Partie 2 : pathologies pulmonaires d'origine restrictive, maladies neuromusculaires, cancers bronchopulmonaires, transplantations pulmonaires
Programmes de soins de réadaptation et maladies pulmonaires d'origine restrictive
La littérature pour ces patients est nettement moins riche. Du fait de la diversité des étiologies d'origine restrictive (pneumopathies interstitielles diffuses exclues), les études de bonne qualité méthodologique sont rares. Les déformations scoliotiques et cyphotiques concernent à la fois les enfants et les adultes de tout âge. Elles entraînent un syndrome restrictif lié au manque d'expansion de la cage thoracique et une altération de l'hématose. Cliniquement, le tableau peut être caractérisé par une dyspnée d'effort, une toux chronique avec des difficultés d'expectoration, des douleurs thoraciques ou rachidiennes et une fatigabilité excessive. Les programmes de soins de réadaptation destinés à ces patients doivent comporter des exercices respiratoires spécifiques : exercices asymétriques de mobilisation de la cage thoracique, renforcement musculaire spécifique (extenseurs du rachis, muscles ouvreurs de la ceinture scapulaire, autodrainage, exercices de relaxation, etc.).
Une revue de la littérature a été publiée en 2017 sur l'intérêt du renforcement des muscles inspirateurs chez les enfants et adolescents souffrant de maladie neuromusculaire avec trouble de la statique rachidienne. Aucune recommandation n'a pu être rédigée pour des raisons de qualité méthodologique insuffisante (peu d'études, petits échantillons, hétérogénéité des données) [1]. S. Fuschillo et al. en 2015 ont publié les résultats d'une étude portant sur un programme de soins de réadaptation chez 23 patients cyphoscoliotiques avec une atteinte respiratoire sévère (oxygénothérapie ou ventilation non invasive) [2]. Il en ressort une amélioration de 38 mètres en moyenne du test de marche de 6 minutes (TM6) après une durée de programme de 4 à 6 semaines ; 39 % des patients augmentent leur distance parcourue d'au moins 35 mètres (différence clinique minimale significative). À long terme, en revanche, les gains ne sont pas maintenus. Selon B. Salhi et al. (3), les programmes de soins en réadaptation chez les patients insuffisants respiratoires restrictifs sont d'autant plus efficaces que la durée et l'observance du programme sont poursuivies dans le temps.
Programmes de soins de réadaptation et maladies neuromusculaires
Une revue de la littérature publiée en 2007 (4) a conclu, avec un niveau de preuve de grade 2, à un effet bénéfique (une probable efficacité) du renforcement musculaire associé au travail aérobie chez les patients atteints de maladie neuromusculaire. Chez les patients souffrant d'une sclérose latérale amyotrophique, le renforcement musculaire à basse intensité semble adapté et améliore le score de 3,21 points sur l'échelle fonctionnelle ALSFRS (Amyotrophic Lateral Sclerosis Functional Rating Scale) qui en comporte 32 (soit une amélioration de 10 %). Les effets sur les mesures de la qualité de vie liée à la santé, la fatigue ou la force musculaire n'ont pas été démontrés à ce jour. Aucun effet délétère en termes de fatigue, de crampes ou de douleurs musculaires n'a été rapporté (5). Les exercices de respiration seraient bénéfiques chez les patients atteints de myasthénie et de dystrophie de Steinert (4). Les exercices de renforcement des muscles inspiratoires doivent être évités en cas d'hypercapnie ou de faible capacité vitale (6).
La prescription du programme de reconditionnement aux efforts doit prendre en compte les doléances du patient : renforcement musculaire spécifique en cas de tâche limitée, réentraînement à l'effort en cas d'intolérance à l'effort, renforcement des muscles respiratoires si le facteur pulmonaire a été identifié comme limitant (6).
Autre aspect de la réadaptation respiratoire, l'éducation thérapeutique apparaît primordiale dans ce contexte, notamment sur la question de l'autogestion de la ventilation non invasive par le patient (autosoins).
Si les données de la littérature sont plus rares dans ces dernières indications, la place des programmes de soins de réadaptation chez les patients porteurs de tumeurs bronchopulmonaires est clairement admise.
Programmes de soins de réadaptation et cancers d'origine pulmonaire
De nombreux cancers du poumon surviennent sur un terrain de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Dans ce contexte de symptômes accessibles aux programmes spécialisés de soins de réadaptation, l'efficacité des soins est reconnue. L'intolérance à l'exercice est plurifactorielle : changements structurels pulmonaires, altération des échanges gazeux, faiblesse musculaire périphérique et déconditionnement. La faiblesse musculaire peut être en lien avec une sous-utilisation, mais aussi due à l'inflammation chronique ou à un syndrome paranéoplasique de Lambert-Eaton. Une faible tolérance aux efforts est associée à des suites opératoires plus complexes, une moins bonne réponse à la chimiothérapie et une survie réduite. La limite a été définie à 15 ml/kg/mn. L'équipe de A. Brunelli a proposé un arbre décisionnel basé sur le volume expiratoire maximal par seconde (VEMS), la diffusion pulmonaire du monoxyde de carbone (DLCO), la consommation maximale d'oxygène (VO2max) et le rapport ventilation minute/production de dioxyde de carbone (VE/VCO2) pour définir le risque opératoire des patients atteints d'un cancer d'origine pulmonaire (7). Les programmes de soins de réadaptation pour ces patients étaient mis en œuvre sur une durée de 4 à 7 semaines. Les effets des programmes concernent l'augmentation de la distance parcourue au TM6 (+ 49 mètres), la VO2max (+ 3,3 ml/kg/mn) et la force musculaire (n = 160). Un essai randomisé contrôlé mené sur 24 patients a objectivé une amélioration sur la VO2max (+ 1,6 ml/kg/mn) [8]. Cette amélioration de la VO2max permettrait à un patient jugé à risque avant une intervention de bénéficier d'une chirurgie en minimisant les risques per- et postopératoires.
En période postopératoire, l'effet sur l'endurance, la force musculaire et la dyspnée a été démontré. E. Edvardsen et al. ont publié les résultats d'une étude randomisée, contrôlée, menée sur 61 patients suivis pour un cancer pulmonaire non à petites cellules. Les patients étaient divisés en 2 groupes : un groupe réentraînement à haute intensité versus un groupe témoin (9). Le programme de réadaptation était instauré 5 à 7 semaines après la chirurgie et comportait 3 sessions de 60 minutes hebdomadaires pendant 20 semaines, sessions composées d‘une séance de réentraînement à l'effort sur tapis à 80 à 95 % de la fréquence maximale et de renforcement musculaire à haute intensité. Une amélioration de la VO2max de 4,5 ml/kg/mn en moyenne a été mise en évidence dans le groupe réadaptation respiratoire. Une chimiothérapie adjuvante n'est pas une contre-indication à un programme de réadaptation à l'effort après chirurgie, mais nécessite une adaptation dans le temps pour réaliser les 60 séances. Les patients recevant une chimiothérapie postopératoire inclus dans le groupe programme spécialisé de réadaptation ont une augmentation de leur VO2max plus faible (+ 2,6 ml/kg/mn) mais significative. En revanche, le bénéfice en termes de mesures de la qualité de vie liée à la santé semble plus incertain peut-être en raison de phénomènes algiques post-chirurgicaux (10). Autre aspect, il semble que les gains soient moindres après l'intervention sans facteur explicatif clairement démontré. Le nombre de segments pulmonaires réséqués n'est pas un facteur déterminant et le poumon n'est pas le facteur limitant principal. En revanche, le déconditionnement à l'effort et le facteur musculaire périphérique sont au premier plan. Les programmes doivent donc comporter à la fois une partie de renforcement musculaire périphérique (60 à 80 % de la charge maximale en musculation [1RM] 30 à 60 mn/session × 3/sem.) et une partie de réentraînement à l'effort (70 % de la VO2 pic : 30 à 60 mn/session × 3/sem. pendant 16 semaines) [11].
L'association d'un programme de soins spécialisés de réadaptation à une chimiothérapie est possible et efficace sur la force musculaire, l'endurance ou encore le bien-être. S. Tokarski et al. ont démontré une amélioration des paramètres gazométriques après un programme de réadaptation respiratoire chez des patients sous chimiothérapie (12). Certaines précautions doivent être prises dans cette population particulière (risque d'anémie, de thrombocytopénie, d'immunodépression, de dénutrition ou encore de fractures osseuses). L'objectif doit avant tout être personnalisé, le recours à des techniques de renforcement musculaire telles que l'électrostimulation neuromotrice peut être requis, la gestion de l'anxiété ou de la dépression, fréquemment présentes, est primordiale tout comme la prise en charge sociale.
Une revue de littérature a été publiée en 2014 sur la place de l'activité physique chez les patients suivis pour un cancer pulmonaire non à petites cellules (13). Il en ressort que, en période préopératoire, un programme de rééducation pulmonairepeut ne pas être retenu par les équipes afin de ne pas retarder la chirurgie. Un programme condensé sur 1 semaine (5 jours avec 2 sessions quotidiennes) a objectivé des suites opératoires plus simples mais sur un petit échantillon de patients. En revanche, chez les patients qui ont une VO2max limite, un programme de rééducation respiratoire adapté pourrait leur permettre de devenir candidats à une chirurgie et d'améliorer le pronostic postopératoire. Les patients ayant la VO2max la plus limitée sont ceux pour qui l'amélioration serait la plus importante. Le contenu idéal du programme n'est pas formellement établi, mais il semble que l'association d'un travail respiratoire, de renforcement musculaire périphérique et de réentraînement à l'effort soit plus efficace. Les paramètres de travail ne sont pas définis non plus avec certitude : un travail basé sur les symptômes ou à intensité modérée améliore les paramètres de force musculaire et d'aptitude à l'effort. La fatigue semble être une cible des programmes de soins spécialisés en réadaptation, même si aucune recommandation sur les modalités de travail ne peut être décrite. L'impact sur les mesures de la qualité de vie liée à la santé n'a pas pu être déterminé (problématique méthodologique). La dimension éducative du programme est un élément essentiel de la prise en charge : elle peut porter sur la respiration, la gestion du stress ou de l'anxiété. L'aspect nutritionnel est également important chez ce type de patients et fait partie des ateliers à proposer. Enfin, une prise en charge psychosociale personnalisée est nécessaire.
Programmes de soins spécialisés de réadaptation pour les sujets transplantés pulmonaires
La partie éducative du programme de soins spécialisés de réadaptation est essentielle. Elle permet à court terme d'optimiser le statut fonctionnel en période préopératoire et d'apporter au patient les connaissances utiles pour la gestion des complications postchirurgicales potentielles. La tolérance aux efforts est, là aussi, un facteur prédictif des suites opératoires. Une amélioration de 100 mètres au TM6 serait corrélée avec une réduction de la durée moyenne du séjour d'hospitalisation post-chirurgicale de 2,6 jours (14).
Un travail de synthèse, publié en 2016 par M. Hoffman et al., présente des recommandations sur les programmes à proposer aux patients en attente de greffe et à ceux opérés (15). Les programmes doivent comporter, là aussi, des exercices de renforcement musculaire et d'étirement associés à un travail aérobie. La titration en oxygène doit être prudente et personnalisée. La prévention des surinfections bronchiques est primordiale. En cas de limitation fonctionnelle majeure, le réentraînement sur cycloergomètre en chambre et la stimulation électrique neuromusculaire peuvent être proposés. Le sevrage en oxygène en période postopératoire peut être un objectif de prise en charge.
Indépendamment de l'indication opératoire, malgré une amélioration des paramètres ventilatoires, les patients transplantés conservent une limitation à l'effort à distance de la chirurgie (jusqu'à 30 mois selon certaines études). La VO2 pic reste comprise entre 40 et 60 % 2 ans après la chirurgie. Le facteur limitant principal serait lié aux éléments musculaires périphériques par déconditionnement ou secondaire aux traitements médicamenteux (corticothérapie, immunosuppresseurs). Certaines précautions doivent être prises en période postopératoire immédiate du fait de l'incision chirurgicale concernant les membres supérieurs, les besoins en oxygène et le risque de chute. Les exercices doivent comporter un renforcement musculaire périphérique et un travail aérobie sur cycloergomètre. Les exercices de type “interval training” seraient aussi efficaces et mieux tolérés en termes de dyspnée que ceux de type continu. L'éducation aux autosoins est essentielle à ce stade (gestion des traitements immunosuppresseurs, des signes infectieux ou des signes suspects de rejet de la greffe, importance de l'activité physique, etc.). Une revue de littérature a démontré les bénéfices sur les performances aux exercices, la force musculaire et la densité minérale osseuse. Il existe toutefois des patients non répondeurs sans que les causes aient pu être identifiées.
Les bénéfices des programmes de soins spécialisés de réadaptation chez des personnes atteintes d'affections respiratoires sont aujourd'hui démontrés pour des maladies pulmonaires autres que la BPCO. Les précautions de mise en œuvre sont plus précises, mais certaines questions sur les modalités optimales de travail restent à déterminer.