Les programmes de rééducation et de réadaptation sont des composantes essentielles pour soigner des personnes BPCO ; ces programmes améliorent la tolérance à l'exercice, la qualité de vie, diminuent les coûts de santé.
Cependant, pour être efficace, le réentraînement doit se faire à des intensités suffisantes, ce qui pose parfois problème, notamment pour les patients atteints de BPCO de stade sévère (III à IV), selon l'ancienne classification GOLD.
L'exercice entraîne une limitation de l'expiration avec l'augmentation de la fréquence respiratoire, une diminution du temps expiratoire et l'augmentation du volume pulmonaire résiduel en fin d'expiration, engendrant une hyperinflation dynamique qui fait apparaître une pression positive en fin d'expiration, la Positive End Expiratory Pressure (PEEP), dite intrinsèque car créée par le patient, d'où l'acronyme PEEPi. L'hyperinflation dynamique entraîne à la fois une surcharge des muscles respiratoires, des dysfonctions musculaires respiratoires et des anomalies généralement associées lors des échanges gazeux. La distension engendre une augmentation du travail élastique à l'inspiration, car la courbe d'élasticité thoracopulmonaire n'est pas linéaire. L'ensemble majore la dyspnée, qui est le principal facteur limitant au cours de l'exercice.
Le rationnel initial pour envisager ce réentraînement sous ventilation non invasive (VNI) se fonde sur les résultats obtenus chez le sujet sain : pendant l'exercice, il existe une augmentation du travail respiratoire, avec un switch du flux sanguin des membres inférieurs (MI) vers les muscles respiratoires, entraînant une fatigue musculaire périphérique et un arrêt de l'exercice. Ce phénomène est amoindri si on utilise une assistance des muscles respiratoires comme la VNI pendant l'effort. Chez la personne BPCO, la VNI devrait être bénéfique du fait de la diminution de la charge inspiratoire et, par voie de conséquence, d'un maintien du flux sanguin des muscles des MI. Par ailleurs, en majorant la réponse sympathique et en diminuant le tonus vagal, la VNI améliorerait la tolérance cardiaque.Une pression inspiratoire positive (IPAP) permettrait une diminution de la charge élastique respiratoire, une diminution de la charge des muscles respiratoires, un switch du flux sanguin des muscles respiratoires vers les membres inférieurs, une diminution du tonus vagal. Une pression expiratoire positive (EPAP) permettrait une diminution de la PEEPi (1).
Différents mode de ventilation ont été étudiés : la PPC (pression positive continue), l'IPS (Inspiratory Pressure Support), la PAV (ventilation assistée proportionnelle à la respiration spontanée en adaptant le flux et la pression en fonction de l'effort du patient, difficilement applicable en routine), la BiPAP (réglages d'une pression inspiratoire et expiratoire).
Méthodes
La revue de littérature a été effectuée sur PubMed avec les mots-clés suivants : rééducation et réadaptation, ventilation non invasive, bronchopneumopathie chronique obstructive.
Réentraînement des personnes BPCO sous VNI
Plusieurs études randomisées contrôlées ont comparé le réentraînement de personnes BPCO sévères normocapnique sous VNI versus en ventilation spontanée (2-4). Les résultats montrent que l'assistance par VNI permet un temps limite d'exercice plus long et une intensité en puissance plus importante lors du réentraînement (2, 3), une amélioration de la tolérance et du temps d'endurance à l'exercice (4), sans que cet effet soit significatif mais avec une relative bonne compliance (3, 4). L'absence de différence significative pourrait s'expliquer par un temps de familiarisation avec le matériel parfois trop court (2) pour obtenir une compliance optimale, et des réglages des paramètres ventilatoires assistés EPAP peut-être trop bas pour compenser une PEEPi. En revanche, pour les BPCO sévères, l'ajout d'une VNI semble être plus efficace que l'ajout d'O2 seul pendant un réentraînement. On constate une amélioration plus nette au test de marche, ainsi que sur les questionnaires qui permettent d'évaluer la qualité de vie chez les patients sous VNI (5).
Quid du mode ventilatoire ?
Il existe une supériorité de l'usage conjoint de PAV et PPC comparativement à celui de PAV ou PPC seules (6), permettant une amélioration du temps d'exercice, un effet physiologique bénéfique de la VNI en BiPAP avec EPAP élevée (7) sur le réentraînement : diminution de la fréquence cardiaque (Fc) et de la tension artérielle (TA) et amélioration de la VO2. Le bénéfice lié au réentraînement est plus marqué en cas d'utilisation de pression inspiratoire plus élevée (8) : temps d'exercice et puissance d'entraînement plus importants, nette différence sur l'amélioration lors de l'épreuve d'effort à charge constante et sur la distance de marche, diminution de la ventilation minute, baisse de la Fc, et fréquence respiratoire (Fr), sans effet sur les mesures subjectives de qualité de vie.
En revanche, pour Bianchi et al. (9), il n'existait pas d'efficacité de l'assistance VNI. Ils notaient une amélioration de l'état des patients dans les 2 groupes, sans différence significative avec un taux élevé de non-compliance à la VNI. La BPCO de ces patients étaient toutefois moins sévère, et l'EPAP basse était peut-être insuffisante pour compenser la PEEPi. À noter que le temps moyen passé pour un médecin, pour le réglage du ventilateur, serait de 11 minutes.
Ainsi, l'usage de la VNI peut être parfois bénéfique pour les patients BPCO de stade plus sévères et si on utilise des pressions inspiratoires et expiratoires élevées. En revanche, l'adhésion, l'observance et la tolérance à ces assistances ventilatoires se combinent négativement à un surcoût et un surcroît de temps de réglage.
Une méta-analyse (8 études retenues dont 7 décrites précédemment) montre une amélioration des patients sous réentraînement et VNI par une amélioration de Fc, de VO2, de la puissance, une diminution de production de lactate, qui reste cependant non significative (10). La conclusion insistait sur l'absence de preuve évidente sur les bénéfices du réentraînement sous VNI, en soulignant quand même le fait qu'il pourrait exister un certain bénéfice parmi un sous-groupe de patients au stade le plus sévère, hypercapniques et qu'il faut utiliser des pressions inspiratoires élevées.
À l'inverse, une revue de la littérature (15 études, 75 patients BPCO sévères) concluait que la VNI pendant l'exercice peut diminuer la dyspnée et améliorer l'endurance chez les patients BPCO, avec un effet bénéfique sur le temps d'endurance, que la VNI soit faite par pression positive inspiratoire (IPS) ou PAV (11). Les effets sont plus controversés avec une PPC. Aucune différence entre les méthodes de ventilation n'est retenue. Il faut souligner que si le ventilateur a une capacité insuffisante pour répondre à la demande ventilatoire (étendues de pressions assistées trop basses), l'effet est plus délétère que bénéfique. La pression inspiratoire maximale est déterminante pour la réponse sous VNI.
Réentraînement et usage de la VNI nocturne
L'usage de la VNI hors réentraînement (pour contrer les inconvénients “pratiques” de la VNI pendant le réentraînement) chez des patients BPCO sévères hypercapniques permet une amélioration de la capacité à l'exercice, de la force musculaire et de la distance au test de marche. Cette dernière sera plus importante qu'en cas de réentraînement seul (12), avec une relative bonne compliance des patients (12, 13), et une amélioration de la qualité de vie, même si l'utilisation de la VNI est faible (< 2 heures/j), avec une augmentation du nombre de pas par jour (14), parfois non significative (13). Cetteamélioration se maintient à 2 ans (14). La VNI permet par ailleurs une amélioration de la force musculaire, une amélioration gazométrique (13) avec une diminution de la fatigue, possiblement liée à une amélioration du sommeil (12). L'usage de la VNI nocturne hors période de réentraînement améliore en partie la qualité de vie, a un effet plutôt bénéfique sur la tolérance à l'exercice qui semble conservée sur le long terme, même si l'usage de la VNI est de courte durée. La compliance reste correcte, l'utilisation de pressions élevées de suppléance apparaît recommandée.
Revue de la littérature
La revue Cochrane (15) a repris 6 études randomisées contrôlées comparant VNI pendant entraînement versus entraînement seul, versus entraînement avec “fausse” VNI, soit 126 patients atteints de BPCO sévère à très sévère. Les résultats montrent une augmentation de 13 % de l'intensité du réentraînement pour les patients sous VNI, la possibilité de terminer le programme de réadaptation, une augmentation de la capacité à l'endurance dans le groupe VNI (différence moyenne au pic de 17 %), l'absence de différence pour d'autres critères de mesure d'aptitude à l'exercice, l'absence d'effet sur la qualité de vie au questionnaire du Saint-George's Hospital , l'absence de données sur l'activité physique des patients, un taux de lactates plus bas de 0,97mmol/l sous VNI, des effets plus incertains sur la dyspnée, aucune information sur le coût, mais pas d'effets adverses rapportés. Le petit nombre d'études et de participants limite les conclusions, avec par ailleurs un risque de biais élevé. La VNI semble plus adaptée pour les BPCO sévères que pour les modérées, elle est bien tolérée, surtout chez les patients sélectionnés. Les paramètres de ventilation optimaux sont inconnus.
Recommandations
Les recommandations ATS/ERS retiennent la VNI comme assistance à la rééducation-réadaptation pour les personnes atteintes de BPCO sévère ; les recommandations de la British Thoracic Society (BTS) proposent la VNI pour les patients BPCO déjà appareillés à domicile. Dans les recommandations 2010 de la Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF) concernant la rééducation et la réadaptation du patient atteint de BPCO, l'utilisation de la VNI n'était pas recommandée par manque de preuve.
Conclusion
La VNI semble avoir un effet bénéfique sur le réentraînement, permettant d'engager et de finir un programme, y compris à haute intensité, avec un effet positif sur le système cardiovasculaire. Le réentraînement sous VNI améliore la capacité à l'exercice, sans améliorer les mesures subjectives de qualité de vie et avec un effet très incertain sur la dyspnée. Il n'existe pas de données sur le retentissement de la VNI sur les aptitudes d'activités physiques, ni sur une évaluation coût-efficacité de cette technique. Une phase de familiarisation avec le masque et le ventilateur paraît impérative avant d'envisager un protocole de réentraînement sous VNI. Le type de ventilateur et le mode ventilatoire n'ont pas été déterminés, bien que l'usage de hautes pressions semble indispensable. Les patients les plus répondeurs seraient les patients BPCO de stade les plus sévères, distendus, hypercapniques ; ceux qui bénéficient déjà d'une VNI nocturne semblent plus compliants et présentent une meileure tolérance à la VNI pendant le réentraînement. L'usage d'une ventilation à 2 niveaux de pression semble ressortir, avec de hauts niveaux d'IPAP et d'EPAP à régler pendant le réentraînement si cette dernière option est choisie, ou après une phase de réglage en période nocturne ou diurne. La conclusion principale reste que, en l'absence de recommandations, l'usage de la VNI est à étudier au cas par cas et que d'autres études sont nécessaires pour évaluer cette technique conjointe additionnelle dans un programme de réadaptation.