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Modalités du réentraînement à l'effort des personnes insuffisantes respiratoires chroniques


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  • L'efficacité des programmes de réentraînement à l'effort (REE) chez les patients atteints d'une pathologie pulmonaire est bien établie, en particulier chez les patients atteints de BPCO, et ce dès le stade précoce.
  • Après avoir éliminé toute contre-indication et réalisé une EFX ou des tests de terrain, il est recommandé de déterminer les paramètres précis de REE : le type d'exercice, en prenant en compte les perceptions du patient, la fréquence de travail est d'au moins 3 fois par semaine durant 30 à 45 minutes, et ce pour un total de 15 à 24 séances, une intensité d'exercice à démarrer en endurance fondamentale vers une endurance à intensité maximale.
  • Un travail de renforcement musculaire associé (périphérique et respiratoire) a montré son intérêt.

L'utilité des programmes de réentraînement à l'effort (REE) chez les patients atteints d'une pathologie pulmonaire est particulièrement établie, avec pour effets de réduire la dyspnée, d'augmenter les performances aux efforts d'endurance fondamentale, d'améliorer le bien-être subjectif au travers de mesures de qualité de vie liée à la santé. Les protocoles d'entraînements par des exercices musculaires aérobies utilisés pour des patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ont été étudiés au travers de nombreuses études, incluant, outre l'intolérance à l'effort liée à l'atteinte respiratoire, celle liée à la déficience musculaire périphérique, la dysfonction cardiovasculaire, et au retentissement psychologique lié à cette pathologie (anxiété, dépression, manque de motivation).

Nous allons, dans un premier temps, décrire les modalités pratiques du REE chez le patient atteint de BPCO. Dans un second temps, nous décrirons les spécificités de prise en charge dans le cadre d'autres pathologies pulmonaires.

Modalités du REE chez le patient BPCO

Les groupes de travail de l'American Thoracic Society (ATS) et celui de l'European Respiratory Society (ERS) ont réuni, en 2013, 46 experts, afin de définir les protocoles applicables aux patients BPCO au vu des données actualisées de la littérature, d'en préciser les modalités, et d'améliorer le maintien des acquis chez ces patients.

Indications/contre-indications

Les patients inclus dans un programme de REE ont fréquemment une BPCO de stade avancé. Des données récentes de la littérature démontrent que commencer ce programme à un stade précoce améliore certains paramètres physiques (1) ; il s'adresse à tout patient BPCO avec une prise en charge médicamenteuse ­optimale, dyspnéique ou qui réduit ses activités physiques et sociales liées à son état de santé. La motivation du patient est un critère important. Une revue Cochrane, réalisée en 2016 (2), a par ailleurs recensé plusieurs essais randomisés contrôlés, permettant de conclure à la faisabilité, en toute sécurité, de la mise en place immédiate de ce programme chez les patients en post-exacerbation­­, avec une efficacité démontrée sur la dyspnée, les capacités à l'effort, les mesures de qualité de vie, la durée d'hospitalisation, la mortalité et la réduction des consommations de soins.

Les patients exclus de ce programme sont ceux ayant certaines pathologies cardiovasculaires associées, en l'absence de l'accord du cardiologue, des affections orthopédiques et/ou neurologiques qui rendent impossible la faisabilité pratique des activités physiques proposées, une instabilité majeure de l'état respiratoire, une pathologie psychiatrique non stabilisée, un manque de motivation et/ou d'assiduité. Enfin, certains patients ne peuvent bénéficier de ce programme par difficultés logistiques ou inadaptation des organisations sanitaires (perturbation de la vie quotidienne du patient en activité professionnelle, difficultés liées au transport, inadaptation de l'organisation des soins, etc.).

Critères d'évaluation/tests préalables

Avant tout programme de REE, il est habituel d'évaluer plusieurs paramètres prenant en compte les déficiences, les limitations d'activités et les restrictions de participation du patient. Ils permettent d'une part d'établir les caractéristiques précises du REE, en prenant en compte notamment les facteurs individualisés des risques associés, d'autre part d'évaluer l'efficacité du programme proposé.

Au préalable, outre le recensement des antécédents et traitements du patient, il faut prendre en compte son mode de vie et ses doléances, via un interro­gatoire précis (limitation à l'effort et ses causes, activités phy­siques pratiquées, périmètre de marche, tabagisme, état nutritionnel notamment par mesure d'impédancemétrie, état psychologique, qualité de vie). Certaines évaluations sont régulièrement utilisées, telles le Saint George's Respiratory Questionnaire ou le test SF-36, évaluant l'impact de la maladie sur la qualité de vie du patient, avec des valeurs de sensibilité variables. Le stade de la BPCO doit également être précisé, notamment via la réalisation d'EFR. Le BODE-index permet d'évaluer, selon des critères précis, les facteurs de risque et le pronostic de mortalité du patient. Enfin, de nombreux outils existent pour évaluer l'importance des symptômes du patient : échelle de Borg, EVA, Multidimensional Fatigue Inventory, etc.

Un ECG datant de moins de 3 mois devra également être réalisé (cf. contre-indications), ainsi que la prise des constantes : poids, taille, fréquence cardiaque, tension artérielle de repos, saturation en oxygène.

Il est utile de réaliser des tests de terrain au préalable, afin de déterminer les performances à l'exercice du patient, ainsi que déterminer la sévérité de l'atteinte systémique de la BPCO : le test de marche de 6 minutes (TDM6) est régulièrement effectué et permet d'avoir un bon reflet des capacités physiques aérobies et, pour les activités de la vie quotidienne (AVQ) du patient, de vérifier l'absence ou la présence de désaturations aux efforts. Il doit être réalisé selon des conditions strictes. D'autres tests comme le Step Test ou le Stepper Test permettent d'obtenir des résultats sensibles et reproductibles chez le patient BPCO, corrélés à ceux du TDM6. Des tests navettes (test progressif maximal ou test navette endurant), le test des escaliers ou test du lever de chaise de 5 minutes (TLC5) sont également des tests de terrain utiles en pratique courante, de par leur facilité d'exécution, leur faible coût, permettant notamment de réaliser un suivi régulier du patient pendant un REE. Les mesures de force des muscles cibles à renforcer chez les patients BPCO (via la mesure d'une répétition maximale [1RM] ou via des dynamomètres isocinétiques), permettent de guider au mieux les paramètres de renforcement et de suivre l'évolution du programme.

L'épreuve d'effort maximale (EFX) à l'exercice reste l'examen prioritaire à réaliser au préalable d'un programme de REE : elle mesure la capacité maximale et la tolérance à l'exercice du patient, elle permet de déterminer la réponse à l'effort des systèmes pulmonaire, cardiovasculaire, hématopoïétique, neurophysiologique et musculaire, de déterminer la ou les cause(s) d'une limitation à l'effort (ventilatoire, cardiovasculaire, périphérique, métabolique, déconditionnement à l'exercice), et d'éliminer les risques cardiovasculaires et d'inadaptation locomotrice. Enfin, elle permet d'adapter le programme de REE.

Lieux du REE

En phase précoce post-exacerbation, le REE se fait préférentiellement dans des unités d'hospitalisation spécialisées de réadaptation.

Certaines études ont porté sur l'efficacité du REE à domicile (3) : le contenu d'une séance est expliqué au patient et un support écrit lui est remis, après évaluation initiale effectuée par un kinésithérapeute ou un médecin spécialiste de réadaptation formé pour individualiser et adapter ces typologies de programmes des soins. Chaque séance inclut un échauffement, des étirements, un renforcement musculaire (sangle abdominale, membres supérieurs et inférieurs, muscles respiratoires), suivi d'un travail de REE proprement dit, d'une durée de 30 à 40 minutes, et ce durant 8 à 12 semaines. Il doit être établi au mieux, selon le premier seuil ventilatoire (endurance fondamentale) et/ou le seuil de dyspnée, en tenant compte de la fréquence cardiaque à laquelle survient cette dyspnée. Si aucune épreuve d'effort n'a été réalisée, le travail peut s'effectuer à 60 % de la fréquence cardiaque de réserve, pour peu que l'on connaisse le pic maximal de fréquence cardiaque pendant un effort chez ces patients. Le choix et l'adaptation de l'ergomètre, puis le travail sur ergomètre (cycloergomètre) ou la marche à l'extérieur sont les activités les plus fréquemment proposées. Une évaluation initiale, une évaluation intermédiaire et au moins une évaluation finale sont préconisées.

En ambulatoire, l'intervention de thérapeutes sensibilisés et formés à ce type de prise en charge est indispensable.

Type d'exercice

Le type d'exercice choisi doit être individualisé, fondé sur une évaluation approfondie, et doit tenir compte des doléances du patient : par exemple, pour un patient atteint de BPCO sévère, qui a pour seul objectif d'augmenter son périmètre de marche, le travail doit essentiel­lement être réalisé sur tapis de marche, et/­ou sur terrain stable et instable (4).

Le travail sur cycloergomètre permet de favoriser le travail musculaire, notamment des quadriceps et ischio-jambiers (5) et de diminuer la désaturation induite par l'exercice (5). Enfin, il permet, de façon plus précise, de diversifier l'intensité de travail (cf. infra).

Le travail sur ergomètre à bras a pour inconvénient, outre l'absence de travail des membres inférieurs, d'augmenter la tension artérielle et la fréquence ­cardiaque.

Si le patient a bénéficié d'une EFX préalable, il est intéressant de le faire travailler sur le même ergomètre, pour définir au mieux les paramètres initiaux, adapter l'incrémentation du programme et suivre au mieux l'évolution.

Fréquence de travail

Une fréquence de 3 à 5 fois par semaine est préconisée (4). En tenant compte des indisponibilités de certains patients, un minimum de 4 séances par semaine semble être idéal.

Intensité d'exercice

Le REE doit se faire selon un principe de surcharge régulier en l'absence de surentraînement.

Initialement, le travail doit être débuté à 60 % de la capacité maximale, définie soit lors du TDM6 (fréquence cardiaque cible = fréquence cardiaque mesurée à 3 minutes du TDM6), soit au premier seuil ventilatoire (SV1) établi lors de l'EFX. En effet, l'objectif chez ces patients est de commencer le travail au seuil d'endurance fondamentale.

L'incrémentation doit être progressive : certains se fondent sur la fréquence cardiaque, avec un travail sur cycloergomètre à augmenter de 10 W si la fréquence cardiaque baisse de 10 bpm pour une même intensité de travail, d'autres se fondent sur la Borg dyspnée : si elle est inférieure à 5/10 (doit être comprise entre 4 et 6/10), la puissance de travail peut être augmentée.

Trois intensités différentes peuvent être appliquées, en particulier selon les capacités et limitations du patient, modifications plus faciles à réaliser sur cycloergomètre :

  • travail à charge constante : dans la majorité des études, l'intensité d'exercice proposée est entre 50 et 80 % de la Pmax (6) ; parfois, les patients sont entraînés selon leur fréquence cardiaque (FC), entre 50 et 80 % de la FC maximale ;
  • travail en Interval Training (IT) : ce type de travail, alternant des périodes de travail à haute intensité et faible intensité, donne de meilleurs résultats sur les mesures de qualité de vie des patients présentant une insuffisance cardiaque ; en revanche, chez les patients BPCO, aucune différence n'a été établie par rapport à un travail en endurance continue (7). Néanmoins, compte tenu de la forte prévalence de l'insuffisance cardiaque chez les patients BPCO, ce type d'intensité peut être utile, avec des intervalles à haute intensité inférieurs à 1 minute ; il semblerait que ce type de travail, par rapport à un travail continu d'endurance, diminue la sensation de dyspnée à l'effort ;
  • travail en SWEET : travail alternant des intensités élevées comme 60 à 90 % de la VO2pic pendant 1 minute, combiné à un travail à 40 % de la VO2max durant 5 minutes.

Durée d'exercice

Le travail sur ergomètre doit être maintenu au total entre 30 et 45 minutes (6), 60 minutes pour certains auteurs (6), mais il est difficile à obtenir au quotidien (sentiment de lassitude des patients).

Au total, 24 séances de prise en charge, au minimum, sont préconisées (6).

Évaluations finales

Les évaluations finales permettent de définir l'efficacité du programme de REE. Idéalement, les paramètres à recueillir sont ceux réalisés au préalable.

Travail associé

Outre le REE proprement dit, un travail de renforcement musculaire en endurance et en résistance, des membres supérieurs et inférieurs, peut être intégré positivement au programme.

Le renforcement des muscles respiratoires doit également être intégré.

Enfin, des exercices de type tai-chi, gymnastique, électro­stimulation, et surtout des programmes d'éducation thérapeutique peuvent être associés.

Le REE hors BPCO

De nombreux patients atteints de pathologies respiratoires autres que BPCO sont également intolérants aux efforts et dyspnéiques.

Des essais récents ont montré des bénéfices du REE sur la dyspnée et la qualité de vie des patients atteints de pathologies interstitielles (8), mais à débuter précocement.

Le REE dans le cadre des pathologies oncologiques d'origine respiratoire, notamment en préopératoire, améliore la force musculaire, la qualité de vie, le statut physique, la sensation de bien-être et réduit les comorbidités postopératoires.

Il en est de même pour les patients atteints d'asthme ou de mucoviscidose. Enfin, des études ont été réalisées chez les patients porteurs d'HTAP modérée (entre 20 et 35 mmHg), où de tels programmes semblent tout à fait envisageables sous surveillance adaptée.

Références

1. Van Wetering CR, Hogendoorn M, Mol SJ, Rutten-van Mölken MP, Schols AM. Short- and long-term efficacy of a community-based COPD management program in less advanced COPD: a randomised controlled trial. Thorax 2010;65(1):7-13.

2. Pushan MA, Gimeno-Santos E, Cates CJ, Troosters T. Pulmonary rehabilitation following exacerbations of chronic obstructive pulmonary disease. Cochrane Database Syst Rev 2016;12:CD005305.

3. Gautier V, Ouksel H, Bajon D, Veale D, Brondel L, Pison C. Home pulmonary rehabilitation in chronic respiratory insufficiency. Rev Mal Respir 2004;21:829-34.

4. Leung RW, Alison JA, McKeough ZL, Peters MJ. Ground walk training improves functional exercise capacity more than cycle training in people with chronic obstructive pulmonary disease (COPD): a randomised trial. J Physiother 2010;56:105-12.

5. Poulain M, Durand F, Palomba B et al. 6-minute walk testing is more sensitive than maximal incremental cycle testing for detecting oxygen desaturation in patients with COPD. Chest 2003;123:1401-7.

6. Jouaneau S, Dres M, Guerder A et al. Management of acute exacerbations of chronic obstructive pulmonary disease (COPD). Guidelines from the Société de pneumologie de langue française (summary). Rev Mal Resp 2017;34:282-322.

7. Killian KJ, Leblanc P, Martin DH, Summers E, Jones NL, Campbell EJ. Exercise capacity and ventilatory circulatory and symptom limitation in patients with chronic airflow limitation. Am Rev Respir Dis 1992;146:935-40.

8. Tonelli R, Cocconcelli E, Lanini B, Gigliotti F, Clini EM. Effectiveness of pulmonary rehabilitation in patients with interstitial lung disease of different etiology: a multicenter prospective study. BMC Pulm Med 2017;17:130.


Liens d'intérêt

L. Tambosco, A. Rapin, L. Percebois et F.C. Boyer déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.