectivée chez les patients atteints de BPCO avec un effet rémanent similaire. En revanche, aucune modification significative de l'aptitude aérobie n'a pu être démontrée. Les auteurs suggèrent un travail comportemental à inclure dans les programmes de soins de réadaptation pour les malades atteints de bronchectasies, popu­lation au sein de laquelle l'obser­vance thérapeutique est souvent limitée.

Programmes de soins chez des patients atteints d'hypertension artérielle pulmonaire

L'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est définie comme une pression artérielle pulmonaire moyenne au repos supérieure à 25 mmHg ou à 30 mmHg à l'effort. Cliniquement, les patients se plaignent d'essoufflement, d'intolérance à l'effort ou de fatigue. La limitation des capacités à l'effort est plurifactorielle : dysfonction musculaire avec une perte de force, diminution proportionnelle des fibres de type 1 et des enzymes mitochondriales, altération des échanges gazeux et dysfonction cardiovasculaire.

Longtemps contre-indiqué, l'exercice physique est désormais autorisé, voire recommandé (6) sous couvert d'un traitement médical (7). Les programmes peuvent être réalisés au choix sur cycloergomètre ou sur tapis de marche. La séance doit être de courte durée à faible intensité et progressive. Les programmes de type “interval training” ne doivent pas être prescrits dans cette indication (recommandations de l'American ­Thoracic Society [ATS] et de l'European Respiratory Society [ERS]), en raison du risque de syncope.

L'incrémentation est basée sur les symptômes et doit rester sous-maximale : 60 à 80 % de la fréquence maximale (FM) déterminée sur l'épreuve d'effort ou 70 à 80 % de la fréquence cardiaque de réserve (7-9). Le renforcement musculaire des membres supérieurs et inférieurs peut être associé si le patient est en mesure de contrôler efficacement sa respiration et d'éviter les manœuvres de Valsalva. Les exercices d'étirement sont également possibles le cas échéant. Les mesures de surveillance habituelles doivent être mises en place : surveillance tensionnelle, du pouls et de la saturation en oxygène, et le réentraînement doit être stoppé dès l'apparition de signes cliniques tels que des palpitations, une hypotension, un malaise ou une syncope (recommandations ATS et ERS).

La revue Cochrane publiée sur le sujet en 2017 (10) a retenu 6 essais randomisés contrôlés. Les auteurs ont conclu à une amélioration moyenne de 60 mètres du TM6 par rapport au groupe témoin (amélio­ration de 5 mètres non significative) avec un minimum de 30 mètres. La VO2 était supérieure en moyenne de 2,4 ml/km/mn chez les patients à l'issue du programme de réhabilitation respiratoire. Aucun effet indésirable notable n'a été rapporté. Les bénéfices en termes d'amélioration des mesures de la qualité de vie liée à la santé n'ont pu être objectivés.

Programmes de soins de réadaptation pour les personnes atteintes de pneumopathie interstitielle diffuse

Les patients atteints de pneumopathie interstitielle diffuse (PID) se plaignent également de dyspnée et d'intolérance aux efforts avec des capacités physiques limitées et une hypoxémie tissulaire à l'effort. Ces altérations sont plurifactorielles : liées à l'atteinte pulmonaire (atteinte ventilatoire, altération des échanges gazeux), cardiocirculatoires (risque d'hypertension artérielle pulmonaire) et périphériques (inflammation systémique, iatrogénie liée aux corticoïdes, déconditionnement). Les explorations fonctionnelles respiratoires au repos ne reflètent pas les limitations rapportées par les patients (11). L'hypo­xémie tissulaire à l'effort peut en effet être profonde et doit être surveillée étroitement lors des exercices de réentraînement. Les douleurs musculaires sont le facteur limitant à l'effort chez 17 % des patients selon les séries.

Une revue Cochrane publiée en 2014 (12) a conclu à des effets positifs des programmes de soins de rééducation­-réadaptation dans cette indication avec une amélioration à court terme de la tolérance à l'effort (+ 44,34 mètres au TM6), une diminution de la dyspnée et une amélioration de la qualité de vie liée à la santé, y compris dans le sous-groupe des personnes atteintes de fibrose pulmonaire. Les bénéfices à long terme semblent plus incertains. Si l'on considère le TM6 et la VO2max comme de bons facteurs pronostiques pour ce groupe de pathologies, les programmes de soins améliorent ces paramètres. Une amélioration des résultats au TM6 et lors des explorations fonctionnelles d'exercice peut contribuer à une réduction de la morbidité. Un essai randomisé contrôlé incluant 142 patients, publié en 2017, a mis en évidence des bénéfices plus modérés : + 25 mètres en moyenne au TM6 (étendue de + 2 à + 47 mètres). Selon l'étiologie et la sévérité des symptômes initiaux, les effets observés varient. Ainsi, en cas d'atteinte liée à une connectivite, les progrès seraient moindres mais plus durables. Les patients les plus sévèrement atteints sont ceux qui progressent le plus, surtout si une incrémentation des efforts ou des exercices a pu être mise en place. Les effets ne perdurent pas à moyen terme, surtout chez les patients ayant une atteinte pulmonaire sévère ou ceux souffrant d'une hypertension artérielle associée.

Le réentraînement à l'effort de tels patients doit prendre en compte le risque particulier de désatu­ration aux efforts et d'hypertension artérielle pulmonaire. La saturation en oxygène en air ambiant cible doit être supérieure à 88 % si besoin à l'aide d'une oxygénothérapie concentrée (FiO2 : 100 %). Les programmes testés comportent un travail aérobie sur tapis ou cycloergomètre (70 % de la vitesse de marche du TM6, 50-60 % de la fréquence cardiaque (Fc) du TM6) et musculaire périphérique des membres supérieurs et inférieurs (séries de 10 à 12 répétitions) pendant 8 semaines en moyenne 3 fois par semaine. Les exercices de type “interval training” peuvent permettre de travailler sur le plan aérobie avec une meilleure tolérance clinique. Idéalement, les exercices doivent être incrémentés, par exemple jusqu'à 85 à 100 % de la vitesse de marche ou 70 à 85 % de la FC maximale. La balnéothérapie est une alternative intéressante en cas de douleurs articulaires inflammatoires associées.

Fibrose pulmonaire idiopathique

Il s'agit une entité particulière qui a fait l'objet d'une revue de la littérature spécifique sur la place des programmes de “pulmonary rehabilitation” en 2016 (13). Selon les auteurs, dans cette indication, les programmes permettent une diminution de la dyspnée, une amélioration de la qualité de vie, des capacités fonctionnelles du T6M et de la VO2max. L'impact pronostique n'a pu être démontré à ce jour : même si les paramètres fonctionnels sont des facteurs pronostiques, les bénéfices des programmes de réadaptation en termes de pronostic n'ont pas été définis. Ces programmes de soins sont recommandés chez les patients atteints de fibrose pulmonaire idiopathique (14).

Références

1. Carson KV, Chandratilleke MG, Picot J et al. Physical training for asthma. Cochrane Database Syst Rev 2013(9):CD001116.

2. Freitas DA, Holloway EA, Bruno SS et al. Breathing exercises for adults with asthma. Cochrane Database Syst Rev 2013(10):CD001277.

3. Shaw BS, Shaw I. Pulmonary function and abdominal and thoracic kinematic changes following aerobic and inspiratory resistive diaphragmatic breathing training in asthmatics. Lung 2011;189(2):131-9.

4. Bradley J, Moran F. Physical training for cystic fibrosis. Cochrane Database Syst Rev 2008(1):CD002768.

5. Lee AL, Hill CJ, McDonald CF et al. Pulmonary rehabilitation in individuals with non-cystic fibrosis bronchiectasis: a systematic review. Arch Phys Med Rehabil 2017;98(4):774-82e1.

6. Desai SA, Channick RN. Exercise in patients with pulmonary arterial hypertension. J Cardiopulm Rehabil Prev 2008;28(1):12-6.

7. Grünig E, Ehlken N, Ghofrani A et al. Effect of exercise and respiratory training on clinical progression and survival in patients with severe chronic pulmonary hypertension. Respiration 2011;81(5):394-401.

8. Chan L, Chin LMK, Kennedy M et al. Benefits of intensive treadmill exercise training on cardiorespiratory function and quality of life in patients with pulmonary hypertension. Chest 2013;143(2):333-43.

9. Fox BD, Kassirer M, Weiss I et al. Ambulatory rehabi­litation improves exercise capacity in patients with pulmonary hypertension. J Card Fail 2011;17(3):196-200.

10. Morris NR, Kermeen FD, Holland AE. Exercise-based rehabilitation programmes for pulmonary hypertension. Cochrane Database Syst Rev 2017;1:CD011285.

11. Holland AE. Exercise limitation in interstitial lung disease - mechanisms, significance and therapeutic options. Chron Respir Dis 2010;7(2):101-11.

12. Dowman L, Hill CJ, Holland AE. Pulmonary rehabilitation for interstitial lung disease. Cochrane Database Syst Rev 2014(10):CD006322.

13. Vainshelboim B, Fox BD, Oliveira J et al. Exercise training in idiopathic pulmonary fibrosis. Expert Rev Respir Med 2016;10(1):69-77.

14. Raghu G, Rochwerg B, Zhang Y et al. An official ATS/ERS/JRS/ALAT clinical practice guideline: treatment of idiopathic pulmonary fibrosis. An update of the 2011 clinical practice guideline. Am J Respir Crit Care Med 2015;192(2):e3-19.


Liens d'intérêt

L. Percebois-Macadré déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.